Les statistiques réalisées par l'UNESCO placent l'Algérie parmi les pays où les gens lisent le moins. La notion de littérature destinée aux enfants et le rôle éminemment éducatif et instructif de celle-ci, les bienfaits du livre et la responsabilité des parents qui n'accordent pas à la lecture l'importance qui lui sied dans le milieu familial, les dangers de certains livres destinés aux enfants, actuellement en vente à travers tout le pays, la main mise de la télévision sur l'esprit des enfants et l'absence de producteurs de littérature de jeunesse en Algérie, la nécessité de mettre l'objet « livre » entre les mains des enfants dès leur plus jeune âge et de les initier à la lecture autant des signes de la langue que de celle des images et des représentations graphiques, le paradoxe d'une population majoritairement juvénile, comme celle de l'Algérie, mais détachée du monde de la littérature et des livres, l'anarchie prévalant sur le marché du livre pour les enfants et les adolescents, la désaffection des bibliothèques et des librairies, tout cela a constitué entre autres des pistes de réflexions suivies à l'occasion d'un colloque initié par l'association Khaldounia, vendredi dernier, à la maison de la culture Ridha Houhou, articulé autour du thème de la « Littérature pour les enfants algériens : Réalités et perspectives », colloque auquel un public, composé de pères de mères de familles, d'universitaires, d'enseignants et de jeunes, a assisté. Programmée par la direction de la culture de Biskra pour agrémenter les soirées de ce mois de Ramadhan, cette manifestation culturelle s'est démarquée des autres activités du genre, selon l'avis de plusieurs participants, par la qualité de l'organisation et du volet académique assuré par des enseignants de l'université de Biskra qui ont suscité un débat ouvert, où chacun a pu émettre ses idées et sa vision des choses sur la relation qu'entretiennent les enfants algériens avec le livre et la littérature. Le constat est sans appel. La lecture n'est pas le fort des jeunes, ont reconnu à l'unanimité tous les présents. Après que le Dr T.Ibrahimi, du département des sciences sociales de l'UMK, a défini, dans une première intervention, les « cadres sociaux de la littératures pour enfants » le Dr M.Abdelhadi, du département de littérature arabe, a développé, dans sa communication intitulée « Analyses des histoires pour enfants », quelques caractéristiques communes à toutes les histoires produites pour les enfants dans le monde, tout en se désolant que « la nation de Ikra soit constituée de sociétés de non-lecteurs » et que « les statistiques réalisées par l'UNESCO placent l'Algérie parmi les pays où les gens lisent le moins » ; il plaide pour l'ouverture des esprits et le dialogue inter-civilisations réalisés à travers les histoires pour les enfants. Des pommes de terre au lieu d'un livre ! Profiter de l'expérience des autres pays dans le domaine de la production littéraire pour la jeunesse, ne pas craindre les effets de la mondialisation et la liberté de la femme « ne sont pas des hérésies », selon ses mots, et il ajoutera que le lancement d'une dynamique de production nationale de livres pour les enfants, afin de contrer les idées « rétrogrades et extrémistes », propagées à travers des histoires apparemment enfantines mais portant atteinte subrepticement à nos traditions et à notre culture ancestrale, était de plus en plus pressant. Au sujet du désintéressement des enfants pour la lecture, l'universitaire fustige les parents « responsables du devenir de leurs enfants, mais qui font peu de cas de la littérature et des livres ». Et d'ajouter : « Ils préfèrent acheter des pommes de terre qu'un livre ». L'école, selon lui, « doit revoir sa démarche pédagogique essentiellement basée sur la répétition et la mécanisation des tâches, brimant ainsi l'imagination et le désir des enfants à aller d'eux-mêmes à la rencontre du livre. » A. Sobti, professeur au département de l'information et de la communication, a, quant à elle, abordé le « rôle des medias audiovisuels dans le développement des connaissances de l'enfant » et le professeur H.Kaâb, du département de littérature arabe, s'intéressant à la « poésie pour les enfants algériens » et ayant répertorié des dizaines de contes populaires, des comptines et des berceuses du patrimoine dialectal national destinés aux enfants, dira à cet effet : « La culture traditionnelle algérienne n'est pas pauvre en œuvres poétiques et en histoires extraordinaires pour éduquer, amuser, distraire et faire dormir les enfants. C'est à nous de les transmettre, de les valoriser ». Modérateur de ce colloque, Nourredine Zimam, professeur au département des sciences sociales, conclura en disant : « L'enfant algérien a un besoin urgent d'initiation à la lecture et à la littérature afin de le prémunir contre toutes les déviances comportementales et culturelles imposées par l'environnement médiatiques de plus en plus agressif et prégnant. Il faut ancrer dans son esprit le goût du merveilleux et des histoires imaginaires et, surtout, lui apprendre à dialoguer, à défendre son point de vue et ses idées pacifiquement. L'éclosion de talents et d'enfants doués n'est possible qu'à la condition que la littérature et le livre leur deviennent des compagnons naturels »