Après deux jours de manifestations anti-régime à Damas, qui ont été la cible de tirs des forces syriennes, l'opposition syrienne a appelé hier à la désobéissance civile en Syrie. Celle-ci tente de mobiliser autour des premiers «martyrs» de la capitale, jusqu'ici plus habituée aux démonstrations de force du régime qu'à la contestation, avec des rassemblements massifs de partisans du président Bachar Al Assad. «Le sang des martyrs vous appelle à la désobéissance civile», ont écrit les militants anti-régime sur leur page facebook «Syrian Revolution 2011», plaçant la journée d'aujourd'hui sous la bannière de la «désobéissance civile de Damas». Samedi, entre «15 000 et 20 000 personnes», selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), avaient participé aux funérailles de quatre manifestants tués la veille par les troupes du régime dans le quartier de Mazzé, les premiers tués au cœur de la capitale. «Nous espérons que le martyr alimentera la révolte à Damas, comme l'a fait il y a un an le premier martyr à Deraa (sud)», où est née la contestation, a estimé Rami Abdelrahmane, chef de l'OSDH, basé au Royaume-Uni. Au cours de ces funérailles, un cinquième manifestant a péri lorsque les troupes ont tiré sur la cérémonie devenue manifestation anti-régime. En réaction au forcing de l'opposition, les services de sécurité syriens avaient quadrillé hier le quartier obligeant les commerçants à fermer boutique. Ailleurs, dans le pays, six personnes ont trouvé la mort dès les premières heures de la journée dans les violences, selon l'OSDH. Mazzé – située en contrebas du palais présidentiel – abrite de nombreuses ambassades, des bâtiments gouvernementaux et des services de sécurité. «On se dit depuis le début que le jour où il y aura de grandes manifestations à Damas et Alep (deuxième ville du pays), ce sera le début de la fin du régime», a affirmé à la presse Agnès Levallois, spécialiste du Moyen-Orient basée à Paris. «Le mur de la peur est vraiment tombé», même à Damas, «l'endroit le plus protégé de Syrie», ajoute-t-elle, estimant que la poursuite de l'offensive meurtrière sur la ville rebelle de Homs (centre) a décidé «beaucoup de Syriens qui hésitaient à rejoindre la contestation». Économiquement à genoux Sur le front diplomatique, l'Egypte a rappelé son ambassadeur en Syrie «jusqu'à nouvel ordre», après avoir appelé mercredi à «un changement pacifique et réel», tout en rejetant une intervention militaire. L'Irak a de son côté souhaité que la Syrie, suspendue de la Ligue arabe, participe néanmoins au sommet arabe prévu fin mars à Baghdad, estimant que «cela ouvrira une page de dialogue, loin des ingérences». Complètement isolée de la scène internationale, la Syrie est également au plus mal sur le plan économique. L'économie syrienne souffre des sanctions internationales et le gouvernement «est en train de se désintégrer lentement» sous la pression de la rue, a affirmé hier à la BBC un important homme d'affaires syrien, fils d'un ancien président. Les sanctions occidentales et arabes «touchent tout le pays. Elles n'affectent pas seulement le régime», a déclaré Faisal Al Qudsi, basé à Londres et fils de l'ancien chef d'Etat syrien, Nazim Al Qudsi (1961-1963). «Depuis avril, il n'y a plus de tourisme, cela représentait 15% du PIB. Depuis novembre, les exportations de pétrole ont cessé, et cela représentait 30% du PIB. A cause des sanctions sur les produits exportés par la Syrie, ces produits peuvent seulement être exportés en Jordanie, en Irak et au Liban», a-t-il détaillé dans une interview à la BBC World Service. «De fait, les réserves de devises étrangères de la Banque centrale sont passées de 22 milliards de dollars (18 milliards d'euros) à environ 10 milliards (8 milliards d'euros), et elles diminuent très rapidement», a affirmé cet homme d'affaires, indiquant néanmoins que « l'Iran envoie pas mal d'argent liquide à la Syrie, via l'Irak (…)». Selon lui, «l'appareil du gouvernement (syrien) se désintègre lentement et est quasi inexistant» à Homs (centre), Idleb (nord-ouest), Deraa (sud). «Il n'y a pas de tribunaux, la police ne se préoccupe pas de la criminalité et cela a des conséquences très, très importantes sur le gouvernement», a-t-il estimé, ajoutant que la plupart des hommes d'affaires qu'il connaissait avaient «quitté le pays pour leur sécurité».