Le mouvement olympique en Algérie a connu ces derniers temps quelques déboires qui risquaient de provoquer une fissure sérieuse et durable au sein de la famille sportive. L'implication gênante des instances internationales semble toutefois en voie de trouver une issue à la crise à travers de nouvelles élections sous la conduite d'une commission autonome et représentative des différents courants. L'équipe dirigeante qui aura la délicate tâche de réhabiliter le Comité olympique au niveau national et international devra, à mon avis, recadrer les activités de cette importante institution de façon à apporter le soutien nécessaire aux fédérations sportives, sans jouer le rôle de tuteur ni piétiner les prérogatives du ministère de la Jeunesse et des Sports, avec les risques de confrontation de missions. Le Comité olympique, dans le contexte difficile que vit notre jeunesse, avec le danger des fléaux sociaux, devrait consacrer une partie de son énergie à la promotion de la pratique sportive à visées éducative, culturelle et sanitaire, conformément à la définition même de l'olympisme : « l'olympisme est une philosophie de la vie exaltant et combinant, en un ensemble équilibré, les qualités du corps, de la volonté et de l'esprit. Alliant le sport à la culture et à l'éducation, l'olympisme se veut créateur d'un style de vie fondé sur la joie dans l'effort, la valeur éducative du bon exemple et le respect des principes éthiques fondamentaux, universels. Le but de l'olympisme est de mettre partout le sport au service du développement harmonieux de l'homme, en vue d'encourager l'établissement d'une société pacifique, soucieuse de préserver la dignité humaine ». A travers cette définition originelle de l'olympisme, on note l'importance que revêt le sport dans le domaine de l'éducation de la population et de la consolidation des valeurs culturelles. La valeur éducative du bon exemple soulignée par cette définition rappelle que des référents devraient être sollicités pour canaliser sainement notre jeunesse. Lors de voyages que j'ai effectués dans certains pays africains tels que le Sénégal ou la Côte d'Ivoire, j'ai été surpris par l'utilisation massive de l'image de leurs idoles sportives à travers des portraits frappés de slogans, type « Dioufattitude ou Drogbattitude » pour pousser les jeunes à les imiter, ou d'écoles sportives parrainées par ces stars. Malheureusement, chez nous, nos vedettes sportives ne sont pas sollicitées dans ce domaine mais plutôt dans celui du marketing commercial ou politique. L' olympisme encourage la massification de la pratique sportive dans le but d'asseoir l'esprit de tolérance, de non- violence et du respect des valeurs humaines. 1- Valeurs et idéaux olympiques L'idéal olympique appelle au renforcement du respect et de l'amitié par le biais de rencontres sportives animées par l'esprit de fair-play et de tolérance. Le principe de cette « philosophie de la vie » se base sur la non-discrimination (raciale ou sexiste), la solidarité, l'humanisme et l'universalité. Avec l'instauration rapide de la notion de compétition, l'olympisme recommande l'excellence, dans le strict respect des règles du jeu : « il vaut mieux viser la perfection et la manquer que viser l'imperfection et l'atteindre ». Ainsi, l'orientation de cet idéal cher à Coubertin est d'être le modèle en tout point de vue, que ce soit dans la performance compétitive ou la pratique sportive à visée éducative. La recherche du résultat doit être programmée, mais dans le strict respect des règles du jeu, des valeurs humaines et de l'éthique. L'importance prise par les jeux olympiques, à partir de leur naissance à Athènes en 1896 et leur rayonnement au plan mondial, à travers notamment les médias, a entraîné une implication de plus en plus forte des milieux financiers et politiques. Les entreprises multinationales se sont pleinement impliquées par le sponsor, faisant du sportif un produit marketing de plus en plus sollicité. L'argent, qui ne devait servir qu'à soutenir et promouvoir l'idéal olympique, constitue malheureusement l'une des causes majeures de déviation de ce noble objectif. Le chauvinisme nationaliste participe également à la destruction progressive du but originel de l' olympisme qui s'éloigne de plus en plus des idéaux qui ont prévalu à sa création. La naissance des Jeux d'Athènes était accompagnée d'une orientation définie comme suit : « Fête universelle du printemps humain qui constituera une école de noblesse et de pureté morale autant que d'endurance et d'énergie physique, à condition que la conception de l'honneur et du désintéressement sportifs soit élevée à la hauteur dé l'élan musculaire ». Les Jeux olympiques sont malheureusement devenus un véritable marché économique où l'athlète est devenu un objet de marketing très convoité, ce qui a favorisé la recherche du résultat à tout prix, y compris au prix de la santé et de l'éthique justifiant ainsi le recours au dopage pour vaincre les limites physiologiques de l'être humain. Le chauvinisme patriotique y participe également, faisant du sport un véritable ambassadeur politique, poussant les dirigeants de pays engagés à consacrer des sommes importantes dans l'espoir de recueillir des médailles, même lorsque le pays concerné se trouve en difficulté financière. Le sport est perçu comme véritable opium des sociétés, exposant l' olympisme initialement défini à un réel danger. 2- Comment réactiver notre instance olympique Dans les principes fondamentaux énumérés par la charte olympique, le but assigné a l'olympisme est de mettre partout le sport au service du développement harmonieux de l'homme. La pratique du sport est un droit, tout individu devant avoir la possibilité de le pratiquer selon ses besoins. A ce titre, l'une des missions définies aux comités nationaux olympiques (CNO) est de propager les principes fondamentaux de l' olympisme au niveau national, dans le cadre de l'activité sportive et contribuer, entre autres, à la diffusion de l'olympisme dans les programmes d'enseignement de l'éducation physique et du sport dans les établissements scolaires et universitaires. Les CNO se doivent d'encourager le développement du sport de haut niveau ainsi que du sport pour tous. Ils se sont engagés à agir contre toute forme de discrimination et de violence dans le sport. Ainsi, on note que le Comité olympique a un rôle déterminant à jouer dans la promotion du sport à visées éducative, culturelle et sanitaire. Dans le contexte actuel, menacé de fléaux sociaux de différentes natures, la jeunesse peut trouver à travers le sport une voie réconfortante d'échapper à cette menace, aggravée par le chômage, l'insécurité et la malvie. Les récentes victoires de notre équipe nationale de football montrent bien à quel point le sport peut participer à redonner espoir et à canaliser les mécontentements. Le Comité olympique se doit de reprendre ses missions essentielles, en s'appuyant sur les associations concernées afin de propager la pratique sportive à tous les paliers de la société. Au niveau scolaire, l'instance olympique doit participer à l'enrichissement du programme d'enseignement de l'EPS, par l'introduction des principes fondamentaux et des valeurs de l'olympisme. Elle doit contribuer au développement des moyens matériels et infrastructurels au profit du sport scolaire, de même que l'encouragement des rencontres interscolaires, avec récompenses pour le respect du fair-play et de la non-violence. Au niveau des collectivités locales, le Comité olympique peut apporter sa contribution au développement du sport de masse à travers l'encadrement des jeunes par des rencontres interquartiers, sanctionnées par des motivations matérielles (tenues de sport, prises en charge de vacances... etc.). A ce niveau, certains de nos anciens athlètes pourraient être sollicités pour parrainer ces rencontres afin d'encourager le maximum de jeunes à y participer. Des techniciens du sport pourraient également y assister afin de repérer d'éventuels talents à sélectionner. Le mouvement associatif peut, à ce niveau, être d'une complémentarité appréciable au Comité olympique, dans le but de prévenir par le sport le danger de certains fléaux menaçants tels que la drogue, la violence, l'alcool et même le tabac. Au niveau sanitaire, la pratique sportive est reconnue pour ses bienfaits sur l'organisme. Le développement des maladies chroniques (obésité, diabète, hypertension, infarctus du myocarde, cancer du colon), dû aux effets du modernisme, constitue une préoccupation majeure des responsables de santé au niveau mondial. En effet, la technologie a mis au service des personnes des outils qui poussent à effectuer de moins en moins d'efforts. De même, la disponibilité de plus en plus grande et à portée de bourses moyennes de la restauration rapide (pizzerias, fast-foods, etc.) favorise le recours aux repas prêts, hyper salés et hyper gras, ce qui expose les consommateurs à ces maladies dites, antérieurement, des pays riches... Cette nouvelle « épidémie » liée au modernisme pousse les pouvoirs publics, sur recommandations de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) à envisager une politique de prévention au sein de laquelle l'activité physique devra jouer un rôle primordial. Dans ce cadre, le Comité olympique peut apporter une contribution très utile à travers la promotion de la massification du sport. Un travail de collaboration avec le ministère de la Santé pourrait être bénéfique afin de définir le rôle de chaque institution concernée par cette nouvelle approche préventive. 3- Conclusion La proximité de l'échéance du renouvellement des instances dirigeantes du Comité olympique algérien doit être une occasion à saisir pour redonner à cet important organisme son rôle de moralisateur du mouvement sportif national et de promoteur de la pratique sportive dans un but éducatif, culturel et sanitaire, conformément aux principes fondamentaux de la charte olympique. A ce titre, le Comité olympique peut jouer un grand rôle, avec le concours de certaines associations spécialisées dans la politique de prévention des fléaux et la canalisation saine de notre jeunesse. Cette politique de massification de la pratique sportive pourrait également servir de réservoir de talents sportifs à orienter vers les clubs afin de leur donner des chances de réussir et d'exprimer leurs possibilités de performance. Au niveau du sport d'élite, le COA devra intervenir essentiellement dans la recherche de moyens d'amélioration des conditions de préparation, au plan matériel et technique et assurer la coordination relative à la préparation des manifestations olympiques. A ce niveau, un travail de collaboration devra être envisagé avec le ministère de la Jeunesse et des Sports dans le cadre du respect mutuel des prérogatives tel que préconisé par la charte olympique qui appelle à œuvrer pour maintenir des relations d'harmonie et de coopération avec les organismes gouvernementaux concernés. Le respect des règles de fonctionnement des instances internationales auxquelles nous sommes affiliés et des lois du pays dans lequel nous activons est le seul garant d'une cohabitation sereine et bénéfique pour notre sport. Ce double respect est parfaitement possible, pour peu que l'on y mette un peu d'intelligence et que l'on privilégie l'intérêt collectif sur les ambitions personnelles. L'auteur est : Professeur de médecine du sport