La SEAAL, indique son directeur général, Jean-Marc Jahn, promet de finaliser son programme visant à alimenter en eau les foyers algérois H/24. Tout en reconnaissant la difficulté de la tâche rencontrée par cette entreprise dans la mise à niveau du réseau de distribution d'eau dans la capitale, il se dit confiant quant à la réalisation de tous les objectifs tracés dans le contrat signé entre Suez et les pouvoirs publics. Quand aura-t-on de l'eau H/24 à Alger ? Au jour d'aujourd'hui, quelque 92,7% de la population est alimentée en eau potable H/24. Nous pensons que d'ici le 15 septembre, nous allons atteindre un taux de 95%. Pour atteindre les 100%, il reste quelques opérations très compliquées à accomplir. Toutefois, il existe encore des endroits où il n'y a pas d'eau. Il y en a deux catégories : la région sud de la wilaya d'Alger qui n'a pas d'eau H/24 et qui est historiquement mal alimentée pour manque de ressources ou pour des raisons liées à la vétusté du réseau. Dans certains autres quartiers, nous enregistrons des perturbations, en particulier durant cet été. Ce sont des perturbations liées aux travaux que nous sommes en train de finaliser. Environ 1000 chantiers coordonnés, à la fois, sur la production, le transfert et la distribution de l'eau sont lancés. Mais pour arriver à une distribution H/24, il faut d'abord avoir des ressources et réaliser d'autres chantiers. Il faut savoir qu'à chaque fois qu'on lance un chantier, cela génère des perturbations. Par exemple à Alger-Centre, on a adopté la modulation de pression (varier la pression entre le jour et la nuit). Il est inutile de donner trop de pression au réseau, surtout quand il est ancien. Car plus il y a de pressions, plus il y aura fuite d'eau. Alger présente une particularité d'avoir 98 étages de pression différents. Ce qui fait que le système est vraiment compliqué. Pendant les travaux, des parties importantes de la population sont isolées. Toutefois, le confort général de l'eau s'est amélioré depuis trois ans. Les perturbations dans la distribution sont parfois dues à des coupures du courant électrique nécessaire pour le fonctionnement des stations de pompage. Alger dispose-t-elle suffisamment de ressources pour couvrir les besoins de sa population d'une manière régulière et permanente ? Absolument ! Nous avons fait un très joli travail en 2007 qui s'appelait les quatre clés du H24. La première concerne la disponibilité des ressources. En 2006, il n'y en avait pas assez. Aujourd'hui, la question est réglée ; l'Etat a construit de nouveaux barrages et mis en service de nouvelles installations. On peut dire que, maintenant, Alger dispose d'un système de production diversifié et sécurisé (50% d'eau viennent des barrages, 30% proviennent de la Mitidja et 20% sont produits pas la station du Hamma). En revanche, nous avons mis, avec le ministère des Ressources en eau, un système qui permet d'épargner la nappe de la Mitidja. La deuxième clé concerne les transferts ; l'eau est produite essentiellement à l'extérieur de la wilaya d'Alger (en particulier dans la région de Boumerdès, Tizi Ouzou et Tipaza) et la consommation se fait à Alger. Il faut transporter cette eau. Un travail de pose de la tuyauterie et de la réalisation des stations de pompage se fait actuellement et nous sommes sur le point d'achever les travaux. La troisième clé consiste dans le réseau de distribution. Celui-ci doit être amélioré. Au fur et à mesure qu'on va vers le H24, on voit les problèmes apparaître. La quatrième clé consiste en l'éradication du gaspillage. Il y a deux types de gaspillage : le premier est dû à la vétusté du réseau, le second est le fait des particuliers. C'est dans ce sens que nous avons mis en place une organisation qui permet de repérer les fuites et les réparer rapidement. Et cela à travers la consécration d'un numéro spécial pour signaler des fuites ou des anomalies de distribution (15 94). Les fuites d'eau et la vétusté des réseaux sont un des points noirs de la distribution d'eau à Alger. Peut-on résoudre définitivement ce problème ? Non ! On ne résoudra jamais définitivement ce problème. C'est l'expérience internationale qui le dit. Pourquoi ? Alger a un réseau vétuste qui s'étend sur 4000 km et nous ne pouvons pas changer le tout à coup de baguette magique. Cela nécessite beaucoup de temps. D'ailleurs, nous avons élaboré un schéma directeur (une vision sur 25 ans) que nous avons présenté aux autorités qui l'ont accepté. La SEAAL ne pourra pas résoudre le problème en quelques années. Nous enregistrons près de 2000 fuites par mois. Pour les détecter et les réparer à temps, l'entreprise doit être mieux organisée. S'agissant du gaspillage privé, là nous avons fait un choix. Nous nous sommes dit que tant que les citoyens algérois n'ont pas un service qui répond aux standards internationaux, nous ne les culpabiliserons pas sur le sujet. Dans les zones où nous sommes déjà en H24, nous faisons, en revanche, dans la sensibilisation. En tout cas, le portefeuille est un bon incitant. La SEAAL n'a rien à voir avec les prix qui sont administrés. Toutefois, il y a des citoyens qui considèrent que depuis le changement des compteurs par la SEAAL, les factures sont plus salées. Ce n'est pas vrai, car les anciens compteurs ne fonctionnaient pas bien. Dans beaucoup de communes à travers le pays, les gens ne payent pas l'eau. Est-il le cas pour la wilaya d'Alger ? Oui ! Je pense que cela est le fruit de l'informalité. Durant la décennie noire, il y a eu un développement urbanistique qui n'est pas maîtrisé. Donc, des quartiers entiers ont été installés à Alger comme partout ailleurs. Et les usagers de l'eau sont devenus plus nombreux, sans qu'ils soient enregistrés officiellement. Présentement, nous sommes en train de les recenser. Il y a, en fait, deux catégories : les clients qui payent leur facture et qui sont des clients de la SEAAL. Dans notre démarche, nous avons procédé au changement, depuis 2006, de 240 000 compteurs. Il y a une autre catégorie de clients qui sont des gens disposant d'un branchement et qui ne sont pas enregistrés. Nous sommes en train de nettoyer tout ça. Aujourd'hui, nous sommes proches de 500 000 clients recensés et qui payent leurs factures régulièrement. Nous avons, d'autre part, entre 140 000 et 150 000 autres usagers qu'il faut intégrer. Nous pensons qu'on va arriver, à terme, à 650 000 clients. Comment évaluez-vous la qualité de l'eau actuellement ? Nous avons beaucoup travaillé sur ce sujet et nous avons mis pratiquement une année et demie pour stabiliser la qualité de l'eau. Depuis une année, je peux dire que la qualité de l'eau distribuée au niveau d'Alger est complètement conforme aux normes internationales. Cela est dû à trois choses. D'abord, les sources sont de bonne qualité ; les eaux des barrages, de la nappe de la Mitidja et celle de la station de dessalement du Hamma sont des eaux de bonne qualité au départ. Ensuite, la question qui se pose est comment emmener cette eau au robinet en garantissant sa qualité bactériologique. Là on a fait un énorme travail de surveillance et d'ajustement des systèmes de traitement de l'eau. Nous avons multiplié par 30 le nombre de contrôles de qualité. Ainsi, on peut dire que la qualité de l'eau est maîtrisée. Le troisième facteur est lié en particulier au système de distribution de l'eau discontinu. Dans ce genre de système, il est très difficile de garantir la qualité l'eau. Plus on va vers le H24, plus la qualité de l'eau est facile à maîtriser. La qualité de l'eau distribuée à Alger n'a rien à envier à celle des grandes capitales européennes. Dans le contrat signé entre Suez et les pouvoirs publics, il y a un volet pourtant sur la formation et le transfert des technologies. Y a-t-il un programme qui est suivi dans ce domaine ? Le contrat porte sur des aspects techniques concernant l'amélioration du système de distribution de l'eau pour se mettre aux normes internationales. Le deuxième aspect concerne le transfert du savoir-faire. Le dispositif mis en place par Suez environnement vise à atteindre cet objectif. On a découpé notre métier en 36 sous-métiers. Chacun des métiers contribue à l'amélioration du système de gestion de l'eau pour arriver au top. Donc nous avons identifié toutes les étapes à franchir et nous avons établi des plans d'action avec des formations. Cette formation porte sur trois domaines : le management, les métiers techniques et le contrôle sur chantier. Ce qui est frappant c'est la progression du transfert du savoir-faire chez la SEAAL. Cela a très bien progressé. La capacité managériale des cadres de la SEAAL a complètement changé. Comment évaluez-vous votre expérience en Algérie et quel bilan en faites-vous ? D'abord le contrat signé était bien ficelé. Il comporte des objectifs, un plan d'action, des moyens et des résultats bien précis. En trois ans et demi, nous sommes dans la feuille de route. Dans l'ensemble des domaines, nous avons globalement progressé comme c'était prévu. Mais le boulot n'est pas achevé. C'est un énorme chantier qui nécessite beaucoup de temps pour être finalisé, et je suis très confiant pour la suite. Je pense qu'il y a beaucoup de respect entre la SEAAL et les pouvoirs publics et entre elle et les citoyens. Nous faisons des enquêtes annuelles qui portent sur 2500 clients sélectionnés au hasard, pour voir quel est le degré de satisfaction des citoyens. L'année dernière, le taux de satisfaction global était de 84%. Cette année, je pense que ce sera meilleur. Je n'ai pas les résultats définitifs. Il y a une grosse proportion de citoyens qui sont satisfaits. Avec les moyens mis par l'Etat et l'expertise, la tâche devient facile. Que préconisez-vous pour maintenir, à la fin de ce contrat, le même service et la même gestion de l'eau à Alger ? Pour parler de la suite du contrat, il faut être deux autour de la table. Il faut que les pouvoirs publics et Suez s'entendent sur la question. Pour ma part, je dirais que je suis satisfait de l'expérience et j'aimerai pouvoir la poursuivre. Il y a un très grand travail qui reste à faire aussi dans le domaine de l'assainissement. Je pense qu'il y a encore de la place pour continuer à procurer de l'expertise à Alger. Si pour la gestion de l'eau nous avons bien avancé, pour l'assainissement nous serons à la moitié du chemin d'ici à la fin du contrat (2011). Suez est intéressée par d'autres projets en Algérie. Mais cela dépend de la volonté des pouvoirs publics. Ali Benyahia , Madjid Makedhi