Le théâtre régional de Constantine était noir de monde dans la soirée de lundi, à l'occasion de la venue du comédien Smain, dans le cadre de la 3e édition du Festival du conte et du récit à l'initiative de l'association «Kan Ya Ma Kan». Cet enfant de Constantine habitué à faire rire a, cette fois-ci, ému, arrachant même quelques larmes à son public en contant un peu une histoire de 54 ans, la sienne, en 54 minutes. Faisant la lecture, comme le veut la tradition du festival, de passages de ses livres «Sur la vie de ma mère» et «Je reviens me chercher», Smain a partagé avec sa grande famille, «les Constantinois», et avec une vive émotion, son histoire, son parcours et sa douleur assurément profonde, et qui semble avoir laissé aujourd'hui une cicatrice indélébile, celle de se résigner à vivre sans jamais connaître l'identité de ses véritables parents. Il est donc 19h, le public attend Smain depuis près d'une demi-heure dans une ambiance bon enfant. Le président de l'association «Kan Ya Ma Kan», Fayçal Ahmed-Raïs, dans son mot de bienvenue précédant le séance de lecture, voulant introduire Smain, a eu la maladresse, quoique sympathique, d'annoncer Djamel Debbouz. Le public prédisposé à plaisanter ce soir-là, a comme Ahmed-Raïs lui-même, rit frénétiquement de ce lapsus. Smain accède alors sur la scène sous un tonnerre d'applaudissements. Tenue décontractée, jeans et baskets, et affichant un large sourire mais avec tout de même un air… sérieux. Tout le monde avait compris qu'il n'était pas question de Sketchs ce soir-là. Pouvait-il en être autrement? Smain allait parler de son enfance. Une enfance triste, entourée de mystères et beaucoup de questionnements et d'injustice, lui qui avait appris à 12 ans et d'une méchante manière, qu'il était un enfant adoptif. C'est sa maîtresse d'école qui lui annonça crûment la nouvelle en voulant le punir pour une bouffonnerie dont il était certainement coutumier en classe. «Ce soir-là, j'avais mis deux heures à rentrer chez moi», dira-t-il. De cet incident, Smain, n'en touche pas un mot à ses parents mais beaucoup d'interrogations fusent dans sa tête. Ce n'est qu'à 30 ans qu'il commence à rassembler les pièces du puzzle de sa vie en entamant ses investigations à partir de la mairie de Constantine. Il découvre qu'il est né un vendredi 3 janvier 1958 à 22h, et que les assistantes sociales lui avaient donné alors le nom de Smain Fairouz. Ce deuxième prénom, il en rit encore aujourd'hui. Pourquoi on m'a donné un prénom de fille ? Il a été nourri au sein par une certaine Taoues, qu'il retrouvera lors de sa première visite à Constantine durant les années 1990. Par ailleurs, 2 ans après sa naissance, un couple maghrébin l'adopte. Les Salamni, comme le raconte Smain, ont été une véritable source d'inspiration pour lui. Ce sont eux qu'il a fait rire en premier. Il dira: «Je riais aussi d'eux, surtout ma mère qui était d'une incroyable naïveté, je lui faisais des blagues tout le temps.» Il en racontera quelques-unes marrantes qui ont beaucoup fait rire le public constantinois et permis à l'artiste de montrer que malgré la souffrance qu'il a pu endurer, il refuse d'être une victime. Smain a avoué ce soir-là, que raconter son histoire à Constantine, lui permettait de se purifier. Lui qui a été privé d'amour à un certain moment de sa vie, a lancé cette belle phrase au public: «Faire rire, c'est avoir l'assurance d'être aimé.»