Retour de flammes pour le nouvel opposant syrien pour le moins accusé de n'avoir pas tout dit, ou qui tente alors de renier son passé. Pour ainsi dire, Abdelhalim Khaddam, qui entend provoquer la chute du régime syrien, a été rattrapé par son passé. Et c'est l'un des plus farouches adversaires, sinon ennemis, de Damas, Khaddam y compris pour avoir été au pouvoir pendant des décennies, qui se charge de le lui rappeler. Il s'agit du général chrétien libanais Michel Aoun qui croyait être en mesure de combattre la présence militaire syrienne dans son pays. Aujourd'hui député, après être rentré d'exil auquel l'avait contraint la défaite militaire que lui avait infligé l'armée syrienne, il a accusé samedi l'ancien vice-président syrien d'être responsable de plusieurs assassinats au Liban, notamment celui d'un président. « Il était directement responsable. Comment expliquer lorsqu'une personne, en ce temps-là le président René Moawad, disparaît après une réunion avec M. Khaddam ? », a demandé M. Aoun lors d'un entretien sur Dubaï TV. Moawad a été tué dans un attentat à Beyrouth le 22 novembre 1989, jour de l'indépendance, peu après son retour d'une visite en Syrie. M. Khaddam, 73 ans, qui vit en exil à Paris depuis sa démission en juin, mène une offensive médiatique pour obtenir la chute du président Bachar Al Assad, qu'il a accusé d'avoir ordonné l'assassinat de l'ex-Premier ministre libanais, Rafic Hariri le 14 février, après avoir été l'architecte de la mainmise syrienne sur le Liban durant trois décennies. Selon le général Aoun, ancien chef d'un éphémère gouvernement de militaires chrétiens opposé à la tutelle syrienne sur le Liban, M. Khaddam est aussi responsable de plusieurs assassinats politiques et de la corruption durant la guerre civile libanaise (1975-1990). « M. Khaddam a longtemps été en charge du dossier libanais, et sous son autorité de nombreux événements comparables à l'assassinat de Hariri ont eu lieu », a souligné M. Aoun rentré en mai 2005 d'un exil de 15 ans en France, après le départ des troupes syriennes en avril sous la pression de la rue et de la communauté internationale, à la suite de l'assassinat de Hariri. « Il y a eu les assassinats de deux présidents, Bachir Gemayel et René Moawad, celui du mufti de la République cheikh Hassan Khaled, du député Nazem Al Kadri (...) et de Kamal Joumblatt », le chef druze, a-t-il dit. « Nous espérons qu'il (Khaddam) se souviendra de ces jours et nous dira comment ces événements ont eu lieu et de la corruption qui a sévi au Liban », a poursuivi le député libanais, chef d'un groupe parlementaire. Quant au mouvement chiite libanais Hezbollah, il a retourné hier l'accusation de « traîtrise » contre le député druze membre de la majorité parlementaire, aujourd'hui farouchement antisyrien, Walid Joumblatt. « Si la traîtrise devait s'incarner en une personne, elle le serait en Walid Joumblatt », a dit le Hezbollah. C'est la première fois que ce parti s'en prend nommément à M. Joumblatt qui lance depuis un mois des critiques de plus en plus acerbes contre le Hezbollah, sans le nommer. Selon le Hezbollah : « Le fait que Walid Joumblatt ait qualifié les armes de la résistance anti-israélienne d'armes de la traîtrise est la chose la plus dangereuse qu'il ait dite (...) depuis des semaines ». « Cette qualification (...) a dépassé toutes les bornes. » Le Hezbollah, dont les combattants sont déployés à la frontière avec Israël, exige que le gouvernement renonce au désarmement de sa branche militaire, stipulé notamment dans la résolution 1559 de l'Onu. Samedi, M. Joumblatt a violemment attaqué le Hezbollah devant des centaines de ses partisans. « Nous rappelons à ceux qui ne possèdent que des armes, la traîtrise, les voitures piégées (...) qui font acte d'allégeance à une autre patrie (Iran) que les foules qui ont manifesté le 14 mars pour l'indépendance du Liban (vis-à-vis de la Syrie) sont plus fortes que cette bande », a dit Joumblatt, en référence à la grande manifestation organisée à Beyrouth après l'assassinat de Rafic Hariri. Selon lui, « c'est la même bande criminelle » qui a assassiné Hariri, l'ex-dirigeant communiste Georges Hawi, l'écrivain Samir Kassir et le député et journaliste Gebrane Tuéni. Par ailleurs, « les déclarations de M. David Welch (l'envoyé spécial américain venu samedi au Liban, ndlr) sont une nouvelle tentative pour remonter le moral des forces antisyriennes qui s'opposent à la stabilité du Liban », a déclaré un responsable syrien. « L'objectif de telles déclarations est d'augmenter les pressions sur la Syrie qui appelle à la stabilité et à la paix globale », a ajouté ce responsable sous le couvert de l'anonymat. M. Welch a déclaré samedi à la presse, après une rencontre avec le Premier ministre libanais Fouad Siniora, que la Syrie « devait coopérer pleinement avec la commission d'enquête de l'Onu sur l'assassinat de l'ex-Premier ministre Rafic Hariri », la menaçant de saisie du Conseil de sécurité dans le cas contraire. L'accusation est d'une extrême gravité, et dans le cas du Liban, chaque phase de cet échange fait craindre le pire. Le souvenir de la guerre civile est loin de disparaître.