Ce lieu d'habitation présente, au grand dam des locataires, l'aspect d'un quartier déshérité. Si beaucoup de citoyens ne jouent pas leur rôle dans la préservation de leur propre cadre de vie, en revanche, d'autres ne sont pas indifférents à l'état piteux de leur cité. Ils cherchent des moyens pour mieux gérer leur cité ? Erigé dans les années 1980, Haï El Amel, plus connu à Biskra sous le nom de la cité des 1 000 logements, où se concentrent dans un dédale d'immeubles de différentes hauteurs des milliers de familles de toutes extractions sociales, subit apparemment autant les effets du temps que ceux de l'indifférence et de l'incivisme de ses habitants dont une partie, néanmoins, outragée et inquiétée par la dégradation, à vue d'œil, de son environnement urbain, en appelle aux autorités publiques pour les aider à sauver leur cité et à y rétablir « un cadre de vie digne de notre époque », indiquent-ils. En effet, des déchets ménagers exhalant des odeurs nauséabondes, jetés à la sauvette, des mares d'eau saumâtre, des lampadaires éborgnés, des trottoirs aux bords détruits, une végétation ravagée ou inexistante et des murs décrépis et ternes font de cette cité populaire l'antre de mille maux que ce groupe de citoyens ne veut pas voir proliférer « au détriment de leurs enfants. » Prenant à témoins les représentants de la presse locale, ils affirment avoir, à l'occasion des veillées ramadhanesques, mené des actions de sensibilisation et d'information en direction de tous les riverains pour « modifier les comportements inconvenants à la vie en collectivité », mais cela semble insuffisant. Ils continuent à chercher le meilleur moyen de gérer leur cité et d'en éradiquer tous les fléaux. Un jeune raconte que des habitants s'adonnent à l'élevage de caprins et à la cuniculiculture (élevage de lapins) dans les appartements, que d'autres ont installé des colombiers où roucoulent des dizaines de pigeons et qu'un père de 6 enfants trouve l'espace dans son F4 d'avoir un chenil composé de 3 à 5 chiens tandis que d'autres habitants ont aménagé des poulaillers. « Imaginez les désagréments que tout cela induit », dira-t-il. Des comportements inconvenants Un autre ajoute que d'autres habitants entreprennent des travaux de transformation architecturale, tels que la modification des balcons en loggia ou l'ouverture de portes donnant sur des jardinets qu'ils se sont appropriés du fait qu'ils habitent aux rez-de-chaussée. « Evidemment, sans aucune autorisation des services compétents », précisera-t-il. Usant sciemment de l'exagération pour exprimer l'ampleur du désastre qui touche ce quartier, un fonctionnaire d'une cinquantaine d'années prône « la mise en branle d'un véritable plan Marshall mental pour déclencher une prise de conscience de tous les habitants quant à leur responsabilité directe dans la dégradation de leur environnement. » Pour redonner aux riverains le plaisir de vivre dans ces immeubles au cachet architectural décrié depuis leur construction, mais qui constituent des abris de qualité pourvu qu'ils subissent un coup de balai et un coup de peinture, un aménagement des espaces verts, des trottoirs, de l'éclairage public et surtout une participation active à la préservation des locaux et des espaces communs de tous les habitants, sont nécessaires. « Ce n'est pas un travail de titan », dira-t-il. Reconnaissant que, depuis son inauguration, cette cité n'a jamais été marginalisée par les différentes équipes municipales qui ont présidé à la gestion de la ville, les habitants des 1 000 logements se rappellent que durant le mandat municipal de S. Nehaili, un vaste plan d'aménagement urbain et de ramassage des ordures ménagères avait été initié, mais qui a été réduit à néant par « le vol des bacs à ordures ou leur destruction par le feu par de jeunes énergumènes libres de toute autorité parentale », et que l'actuelle assemblée populaire communale, dirigée par A. Kelatma, avait dès son installation fait bénéficier cette cité de plusieurs campagnes de nettoyage et d'embellissement urbain, mais, qu'encore une fois, ces actions sont parties en fumée quelques mois après pour laisser place à une cité « en piteux état » qui présente, au grand dam des habitants et des autorités communales, l'aspect d'un quartier déshérité. Ayant visiblement promené sa bosse aux quatre coins du monde, un retraité, qui croyait finir ses jours dans un bel appartement de sa ville natale et qui se retrouve dans une cité « malfamée, lugubre de jour comme de nuit », selon ses mots, une paraphrase de Bertolt Brecht disant : « Celui qui veut changer le monde doit d'abord changer sa rue ». Il se demande par ailleurs : « Pourquoi l'Algérie est l'un des rares pays du monde moderne où le métier de concierge n'existe pas ? » Voila, peut-être, un créneau d'activité, délaissé pour on ne sait quelle sombre raison et qui pourrait constituer une solution aux multiples aspects positifs pour la ville, ses dirigeants et pour ses habitants.