Tlemcen De notre envoyé spécial Le constat a été fait par Alaâ Eddine Bakri de l'université de Damas, mardi, au Palais de la culture Imama de Tlemcen, lors du colloque international «Abdelkader, homme de tous les temps», organisé par le Centre national de recherches préhistoriques, anthropologiques et historiques (CNRPAH), à la faveur de l'évènement «Tlemcen, capitale de la culture islamique». Le Livre des haltes contient les commentaires ésotériques de Abdelkader Ibn Mahieddine Al Husseini sur le Coran à partir de l'enseignement laissé par El Cheikh Al Akbar, Mahieddine Ibn Arabi, son maître. Le chercheur syrien a même trouvé de fausses photos sur l'ouvrage de l'Emir, publiées ici et là. Selon lui, il existe dix-sept manuscrits liés au Livre des haltes dont une copie originale se trouve au Musée de l'armée à Alger. Alaâ Eddine Bakri a révélé que Khaled Bentounès, de la confrérie Alouiya de Mostagnem, possède une copie d'Al mawaqif écrite par Yahia Al Zenati, un Syrien d'origine algérienne. Une autre copie est conservée à la librairie Al Dhahiria à Damas. «Nous savons qu'il existe des manuscrits incomplets, mais ignorons toujours l'existence d'autres manuscrits dans des collections privées ou dans des musées à travers le monde», a-t-il noté. Il a rappelé les propos de l'islamologue, Jacque Berque, qui avait considéré le Livre des haltes comme l'un des plus importants ouvrages de l'époque de la Renaissance, Al Nahdha, islamique (à ne pas confondre avec la Renaissance européenne du XVe siècle). «Pour nous, c'est l'ouvrage phare du XIXe siècle, en ce sens que le Livre des haltes a ravivé la pensée d'Ibn Arabi qui était adaptée à son époque. La dynastie ottomane avait pris cette pensée comme une doctrine presque officielle», a souligné le chercheur syrien. D'après lui, la pensée philosophique islamique d'Ibn Arabi est la plus importante après le dogme du Tawhid (reconnaître Allah comme seul Dieu) de l'Islam. Le philosophe, poète et théologien, Mohieddine Ibn Arabi, fut le premier penseur musulman à donner une clarté à la tradition du soufisme (Al tassaouf). Tous les musulmans connaissent sa théorie Wihdat al oujoud (La réalité unique de l'Etre). «Ibn Arabi est un océan sans rivages. Il faut posséder une culture islamique et des instruments pour pouvoir comprendre et saisir l'importance de son œuvre. Il faut avoir une certaine adoration du soufisme aussi», a relevé, de son côté, Mebarka Hadji, de l'université d'Alger, lors d'une intervention sur «La dimension Akbarienne dans le soufisme de l'Emir Abdelkader». D'après Alaâ Eddine Bakri, l'Emir Abdelkader a expliqué une partie seulement du principal ouvrage d'Ibn Arabi, Fossosou Al hikam (Les perles de la sagesse). «Et pour comprendre Fossosou Al hikam, il faut avoir lu tout ce qui a été écrit depuis l'avènement de l'Islam. Il faut lire Ibn Sina, Ibn Rochd, Al Farabi… Lire la poésie et la littérature aussi. Il faut également avoir un esprit libre et n'être prisonnier d'aucun courant de pensée», a-t-il conseillé. Pour la poétesse et universitaire marocaine, Touria Ikbal, (enseignante à l'Ecole des hautes études de management de Marrakech), Ibn Arabi et l'Emir Abdelkader font partie des hommes qui ont «revivifié» la religion musulmane, malgré les six siècles qui les séparent. Elle a analysé les poèmes écrits par les deux penseurs pour exprimer leur adoration de la création d'Allah. «La relation entre Ibn Arabi et l'Emir Abdelkader n'était pas seulement livresque, mais spirituelle aussi», a-t-elle souligné. D'après elle, le jeune Emir Abdelkader avait été rattaché à la lignée initiatique d'Ibn Arabi (Al khirqa al akbaria) grâce à l'enseignement de son père et de son grand-père. La similitude entre l'Emir et Ibn Arabi est, selon l'universitaire marocaine, liée à la manière avec laquelle ils étaient invités au soufisme. Il s'agit de la voie de la jabda (le ravissement). L'autre voie, plus longue, est le soulouk (le voyage initiatique). «Ibn Arabi et l'Emir Abdelkader sont des héritiers mohamédiens. L'Emir totalisait le pouvoir temporel et la force spirituelle. Il est un modèle capable de nous donner tous les enseignements et toute la sagesse dont nous avons besoin pour traverser des temps insensés et cette période de grande perturbation dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui», a analysé Touria Ikbal. Pour Mebarkia Hadji, l'Emir Abdelkader était un inspiré inspirateur (al moulhim al moulham). «Avant de devenir cavalier, l'Emir Abdelkader était un philosophe soufi. Dans le Livre des haltes, il avait reconnu sa grande admiration d'Ibn Arabi et reconnu qu'il en était grandement influencé», a-t-il soutenu. Abdelaziz Rasmal, de l'université d'Alger, a, pour sa part, expliqué que le manuscrit Al Sira Al dhatiya, sur la vie de l'Emir Abdelkader est authentique. Selon lui, ce document a été écrit en prison sur dictée de l'Emir en 1849. «Il a été traduit de l'arabe au français pour la première édition par Hassan Ben Mansour, préfacé par Mohamed Seghir Bennani et Abdelmadjid Meziane avec une présentation de Belkacem Saâdallah. L'Emir avait utilisé le ‘‘nous'' à la place du ‘‘ je''. Une partie du manuscrit a été écrite par Mustapha Bentouhami et référencée par des compagnons de l'Emir», a précisé Abdelaziz Rasmel.