Les cinq pays membres de l'Union du Maghreb arabe (UMA) ont décidé de mettre, momentanément, en veilleuse leurs divergences et de prendre part au sommet d'Alger de la Ligue arabe, dont les travaux se tiendront les 22 et 23 mars prochain, en rangs serrés. La célébration, jeudi à Marrakech, du 16e anniversaire de la création de l'Union maghrébine - en présence de l'ensemble des ministres des Affaires étrangères des « 5 » - semble avoir fourni une opportunité aux dirigeants maghrébins pour essayer d'établir un climat de détente dans la région et de relancer la construction de l'UMA, un ensemble en panne depuis les années 1990. La confirmation par Rabat de la participation du souverain marocain Mohammed VI au sommet d'Alger de l'organisation panarabe - suivie presque immédiatement par celle des chefs d'Etat tunisien, mauritanien et libyen - tendent à donner du crédit à cette volonté d'apaisement. Les efforts déployés pour homogénéiser les positions des pays du Maghreb dans la perspective du rendez-vous de la Ligue arabe sont à prendre aussi comme un bon présage. A ce propos, le sommet d'Alger de la Ligue arabe servira, sans nul doute, de premier test de solidarité auquel sera confrontée l'UMA. Il devrait permettre, en outre, d'évaluer le niveau d'engagement et de franchise de chacun des pays de la région vis-à-vis du projet maghrébin, officiellement revendiqué par les cinq pays qui le parrainent. Le comportement des pays du Maghreb à cette rencontre devrait en ce sens focaliser davantage l'attention d'autant que le sommet de la Ligue arabe se présente comme un événement sans grand enjeu depuis la décision, notamment, de la majorité des pays arabes de renvoyer aux calendes grecques la réforme des structures de l'organisation panarabe. Les risques avérés d'explosion de violence au Proche-Orient après l'assassinat au Liban de Rafic Hariri, la Palestine, les menaces couplées contre la Syrie et l'Iran et la redéfinition de la carte religieuse en Irak, découlant de la victoire des chiites, devraient contribuer, en outre, à faire passer au second plan les débats attendus sur la démocratie dans le monde arabe. A l'exception de la confirmation de la création d'un parlement arabe, prévu d'être établi à Damas, il n'y a sans doute pas lieu de s'attendre à des résolutions susceptibles d'apporter un souffle nouveau ou de révolutionner le fonctionnement de la Ligue arabe. Au plan maghrébin, les évènements peuvent, en revanche, connaître une évolution plus positive, surtout si des pays comme l'Algérie et le Maroc conviennent, au plan bilatéral, de mettre davantage d'ordre dans leurs relations régulièrement parasitées et mises à mal par le conflit pendant du Sahara-Occidental. La remarque vaut également pour la Libye et la Mauritanie qui ne se supportent pratiquement plus depuis que Nouakchott a accusé Tripoli d'être lié aux deux tentatives de coups d'Etat fomentés contre le régime en place. Le fait déjà que tous les chefs d'Etat de l'Union maghrébine ont accepté de siéger à la même table le 22 mars prochain et autorisé leur ministre des Affaires étrangères à se rendre à Marrakech laisse à penser que d'énormes efforts diplomatiques ont été accomplis pour aplanir certaines divergences. Pour de nombreux observateurs, ce résultat mérite amplement une messe. Mais bien qu'encourageant ce ressaisissement général - difficilement imaginable il y a quelque temps - requiert cependant, pour être productif, d'être appuyé par des actions soutenues et réellement capables d'assurer une existence concrète à l'ensemble maghrébin. Pour y parvenir, il semble plus que nécessaire pour les pays de l'UMA de dépasser les discours de circonstance chargés de bonnes intentions et de mettre à plat tous les problèmes à l'origine de l'ensablement de l'UMA. Le bilan rachitique de l'organisation et l'extrême faiblesse des échanges entre les pays prouvent que tout, ou presque, doit être repensé. Et si le sommet de la Ligue arabe et les enjeux interarabes ont été pour quelque chose dans la revitalisation de l'« union sacrée maghrébine », il serait maintenant judicieux de saisir l'occasion pour commencer à esquisser les formes de ce que pourrait être le futur ensemble maghrébin, en attendant la prochaine réunion au sommet de l'UMA, toujours en préparation.