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Malek Bennabi, théoricien de la culture (1ere partie)
Publié dans El Watan le 23 - 09 - 2009

Qu'est-ce que la culture ? » En dehors des réponses hâtives, pédantes ou cavalières, la question laisse pantois les sociologues et autres chercheurs et, aborder le grand thème de la culture, plonge généralement les intellectuels dans l'embarras et l'hésitation. On ne peut être, en effet, que désemparé face à un mot dont les contours restent indéfinis, malgré tous les efforts consentis depuis les deux siècles passés.
Face à ce thème, l'incertitude marque singulièrement les penseurs et les intellectuels en général. « Vous savez ce qu'est la culture vous ? Bien. Moi, pas ». C'est la réponse qui a fusé de la bouche d'André Malraux, écrivain de renom, longtemps ministre des Affaires culturelles de son pays, à la question : « Qu'est-ce que la culture ? ». Elle résume les difficultés qui entourent le contenu d'un concept qui a emprunté avec l'homme tant de cheminements et soumis à tant de vicissitudes et de différences contextuelles. C'est que la culture aborde la société humaine dans toute sa complexité et ses profondeurs. Elle touche à l'homme dans tous ses mystères , L'homme cet inconnu, pour reprendre le titre du Iivre d'Alexis Carrel. Prise sous l'angle de la place qu'elle confère aux nations dans leur concert, animées par la compétition et la rivalité, de son rôle dans leur influence, l'unanimité se dégage sur l'importance de la culture. « Je mets Malraux à ma droite, parce qu'il représente le rayonnement de la France », avait répondu de Gaulle à ceux qui s'étonnaient de la place de l'auteur des Antimémoires lors des conseils des ministres en France.
1- Une œuvre pionnière
Parue une première fois en 1958, en arabe, au Caire, l'œuvre n'a été publiée dans sa version originale en français qu'en 2006, à Alger, grâce aux efforts de quelques dévoués. Et l'on ne peut que déplorer comment le livre est resté très peu connu du grand public en Algérie, en dehors de certains initiés, de quelques études ou de thèses universitaires, bien qu'il soit l'un de ses ouvrages-clés et malgré son immense valeur intellectuelle et la nouveauté de l'approche, inaugurée par l'un des meilleurs esprits arabes contemporains. « Les idées exposées dans Le Problème de la culture sont étrangères au sein de l'intelligentsia arabe », souligne d'emblée Bennabi pour signifier le caractère innovateur de son étude. L'importance capitale qu'elle revêt est à souligner aussi. Dans la pensée arabo-musulmane contemporaine, le mérite revient incontestablement à Bennabi d'avoir non seulement imposé un sens scientifique au terme « culture » mais de lui adjoindre, en outre, un contenu précis. On lui doit d'abord l'effort réussi de soustraire le terme aux vagues notions littéraires par lesquelles les romanciers arabes ont vulgarisé le mot dès le début du XXe siècle. Ce sont les littérateurs, en effet, qui se sont saisi du vocable dans une indigence conceptuelle avérée en expliquant la culture par le développement intellectuel de l'individu ou par la somme de connaissances acquises. Certains intellectuels ont fusionné « culture » et « savoir » et se sont embourbés dans la confusion et ajouté un surcroît d'ambiguïté au terme, outre qu'elle réduit le concept à une simple parure d'esprit, avant que le mot « thaqafa » ne prenne une large audience pour s'imposer à travers le sens fort dominant de « divertissement » et de « distraction ». En résumé, les notions populaires et les définitions savantes se sont juxtaposées pour livrer deux visions bien partielles et superfétatoires, galvaudées parfois par les uns et les autres.
2- Eléments d'approche
Bennabi, grâce à qui le vocable s'apprête désormais à la précision d'un concept et s'éloigne des généralités, a déployé toute son énergie et mis tout son génie et donné le meilleur de lui-même pour contribuer à engager le monde arabo-islamique sur la voie de l'histoire. Pour saisir sa théorie, nous Iivrons, ci-après, quelques éléments d'approche. La culture : une ambiance générale Considérant la culture comme la source principale du comportement de l'individu et le style de vie dans la société, Bennabi la perçoit comme « l'ambiance générale dans laquelle se meut l'individu ». Elle définit sa personnalité et lui imprime un degré d'efficacité. Bennabi ne peut être ainsi que proche de l'école culturaliste américaine. Ses éminents représentants abordent la culture comme « la configuration générale des comportements appris et de leurs résultats, dont les éléments composants sont partagés et transmis par les membres d'une société donnée » (R. Linton : Le Fondement culturel de la personnalité). Elle est perçue aussi comme « l'ensemble des formes acquises de comportement qu'un groupe d'individus, unis par la tradition commune, transmettent à leurs enfants. Ce mot désigne donc non seulement les traditions artistiques, scientifiques, religieuses et philosophiques d'une société, mais encore ses techniques propres, ses coutumes politiques et les mille usages qui caractérisent sa vie quotidienne : modes de préparation et de consommation, manière d'endormir les petits enfants, mode de désignation d'un président, etc... » (M. Mead : Sociétés, traditions et techniques).
L'homme est le produit d'une culture. Quant à son credo d'un nécessaire changement, il ne peut que le rapprocher de certaines expressions de la théorie allemande de la culture. « Nous, Allemands, cherchons des points de repère pratiques en vue d'un changement et réaliser un maximum de possibilités de changement » (E.R Curtius : L'Idée de la civilisation). Pour Bennabi justement, la culture doit permettre ce changement et doit être à sa base. Par ailleurs, si on s'abstrait de la guerre des concepts qui masque la querelle idéologique franco-allemande ravivée et accentuée au XIXe et au début du XXe siècle, en plus de l'opposition kultur-civilization, propre à certains intellectuels allemands, on peut dire que l'école allemande aborde le concept de la culture comme très proche de celui de la civilisation même si, pour un Spengler, elle annonce sa fin imminente. La culture, une synthèse générale des quatre synthèses partielles. La problématique ainsi appréhendée permet à Bennabi de disséquer le concept et d'assigner à la culture un grand dessein en l'analysant à travers ses quatre éléments fondamentaux : l'éthique, l'esthétique, la logique pragmatique et la technique. L'orientation d'une civilisation dépend de ces quatre éléments, si bien que la culture n'est, en fin de compte, qu'une synthèse générale de ces quatre synthèses partielles. A l'éthique, Bennabi attribue le rôle de cohésion qu'elle garantit dans une société.
Seule l'éthique assure l'unité de la société, dans son devenir et dans sa fonction. Cette unité a besoin d'une apparence exigée par l'organisation formelle qui touche à la tenue vestimentaire, au mode de vie, à la disposition des effets à la maison. Cette fonction est assurée par l'esthétique. « Le beau nous somme de penser », disait Alain (Propos de littérature). Bennabi abonde presque dans le même sens : « Une laideur ne peut inspirer de belles ni de grandes idées » (Les conditions de la renaissance). Les valeurs esthétiques configurent la société et disciplinent notre quotidien : « Il faudrait, écrit Bennabi, que dans nos rues, dans nos cafés, on trouve la même note esthétique qu'un metteur en scène doit mettre dans un tableau de cinéma ou de théâtre. Il faudrait que la moindre dissonance de son, d'odeur ou de couleur nous choque comme on peut être choqué devant une scène théâtrale mal agencée ».
La culture est une construction, l'art est une expression. Cette question du goût esthétique, mal appréhendée, a conduit à la confusion entre culture et expression culturelle. Dans le sillage du divertissement, l'idée de la culture reste largement dominée par les arts dénués généralement de toute créativité. Le chant, les danses, le folklore, le cinéma, le théâtre... sont des expressions de la culture. Ils constituent une partie de la culture en rapport avec l'esthétique. Ils renseignent sur celle-ci et indiquent, proportionnellement, le génie ou la déclin d'une culture. C'est pourquoi le goût esthétique est une affaire trop importante pour la laisser à la seule discrétion des marchands, des charlatans et des cohortes de prétendus artistes. Pour embourber une société dans ses problèmes, il suffit tout juste de corrompre son goût esthétique. Inversement, pour emprunter le chemin de la civilisation, l'entretien du goût esthétique est un passage obligé, une condition sine qua non. La logique pragmatique participe de la satisfaction des besoins d'une société.
Bennabi lui donne comme synonyme l'efficacité. C'est l'ensemble des mouvements dans une société, selon leurs résultats et le temps qu'ils consacrent. Elle exprime, autrement dit, l'« efficacité », un terme qui fait Ia trame dans nombre d'ouvrages de Bennabi. La technique ou le savoir : c'est, pour Bennabi, la dernière condition dans l'édification de la culture. La technique est le produit de la science. La science est, pour ainsi dire, le quart de la culture pour schématiser. Cette décomposition des éléments de la culture permet, paradoxalement, une construction, une unité de vision et d'horizon. Elle jette les jalons d'une étude d'un domaine livré à toutes les dérives conceptuelles qui, en fin de compte, l'ont vidé de son contenu au profit de quelques simples expressions. De la culture, on ne perçoit, ainsi, que des manifestations dites culturelles. Qu'est-ce qu'une crise culturelle ? C'est l'incapacité d'une société à réaliser cette synthèse générale. Elle s'exprime à travers une multitude de formes qui paraissent parfois anodines, quotidiennes à force de leur reproduction mais qui, au fond, résument le marasme dans une société.
(A suivre)
N.- E. K. : Ecrivain- traducteur [email protected]


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