S'il fait couler sang et larmes, il fait aussi couler beaucoup d'encre. Qu'est-ce que le terrorisme ? Qu'en est-il de la résistance à l'occupation coloniale et de l'utilisation de la violence à des fins d'autodétermination des peuples qui la subissent ? Qu'en est-il de la violence et de l'arbitraire exercés par des Etats contre des populations sous occupation ? Si les Etats occidentaux, les victimes et les organisations qui les soutiennent dans ces pays qualifient de terrorisme toute atteinte contre des civils, comme cela a été affirmé au cours des travaux du premier congrès européen des victimes du terrorisme qui s'est tenu à Paris le 17 septembre. Paris. De notre correspondante Si nous prenons aussi en considération les témoignages de victimes ou de proches des victimes, les pays du Sud, de manière générale, englobent aussi le terrorisme d'Etat, à l'instar de celui qu'exerce Israël contre les populations palestiniennes. Ce terrorisme-là a été volontairement écarté du débat, alors que l'ultime recours des peuples opprimés, reconnu par des organisations comme la Ligue arabe, l'Organisation de la conférence islamique et les non-alignés, a été qualifié de terrorisme. Henri Laurens, professeur au Collège de France, relève la difficulté de définir le terrorisme, particulièrement dans le monde arabe : « Dans le monde arabe, la quasi-totalité des mouvements définis comme terroristes en Occident considèrent leurs actes comme des actes de guerre ou révolutionnaires. » Et de constater qu'« aucune définition juridique ne s'applique à la totalité du phénomène » avant de préconiser une définition « à partir du droit des peuples à leur autodétermination et du respect de la démocratie ». Henri Laurens fait remarquer que dans la Déclaration universelle des droits de l'homme, le droit de révolte contre l'oppression a disparu, d'où la « difficulté de définir l'ultime recours ». « Toute lutte contre le terrorisme implique un arbitrage entre la sécurité de tous et la liberté de tous. Une société démocratique est plus à même de faire cet arbitrage ». Malka Markovitch, historienne, représentante du Mouvement pour la paix et contre le terrorisme, plus catégorique, indique en signe de désapprobation que « la Conférence islamique, la Ligue arabe, le mouvement des non-alignés ont leur définition. Pour la Conférence islamique, tous les moyens sont bons pour la défense de l'autodétermination ». Amalgames et contrevérités Et de s'insurger contre l'ONU dont la prochaine assemblée générale sera présidée par la Libye : « Dans son discours à l'assemblée générale de l'ONU, l'ambassadeur libyen a dit que le plus grave des terrorismes est le terrorisme d'Etat. Aucune cause n'autorise l'attaque de civils. » Et aussi, en référence à l'affaire Lockerbie : « nos démocraties sont en train de passer au stade de la compromission, une manière de se protéger contre le terrorisme, jusqu'où cela va-t-il nous mener ? » Pour enfoncer le clou, le cinéaste Jean-Pierre Lledo se demande si « la résistance a le droit d'utiliser la violence par n'importe quel moyen. N'y a-t-il pas des limites à une violence légitime ? Chacun dit que sa cause est juste, si on part de là, on justifie tous les terrorismes. L'individu est le seul critère, il n'y a pas d'autre critère de justesse ». « Le terrorisme ne peut pas être une cause juste. Il y a un problème de vocabulaire, il faut dire qu'au pays basque, il y a des assassins et non des autonomistes », s'insurge Maria del Mar Blanco, membre du Parlement basque, présidente de la fondation Miguel Angel Blanco. De notre point de vue, il y a effectivement un problème de vocabulaire, de généralisation abusive, voire erronée, de simplification et d'évacuation de contextes historiques et politiques, de contre-vérités et d'équivoques.