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Regard sur le nouveau code de procédure civile et administrative
Publié dans El Watan le 25 - 09 - 2009

Au lendemain de l'indépendance, le plus urgent était d'assurer la mise en place de l'appareil judiciaire et d'entreprendre l'unification des juridictions dites musulmanes et des juridictions dites de droit commun, système judiciaire imposé par le colonisateur.
Cela mettait fin à un dualisme juridictionnel qui se justifie dans un système de domination coloniale, caractérisé par l'existence de juridictions mineures, de causes n'intéressant que les Algériens mais qui étaient parfaitement incompatibles avec le principe de l'égalité des citoyens devant la justice. Bien entendu, les règles de procédure qui étaient suivies devant les juridictions d'avant l'indépendance ont été maintenues provisoirement et ce, en application de la loi n° 62-157 du 31 décembre 1962 tendant à la reconduction, jusqu'à nouvel ordre, de la législation en vigueur au 31 décembre 1962. Avec le premier ministère de la Justice (1962-1963), on s'était attelé à élaborer d'autres codes... Une autre étape a été franchie avec la réforme de 1965-1966, réalisant ainsi la refondation du système judiciaire algérien sur des bases nouvelles ; elle a abouti à l'adoption de codes proprement algériens . C'est ainsi qu'est intervenue l'ordonnance n° 66-154 du 8 juin 1966 portant code de procédure civile ( J. O. R. A. D. P. n°47 du 9/6/1966). Le code comprend 478 articles couvrant neuf livres : La compétence (L. I) ; la procédure devant les tribunaux (L. II) ; la procédure devant les cours (L. III) ; dispositions communes aux tribunaux et aux cours, la procédure d'urgence (L. IV) ; la procédure devant la cour suprême (L. V) ; de l'exécution des décisions de justice (L. VI) ; des procédures relatives à des matières spéciales (L. VII) ; de l'arbitrage (L. VIII) ; dispositions générales, dispositions transitoires (L. IX). Dans les dispositions transitoires, le législateur a tenu à préciser certaines formes particulières de procédure. Cependant et dans la pratique judiciaire, les dispositions de l'article 7 du code n'ont pas manqué de poser problème(1). Cela a conduit le législateur à y introduire des rectificatifs qui furent publiés, l'un au Journal officiel n° 63 du 23/7/1966 et l'autre au Journal officiel n° 70 du 16/8/1966. Le code de 1966 a connu par la suite d'autres aménagements, d'abord par l'intervention de l'ordonnance n° 71-80 du 29/12/1971 modifiant et complétant l'ordonnance du 8 juin 1966 et, plus tard, la loi n°86-1 du 28/1/1986 . D'autres textes d'application sont intervenus par la suite et ce, pour fixer la liste territoriale des cours agissant dans le cadre de l'article 7 de l'ordonnance n°66-154 du 8 juin 1966. Il s'agit du décret n°86-107 du 29/4/1986 (J . O. R. A. D. P. n° 18 du 30/4/1986), du décret exécutif n° 90-412 du 22/12/1990 ( J .0 . R. A. D. P. n° 1 du 2/1/1991). Enfin, une autre ordonnance n° 97-11 du 19/3/1997 a décidé d'un autre découpage judiciaire. Pour se situer dans le contexte d'une économie ouverte est intervenu le décret législatif n°93-9 du 25/4/1993 comportant des dispositions particulières à l'arbitrage commercial international, texte qui a mis en adéquation la politique économique du pays avec l'extérieur.
Par la suite, ont paru des lois organiques, l'une n° 98-1 du 30/5/1998 relative aux compétences, à l'organisation et au fonctionnement du Conseil d'Etat (J. 0. R. A. D. P. n°37 du 1er/6/1998 ), l'autre loi n°98-2 du 30/5/1998 est relative aux tribunaux administratifs (J. 0. R. A . D. P. n° 37 du 1/6/1998). Un décret exécutif n° 98-356 du 14/11/1998 a fixé les modalités d'application des dispositions de la loi n°98-2 ( J. O. R. A. D. P. n° 85 du 15/11/1998 ). Pour régler les conflits de compétence entre les juridictions de l'ordre judiciaire et celles de l'ordre administratif, il a été créé par la loi organique n°98-3 du 3/6/1998 le tribunal des conflits (J. O. R. A. D. P. n°39 du 7/6/1998), laquelle loi règlemente les compétences, l'organisation et le fonctionnement du tribunal des conflits. Ce sont là des textes dont l'opportunité a été dictée par la Constitution de 1996 laquelle a énoncé à l'article 152, alinéa 2 : « Il est institué un Conseil d'Etat régulateur de l'activité des juridictions administratives » et à l'alinéa 4 dudit article : « Il est institué un tribunal des conflits pour le règlement des conflits de compétence entre la Cour suprême et le Conseil d'Etat ». Les textes relatifs au contentieux administratif ont été intégrés en annexe au code de procédure civile ancien. En outre, les lois organiques relatives au Conseil d'Etat et aux tribunaux administratifs renvoyaient expressément aux dispositions du code de procédure civile quant à la procédure à suivre devant lesdites juridictions.
Il fallait donc regrouper tous les divers textes dans un seul et unique corpus juridique. C'est ce qui a été entrepris par le ministère de la Justice, en initiant l'élaboration d'un projet de loi portant code de procédure civile et administrative. C'est ce qui a été consacré par loi n°8-9 du 25 février 2008 (J. O. R. A. D. P. n°21 du 23/4/2008). J'ai tenu à replacer l'élaboration du nouveau code dans le contexte décrit ci-devant pour souligner que les divers responsables qui se sont succédé à la tête de la chancellerie se sont employés à refondre le code de procédure civile à partir de données tenant à la société algérienne avec ses spécificités. Or, il semble que cela ne fut pas le cas quant à la démarche suivie pour son élaboration . C'est, d'ailleurs, ce qui a suscité divers commentaires de la part de praticiens du droit(2). J'ai tenu, quant à moi, à livrer mes réflexions sur le nouveau code. Je le ferai, dans un premier temps, en réservant mes propos d'abord à la partie du code relative à la procédure civile. Il a été dit que « le nouveau code est une révolution en matière de procédure civile » et qu'il se caractérise par « des principes d'équité ». D'abord, le code, dans ses dispositions relatives à la procédure civile, a été fortement inspiré du nouveau code de procédure civile français, résultant du décret n°75-1123 du 5/12/1975. Selon les concepteurs du code, celui-ci « tranche totalement avec l'ancien code du point de vue de structure ; quant au contenu, il définit clairement toutes les règles de procédure qui régissent un procès ».
Faut-il rappeler que le nouveau code, en tournant le dos à l'ancien, a tout simplement adopté la structure du code français et ce, dans ses divers titres ou divisions et également jusqu'à la formulation des dispositions de beaucoup d'articles, mis à part quelques nuances. Il faut comparer la table des matières de chacun des deux codes pour se rendre compte de la forte ressemblance. Est-ce que le nouveau code garantit au justiciable algérien un procès équitable ? Le procès équitable obéit à des principes cardinaux qui sont d'ailleurs prévus par la Constitution. L'article 139 affirme que « le pouvoir judiciaire ... garantit à tous et à un chacun la sauvegarde de leurs droits fondamentaux ». L'article 140 ajoute : « La justice est fondée sur les principes de légalité et d'égalité ; elle est égale pour tous, accessible à tous et s'exprime par le respect du droit ». A ce sujet, l'article huit (8) du nouveau code n'est-il pas une contrainte pour le justiciable ? Aussi, le procès équitable implique que la justice soit accessible à tous (3). Faut-il rappeler que le décret présidentiel n°99-234 du 19/10/1999 portant création de la Commission nationale de la réforme de la justice a souligné à l'article 5 : « La commission est chargée notamment de proposer toutes mesures ou recommandations utiles pour rendre la justice plus accessible aux citoyens (J. O. R. A. D. P. n°74 du 20/10/1999). Or, le nouveau code engage le justiciable à suivre une procédure lourde et formaliste à outrance, sans compter les frais occasionnés dans le cheminement du procès. A-t-on oublié que la justice est un service public, lequel est défini, au sens matériel, comme toute activité destinée à satisfaire un besoin d'intérêt général et qui, en tant que telle, doit être assumée et contrôlée par l'administration( 4 ). D'un autre côté, le nouveau code a occulté un autre principe aussi cardinal qu'est le droit à la défense qui est formellement reconnu par la Constitution, à l'article 151. Je rappelle que dans son allocution, à l'occasion de l'ouverture de l'année judiciaire 2000-2001, le président de la République a dit : « Le droit de la défense sera renforcé et élargi par l'élimination des procédures et des limitations injustifiées qui entravent son exercice, ce qui devrait favoriser, par la transparence, la moralisation de la profession ». Aussi, me suis-je posé la question : « Pourquoi les rédacteurs du code ont-ils négligé un tel principe ? ». Ils ont, curieusement, bien que s'inspirant largement du code de procédure civile français,« sauté »le titre XII dudit code ayant trait à la représentativité et l'assistance en justice, lequel précise à l'article 411 : « Le mandat de représentation en justice comporte pouvoir et devoir d'accomplir au nom du mandant les actes de procédure ».
Or, l'ancien code de procédure civile, modifié et complété par divers textes législatifs, a toujours disposé à l'article 16 : « La représentation en justice est réglée, en ce qui concerne les avocats, régulièrement inscrits au tableau de l'ordre national des avocats, selon les textes en vigueur de l'organisation, de l'exercice de cette profession ». Ceci étant, sur la partie relative à l'exécution forcée des titres exécutoires, au Livre III, le nouveau code, tout en reprenant les dispositions de l'ancien code, a eu le mérite d'introduire, à travers de nouvelles dispositions, des aménagements tendant à clarifier ou préciser des procédures, en matière d'exécution forcée des titres exécutoires et plus particulièrement les saisies, exécutions immobilières et droits immobiliers publiés. Par contre, je signale des lacunes dans le code qui se rapporte au serment judiciaire, comme moyen de preuve, au ministère public, soit qu'il agisse comme partie principale ou partie jointe. J'ai noté qu'il intervient dans diverses procédures et il figure plus spécialement dans les affaires matrimoniales, aux articles 438, 453, 456/2, 458/2, 460/2, 463/4, 465, 466/1, 470/1, 412, 484/1. Enfin, et comme les attributions en matière de statut personnel du tribunal ont été dévolues à la section des affaires matrimoniales, en tant que pôle spécialisé, il fallait prévoir un alinéa à l'article 423 sur le contentieux relatif aux successions, les actes de bienfaisance, tels le testament, la donation ou le waqf qui sont régis par le code de la famille. En conclusion, je souligne que le procès équitable requiert essentiellement l'effort jurisprudentiel tant attendu de ceux qui doivent dire le droit (5).
L'auteur est : Avocat et professeur de droit. Ancien directeur du cabinet du ministre de la Justice
Notes :
(1) Voir Mustapha El Hassar : A propos de l'article 7 du CPC, in Revue algérienne des sciences juridiques, économiques et politiques, 1969, n°1 pp 7-10 et Henri Fenaux : L'article 7 du code algérien de procédure civile, in Revue algérienne des sciences juridiques, économiques et politiques, 1969, n°3 pp 845-852.
( 2) El Watan du 29/4/2009, du 20/6/2009, du 25/6/2009, du 29/6/2009 et du 11/7/2009.
( 3) Voir Ghaouti Benmelha : « L'environnement institutionnel et juridictionnel du procès équitable », in El Watan du 18/4/2007.
( 4) R. Guillien et J. Vincent : Lexique des termes juridiques. M.A. Bousoumah : « Essai sur la notion juridique du service public », in Revue algérienne des sciences juridiques, économiques et politiques, 1992, n°3.
(5) Ghaouti Benmelha : « Réflexions sur l'effort jurisprudentiel » (en arabe), in Revue algérienne des sciences juridiques, économiques et politiques, 1997, n°3 pp 619-644 et Revue de la Cour suprême, 2000, n°1 pp 45-65.


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