Hamma Hammami, porte-parole du Parti communiste des ouvriers de Tunisie (PCOT) et époux de la militante des droits de l'homme, Radhia Nasraoui, a été tabassé mardi à l'aéroport de Tunis. Il rentrait de Paris où il a appelé au boycott de la présidentielle du 25 octobre sur les ondes d' Al Jazeera et de France 24. Nous l'avons joint par téléphone. Que s'est-il passé exactement à votre arrivée mardi à l'aéroport de Tunis ? J'arrivais vers 14h15, ma femme Radhia Nasraoui m'avait averti par téléphone que l'aéroport était encerclé par des éléments de la police, le hall avait été vidé, elle avait surtout reconnu des visages qu'elle connaît très bien, des policiers en civil qui s'occupent de la répression des manifestations. Une dizaine de policiers m'ont accompagné pour les formalités de police. Quand le douanier m'a remis mon passeport il m'a lancé avec un regard ambigu :« Au revoir monsieur Hamammi », aussitôt j'ai été encerclé par une vingtaine de policiers en civil. On m'a arraché mon portable, brisé mes lunettes, certains éléments m'ont roué de coups à la tête et au ventre pendant 20 minutes, ils m'ont accusé d'être un traître tout en insultant Al Jazeera et France 24. Dans le hall, était diffusé un vidéo clip de publicité auquel on a augmenté le son pour qu'on n'entende pas mes cris, c'était assourdissant. J'ai été emmené ensuite dans un bureau par crainte que des voyageurs ne voient la scène et le tabassage s'est poursuivi : des coups accompagnés d'insultes vulgaires à l'encontre de ma femmes et de mes filles, on ma également volé les 345 euros que j'avais en poche. Ne me voyant pas arriver et devinant le sort qui m'a été réservé, ma femme Radhia Nasraoui s'est mise à crier, on lui a alors arraché son téléphone portable. Quand j'ai été libéré, on nous a suivi sur 200 mètres avec des insultes à profusion … Pourquoi, selon vous, ce tabassage ? Il n'y a aucun doute, l'avant-veille, j'étais invité en direct sur Al Jazeera depuis Paris. Pendant 50 minutes nous avons parlé de la situation politique en Tunisie à la veille de l'élection présidentielle (25 octobre), j'ai critiqué le bilan catastrophique du président Ben Ali, le recul des libertés individuelles, le taux de chômage officiel de 14% cachant un taux réel de 25%, j'ai parlé des manifestations de la faim dans le sud du pays et j'ai mis en lumière le système opaque qui dirige le pays, le clan Ben Ali et la gangrène de la corruption dans les sphères économiques. Le lendemain j'étais invité sur le même thème par le chaîne France 24 où j'ai tenu les même propos. Mardi matin, le président Ben Ali a rencontré son ministre de l'Intérieur. Dans le hall de l'aéroport, j'ai reconnu 5 hauts officiers de sécurité, des commissaires, j'en suis certain … Ils étaient là pour une mission commandée par Ben Ali : tabasser les opposants pour dire : « Voyez ce qui vous attend si vous parlez à Al Jazeera… » On a l'impression que la tension est montée d'un cran en Tunisie à la veille des élections… C'est une tradition en Tunisie, quelques semaines avant le scrutin, tout est verrouillé, l'appareil répressif est mis en marche pour empêcher toute contestation. Trois partis d'opposition (le PDP, le FDLT et l'ancien PC tunisien) qui ont postulé pour la présidentielle se sont vu évincés du scrutin pour des motifs non valables.Le résultat du scrutin est connu d'avance, Ben Ali va repartir pour un 5e mandat. Le passage à tabac dont j'ai été victime est, selon moi, contre-productif… J'ai 57 ans, j'ai passé 10 ans dans les geôles de Ben Ali puis 10 ans dans la clandestinité et enfin le reste du temps sous une surveillance renforcée, je continuerai le combat !