Cette perspective est redoutée à la fois par le pouvoir, compte tenu du niveau de rejet que lui réserve l'ensemble des couches sociales et aussi par l'opposition politique dans ses différentes composantes, en raison de leurs faiblesses structurelles qui les caractérisaient et de leur incapacité à maîtriser les improbables évolutions d'un déchaînement de la violence qui viendrait saper les fondements même de l'Etat et anéantirait le peu de ce que la guerre civile des années 1990 a épargné. Cette perspective a poussé le régime, dans sa énième tentative de survie, à annoncer quelques réformes politiques. De ce projet de réformes, il en ressort au moins une certitude : l'absence d'une quelconque volonté politique d'amorcer une transition démocratique et la conviction du régime de détenir les ressources d'une rente lui permettant d'acheter la paix sociale et de gérer toute crise susceptible de remettre en cause ses fondements. Entre une évolution régionale qui ne cesse de peser sur les différents choix qui s'offrent au régime et une situation interne qui se caractérise par une prolifération de la contestation qui continue de préserver son caractère résiduelle, mais dont l'évolution incertaine pose l'hypothèse d'une explosion qu'il ne saurait maîtriser, l'Algérie est plus que jamais appelée à réagir à défaut de se voir engloutir.Les élections législatives, prévues pour mai 2012, représentent pour le régime une opportunité inespérée pour tenter d'absorber le mécontentement général de la population. C'est une occasion avec laquelle il tente de trouver une issue temporaire ou du moins qu'il s'efforce d'exploiter pour apaiser le front de la contestation et tenter de se sortir de l'impasse dans laquelle il se retrouve, d'un côté. D'un autre côté, les partis d'opposition s'avèrent affaiblis par une décennie d'inactivité politique, où la parole même du politique est discréditée, et le fossé n'a cessé de se creuser entre la population et ses gouvernants, mais aussi entre le politique et le citoyen. Voilà pourquoi les conditions d'organisation et de participation à une telle élection méritent vraiment d'être interrogées et les réponses qui seront apportées doivent avant tout être dictées par l'intérêt suprême de la nation. C'est dans ces conditions que le FFS est appelé à se prononcer sur l'opportunité de participer à ces élections et d'étudier les moyens et les méthodes de parvenir à relancer la lutte pour la démocratie, qui demeure l'objectif suprême que la classe politique doit globalement inscrire à son action. Les premiers débats organisés laissent apparaître deux tendances, chacune tente de faire valoir ses arguments respectifs et se revendique être la plus adaptée à la situation. La première opte pour une participation à ces élections sous prétexte que le boycott est une attitude de confort, alors que le parti se doit d'affronter les épreuves et se donner les moyens d'accéder aux ressources, à l'instar des autres partis au risque de le voir se transformer en une fondation, selon les termes excessifs de quelques-uns. Ainsi, cette tendance voyait dans la participation à cette élection une opportunité pour que le parti puisse renouer avec l'activité politique nationale et utiliser cette participation pour se restructurer. La campagne électorale sera l'occasion d'accéder à des médias lourds jusqu'alors interdits au parti, et la représentation au niveau de l'Assemblée nationale servirait de tribune politique pour exprimer et promouvoir sa position sur les différentes questions. Enfin, les députés se verront officiellement accrédités, eu égard à leurs statuts, d'entretenir un contact permanent avec les chancelleries et les tenir informées de la perception du parti quant à l'évolution interne du pays. Ceux-là mêmes sont convaincus que le pouvoir n'a nullement la moindre volonté politique d'œuvrer pour une pluralité réelle du champ politique. C'est d'autant plus désespérant qu'il n'a présenté aucune garantie quant à la sincérité et la transparence des conditions du déroulement de ces élections. Quant à l'argument qui prétend voir dans la participation un moyen d'accéder aux médias lourds qui demeurent sous la mainmise du régime, il y a sans doute une exagération trompeuse dans la place de ces médias au sein d'une société qui se singularise par sa déconnexion du système médiatique public. Par ailleurs, la force de cet argument est contestée par les différents moyens qui s'offrent au parti pour contourner un éventuel passage obligatoire par les médias publics, en vue de faire passer son message ou du moins faire connaître sa position. Les nouvelles technologies de communication constituent à cet égard un moyen que doit privilégier le parti s'il veut réellement se passer de cette dépendance à la radio et la télévision qui demeurent le lieu de censure par excellence de tout contenu remettant en cause le discours qui se veut officiel du régime. L'autre argument évoqué est celui d'une nécessaire restructuration du parti vu sa situation actuelle. Ce chantier semble, à priori, susciter un consensus global auprès des militants. Il reste l'opportunité de sa conduite qui semble diviser les positions des uns et des autres et qui demeure une urgence qu'on ne peut reporter, car il y va de la survie du parti et de l'avenir démocratique du pays. La réalité, c'est que ceux qui voyaient dans la participation une opportunité à saisir pour restructurer le parti, ils ont du mal à concevoir une perspective de restructuration indépendamment d'une échéance électorale. Cette incapacité se justifie, selon certains, par la relative mobilisation des militants en dehors des périodes électorales, mais aussi par la prédisposition qu'offre la veille d'une élection aux citoyens à s'intéresser à la chose politique, en d'autres termes, à être en mode d'écoute. Il n'en demeure pas moins que partisans de la participation ou du boycott sont conscients que le parti est structurellement affaibli par un déficit de son organisation et ramolli par un niveau d'engagement de ses militants qui donnent l'impression, parfois, d'êtres éloignés de la gestion du parti au point de se désintéresser de ce qui est advenu. Personne ne peut ignorer l'intérêt au débat politique que suscite une échéance électorale auprès des citoyens généralement et les militants particulièrement. Mais ce qu'omettent de dire les partisans de la participation, c'est que la conduite d'un processus de restructuration d'une organisation politique, à l'instar de toute organisation, doit se dérouler de préférence à l'abri des pressions qu'impose une échéance électorale et les appétits de candidature qu'elle suscite. Car la prétention à la candidature, qui demeure légitime à tout militant, est porteuse d'un risque de dégénérer sur des conflits internes qui viendraient à saper la sérénité du rigoureux travail de restructuration. C'est à la direction du parti, dès lors, de faire preuve de détermination à mener ce travail de restructuration exemplaire, présenter des garanties suffisantes aux militants et s'engager publiquement à ce qu'elle ne se déroberait pas de cette exigence de restructuration essentielle pour refonder l'organisation du parti, moderniser son mode de fonctionnement et consolider sa légitimité à devenir le parti le plus crédible à apporter l'alternative démocratique dans le pays. Enfin, la question des ressources et l'éventuelle manne que représente le financement public dans le cas d'une participation méritent une analyse plus fine et surtout projeter l'évolution de sa crédibilité à terme : personne ne peut ignorer la délicate situation financière du parti. Mais, en même temps, on ne saurait inscrire le rétablissement de ses comptes dans une dynamique positive lui garantissant son autonomie et le dote des moyens suffisants pour mener son action qu'au prix d'un élargissement de sa base électorale qui servirait comme un choc libérant la croissance des adhésions. Et pour parvenir à cet objectif, une révolution interne des modes d'organisation, de participation et de désignation des responsables doit s'imposer comme un choix stratégique au sein du parti. Car c'est la qualité et la compétence des responsables qui produisent les bonnes idées, imposent les meilleurs stratégies et font vivre le débat démocratique au sein des instances en toute liberté et loin de tout sentiment d'exclusion ou je ne sais quel privilège d'ancienneté qui laisserait la logique de cooptation et de fidélité prévaloir sur la compétence. A bien observer la société algérienne aujourd'hui, on se rend compte que jamais la société n'a autant besoin du politique. C'est d'autant plus vrai que la période de transition démocratique, à laquelle l'opposition aspire, exige un compromis politique entre des partis capables d'animer, de réfléchir et de trancher des questions qui ne manqueront pas de dessiner les contours d'un futur collectif aux enjeux déterminants. C'est en étant conscient de cette perspective si exigeante et respectueux d'un combat si lointain, qui n'a de cesse de nous procurer la crédibilité et la sagesse dans l'analyse des récentes évolutions de notre pays, que nous devrions tous collectivement faire le choix d'une triple exigence.D'abord, celui d'une constance politique arrachée au prix d'un combat générationnel que personne ne doit se permettre d'ignorer, encore moins d'échanger pour quelques subventions qui ne feront que perdurer un système qui tente de se donner un nouveau souffle. Ensuite, celui d'une restructuration profonde des organes du parti, d'un élargissement de sa base militante et d'un renouvellement générationnel de ses organes de direction avec, à la clé, un nouveau mode de gestion et un ancrage national plus prononcé. Enfin, engager un débat large et ouvert à la fois aux militants et sympathisants sur le moyen de converger les forces d'opposition sur un objectif qui transcende les clivages et renforce le front du cvhangement. C'est à ce prix et uniquement à ce prix que le FFS pourra éviter le piège d'une participation aux législatives qui viendrait à détruire un socle de crédibilité qu'on risque de ne plus retrouver. Et c'est à l'aune de cette triple exigence qu'il pourra s'en sortir par le haut, en faisant le choix d'un sursaut et d'un renouveau démocratique qui viendrait à consolider sa résilience et le repositionne comme le parti le plus crédible à fédérer la mouvance démocratique.