On ne sort pas déçu des projections du Festival de Toronto. Quiconque a vu les deux films indiens, montrés en séance de presse au Cineplex Varsity, doit reconnaître que la situation du cinéma indien, en dépit de la forme purement distractive et commerciale de la production de Bollywood, est aussi dans une conjoncture sérieuse et de haute qualité. Toronto (Canada) De notre envoyé spécial A Toronto, il n'y a pas que le cinéma américain qui marche fort. Cela fait longtemps que les cinéastes indiens du Kerala ont de bonnes idées et font des films qui concernent l'histoire et la société indienne. Une œuvre fort louable, Kanchivaram, réalisée par Priadarshan, sélectionnée au Festival de Toronto a été fortement appréciée. C'est une histoire essentiellement politique. Au départ, on observe la virtuosité avec laquelle les tisserands de Kamchipuram, une vieille cité du sud de l'Inde, liée depuis très longtemps au travail et au commerce de la soie, fabriquent des saris de soie qui sont autant des chefs-d'œuvre. Un homme rêve d'offrir un sari à sa fille pour son mariage. Il manipule chaque jour cette précieuse étoffe ; mais pour l'avoir, il faut d'énormes sacrifices. Un engrenage de pitoyables incidents, qui vont éclairer l'exploitation féroce dont sont victimes les travailleurs du secteur de la soie et comment le système féodal les écrasent totalement, va transformer le rêve du père qui rêve d'un sari pour sa fille en une épouvantable tragédie.Toute la détresse humaine est dans cette œuvre filmée avec beaucoup de talent et de sensibilité. A l'évidence, le second film indien sélectionné au Festival de Toronto Firaaq (séparation) de Nadita Das est marqué par les mêmes critères de maîtrise et de qualité. C'est aussi la tragédie indienne : l'histoire des émeutes du Gujarat en 2002, au cours desquelles des bandes d'extrémistes hindous ont massacré toute une partie de la population musulmane et brûlé les maisons et les commerces. Non dénué de courage, ce film prend position contre les néo-fascistes hindous manipulés par un parti politique reconnu en Inde. Mise en scène de forte intensité, Firaaq a trouvé une place appropriée dans la sélection judicieuse du Festival de Toronto. En tout cas, le programme réuni par l'équipe de Piers Handling, le directeur du Festival, a démontré autant le talent des réalisateurs qui ont la chance d`y figurer que celle des sélectionneurs qui ont parcouru la planète pour ramener ici ces bobines fort attachantes, avant qu'elles ne repartent de Toronto dans le circuit des autres festivals.