La date du 10 mai 2012 peut être de ceux-là. Les partis politiques, notamment les nouveaux, ont-ils eu le temps de s'accommoder des usages électoraux ? On se rendra compte très vite que certaines réformes adoptées n'ont pas cerné toutes les questions, particulièrement celles concernant le régime électoral. Dans quelques semaines, nous serons appelés à élire, à travers les listes des partis politiques et des indépendants, les 462 députés qui auront la charge de nous dresser une nouvelle Constitution ; une deuxième République, qui sera adoptée par la future Assemblée nationale. A ce niveau, et selon toute vraisemblance, les dernières mises au point, tant sur le plan juridique que technique, devraient être finalisées par le pouvoir. L'affaire est-elle scellée d'avance ? Le FFS n'est-il pas en train de jouer sa crédibilité ? Dans quelques semaines, on le saura. Quel que soit le résultat qu'il obtiendra, l'histoire retiendra que ce parti d'opposition aura au moins «garanti» le déroulement du scrutin par sa participation. Que deviendraient ces élections sans sa participation ? Cependant, certains pensent qu'aller voter, c'est faire gagner du temps au régime en place ; boycotter les élections, c'est revenir au point de départ : aux années 90. Une chose est sûre, pour sortir de cette énigme, l'Algérie a besoin d'hommes convaincus et capables de mener les réformes à leur terme ; sans cela, le peuple restera certes une force, mais une force sans lumière. Vote-t-on pour un parti ou pour un candidat ? Quels sont les critères dont il faut tenir compte ? Des questions que les électeurs qui iront voter devraient probablement se poser ; mais en réalité, le choix est vite fait, beaucoup d'électeurs sont soit soudoyés par le parti ou le candidat, soit tenus par une promesse, soit choisis parmi le clan, le lobby ou la tribu. La question posée dans les élections parlementaires, comme dans toutes autres élections, reste l'établissement des listes électorales, où la famille, le clientélisme et le tribalisme apparaissent au grand jour. Les listes sont rarement soumises au choix des primaires, la désignation se fait de manière autoritaire, d'où l'explosion des querelles et disputes entre les militants des partis. Sur le terrain, et presque dans tous les secteurs, on manifeste, on crie à l'injustice et aux inégalités, mais les revendications exprimées n'ont connu d'autres réponses que des préjudices répétés. Les compétences sont marginalisées et les intellectuels sont poussés à l'écart, parfois à quitter le pays ; comme ces jeunes chômeurs à bord d'embarcations de fortune partis à la recherche d'une vie meilleure ; souvent, ces «bateaux» s'effritent en pleine mer. Dans un autre décor, et de jour en jour, les mouvements de grève persistent ; tandis que les routes sont coupées à la circulation ; pas un jour sans route coupée, relatent les journaux. Là où il y a une revendication, il y a une injustice ; et là où il y a une injustice, il y a une incompétence. On retiendra de cette campagne que des hommes et des femmes se sont battus, chacun à sa manière, pour tenter par tout moyen de gagner leurs places parmi les députés, mais le plus souvent, ils le font par de l'argent et pour de l'argent, ce qui soulève l'indignation des populations. Certains partis fixent des montants faramineux aux candidats désirant occuper la première place de la liste. Souvent, c'est le plus offrant qui s'en accapare. Leur seule conviction, pour la majorité des candidats, est de devenir député avec l'objectif de s'insérer parmi les impunis, les intouchables, puisqu'ils sont armés ; leur but est de faire des affaires, gagner de l'argent sans être inquiétés. Certains opposants au régime parlent de cent-cinquante députés actuels, ce qui représente près de la moitié des députés, qui auraient commis des délits et des crimes. Pour l'heure, ces «députés» sont protégés par l'immunité parlementaire. Des insultes et des querelles sont en tout cas monnaie courante, les propos et les coups s'échangent couramment lors des rendez-vous électoraux. Dans sa grande majorité, le peuple algérien exprime le besoin d'un changement ; il veut un changement radical, mais pacifique. Les partis politiques n'ont pas pu résister au pouvoir de l'argent pour choisir des candidats qui seraient à hauteur de l'enjeu. Par ailleurs, on remarquera qu'aucun parti politique ne s'est donné la peine d'aborder les questions économiques qui constituent, pourtant, l'essentiel des revendications exprimées par la rue. Ils revendiquent des logements et du travail. Les pauvres citoyens sont plus intéressés par le logement et le travail que par la notion de liberté. Celle-ci retrouvera son sens et sa place lorsque l'Etat aura retrouvé toute la sécurité prescrite pour chacun de nous. A ce moment, chacun de nous jouira paisiblement et sûrement des droits de la personne et du droit de propriété. Où trouverons-nous des hommes et des femmes d'une réelle compétence, (à ne pas confondre avec les derniers «dakatra» du système) des hommes sages qui ont peur de Dieu, des candidats incorruptibles, des candidats qui sont prêts à travailler même gratuitement pour servir le peuple, des gens d'expérience et de culture, des gens responsables ? Certes, aucune condition de capacité n'est juridiquement requise des candidats à la fonction de député. C'est peut-être là que la préoccupation s'affirme le mieux ; la future Assemblée devrait en tenir compte pour relever le niveau d'instruction des élus à tous les niveaux de l'Etat… Les «grands» partis politiques tentent d'y remédier en faisant fi de leurs règlements intérieurs, qui exigent un certains nombre d'années d'ancienneté pour proposer des cadres dirigeants en retraite. La participation de ces derniers ne risque-t-elle pas de mener le pays à la somnolence ? Fatigués par l'âge et usés par les soirées mondaines, peuvent-ils incarner le changement ? De par leur situation, retraite déjà assurée, ils ne se donneront jamais à fond. D'ailleurs, certains candidats, par leurs profils et leurs réputations, incitent l'électeur plus au boycott qu'à la participation au suffrage… On arme les gens à boycotter les élections. Des candidats qui n'ont aucun ancrage, si ce n'est celui de renifler l'odeur du dinar, quelle que soit la tendance politique du parti qui les sollicite. Hélas, le projet de loi sur les transfuges fut rejeté ; c'est peut-être là une insuffisance dans la réforme apportée. Au moindre conflit, on change de parti. J'ajouterais que même l'exercice à plein temps de la fonction de député est utile à prévoir ; le but étant de rapprocher le député des populations, notamment les populations rurales, affreusement démunies de tout.Il se rendra au siège de l'APN à chaque fois que nécessaire. La rédaction des comptes-rendus et des rapports fera rehausser le niveau des candidats à la députation. L'enjeu s'annonce donc très sérieux. Comme un trapéziste dans un cirque, l'Algérie tentera, sous le regard du monde, d'exécuter son «numéro»… un saut vers le changement. Réussira-t-elle ? Les gens sages attendent anxieusement ce moment. Qui pourrait douter, en effet, que le sort de chaque Algérien soit lié au sort de l'Algérie ?