Dans les salons du Hyatt Regency de Montréal, des jeunes filles courent dans tous les sens. Montréal (Canada) De notre envoyé spécial Elles sont stagiaires, assignées par la festival de Montréal (23 août-3 septembre) à l'accueil, au service de presse et au guest service. Les homélies contre le Festival de Montréal ont cessé. C'est le Festival d'un seul homme, seul contre tous, Serge Losique, qui a sauvé sa manifestation à la grande satisfaction des cinéphiles. Certains, et parmi lesquels des officiels de téléfilms Canada, ne voyaient pas plus loin que Toronto sur lequel flotte une odeur d'Hollywood. Alors que, sur le plan cinématographique, Montréal reste un réservoir de recherche, de liberté, d'ouverture. Ce n'est plus le moment de parler de la crise. Le FFM montre qu'il est plein de ressources et que ses détracteurs se sont trompés d'adresse. Un acteur de grande taille John Voight et une star souriante Sophie Marceau ont ouvert jeudi soir au Théâtre Maisonneuve la nouvelle session du FFM devant une salle élégante et remplie. Pas un pays maghrébin ou africain ne manque ici dans le programme. Ce qui a fait défaut au Fespaco, à Carthage ou à Vues d'Afrique, le FFM l'a mis dans ses salles, sur ses écrans. Pour l'Algérie, Morituri d'Okacha Touita. Pour le Maroc, plusieurs productions de Latifa Lahlou et Hassen Benjelloun. Pas un pays du sud du Sahara n'est oublié avec des films d'Afrique du Sud, du Congo, de l'Angola, du Tchad, du Mozambique, d'Ouganda, du Burkina, de Côte d'Ivoire... Le FFM a mis tout en œuvre pour avoir une bonne représentativité du cinéma africain. Ne parlez pas d'Afrique ou du monde arabe aux gens du Festival de Toronto. Ils font des affaires avec Hollywood. Avec l'habileté d'un vieux connaisseur de l'Afrique et du monde arabe, Serge Losique, avec la directrice du festival, sa complice dans les recherches, Danièle Cauchard, ont franchi encore une fois les frontières de l'Occident. Le FFM ne se sentira pas étouffé comme d'autres festivals sous le poids des seules images d'Occident. Alors qu'aujourd'hui, les sponsors privés et publics reviennent et que les autorités fédérales jouent l'apaisement, le Festival de Montréal, malgré la pluie, pouvait démarrer jeudi soir dans une ambiance de fête. Grand public, comédie simple mais loufoque à l'ouverture de Bluff (production québécoise), on ne s'ennuyait pas jeudi soir dans le Théâtre Maisonneuve. Au même instant, un dernier carré de cinéphiles regardait Septembre Dawn, de Christopher Cain, avec Jon Voight, sur le grand écran installé sur la place des Arts, sous la pluie... LES FILMS DU FLEUVE Impossible de chercher à comprendre Montréal sans son fleuve, le Saint-Laurent. Sans ses boucles, ses bassins, ses quais et ses plages. On peut, entre deux films du Festival de Montréal, prendre ses quartiers sous la place du Génie, au café des Ecluses, près du fleuve. Les habitants de Montréal sont comme ceux de Paris ou d'Alger. Pour un oui ou un non, ils s'installent au café. Montréal n'est pas Los Angeles. C'est une ville où l'on marche. Ce n'est pas non plus la Suisse : sans raison, on traverse ici en dehors des clous, sans attendre le signe vert au carrefour. Le centre est un concentré urbain agité, vif. La grande foule cavale rapidement vendredi soir sur les boulevards Maisonneuve, Levesque et rue Sainte-Catherine. On tente parfois de comprendre une ville à travers ses rayons des libraires. Voici deux petites librairies, rue Sainte Catherine. Dans la première, on trouve côte-à-côte le Dalaï Lama, Harry Potter, et Simone de Beauvoir ! Dans l'autre, toute une vitrine consacrée aux livres de Tahar Ben Djelloun. On s'attendait à voir l'auteur surgir sur le champ de l'endroit après avoir signé des dédicaces. Les films du festival, les livres, le fleuve s'entrecroisent gaiement sous la pluie de Montréal. Les premiers jours, la presse a titré sur Kandahar en Afghanistan où deux soldats canadiens ont péri dans un attentat qui a sérieusement blessé deux reporters de Radio Canada. Des régiments canadiens sont au cœur du conflit, soi-disant pour ramener la paix… A Montréal, les passions politiques paraissent très faiblement éveillées. Aucune manifestation dans la rue pour exiger le retour des soldats de Kaboul. Mais c'est encore le temps des vacances d'été. Les journaux essayent prudemment de démêler le sens et le contresens de la présence canadienne dans la guerre américaine. L' Amérique de Bush s'enlise et piétine. Que va faire le le Canada ? Pendant ce temps, le Festival des films du monde est de retour dans sa ville natale sans avoir disparu. La chape qui pesait sur lui a fini par sauter. Le FFM dans sa taille normale : plus de 400 films. Les chaînes qui s'allongent dès le matin devant le cinéma impérial montrent bien qu'à Montréal on a d'urgence besoin des images du monde.