Encore une fois, la procédure aura bon dos dans l'affaire du leader marocain, Mehdi Ben Barka, assassiné le 29 octobre 1965 à Paris. C'est elle, en tout cas, qui est mise en cause dans cette histoire de mandats d'arrêt internationaux émis par Interpol contre quatre dignitaires marocains, mais aussi vite retirés. En d'autres circonstances, il en est qui n'ont pas eu cette chance. Tout s'est passé très vite – quelques heures seulement – pour que l'optimisme s'efface avec brutalité devant l'inverse. C'est ce que pense le fils de l'opposant marocain qui refuse de croire qu'il s'agit de virgule déplacée ou de paragraphes inversés, après avoir cru que le dossier était effectivement sorti de l'oubli et que la machine judiciaire était réellement lancée. C'était en tout cas sa première réaction et la plus logique, après des années d'attente, à la suite de l'annonce des quatre mandats d'arrêt. Même si ce sentiment était ambivalent, et il avait totalement raison lui qui, malgré cette annonce, déclarait tout de même demeurer prudent devant la multiplication des « fausses bonnes annonces » tout au long de cette enquête. Une joie éphémère que seule la raison d'Etat, comme lui-même le déclare, peut produire. « Un même ministère qui se déjuge en 24 heures, c'est une manifestation flagrante et cynique de la raison d'Etat », soulignait hier Bechir Ben Barka à la suite de la décision du parquet de Paris demandant la suspension de la diffusion des quatre mandats d'arrêt émis en octobre 2007 et pourtant avalisés par le ministère français de la Justice il y a quelques jours. Evidemment, pas besoin d'attendre la moindre explication ou d'autres, celle qui est donnée étant jugée peu crédible ; une administration, quelle qu'elle soit, ne peut se permettre de telles erreurs, même si l'on cite Interpol, l'organisme de police international, comme étant celui qui demande des précisions. Est-ce une manière de donner du temps au temps et attendre que ce qui reste comme témoins ou acteurs encore en vie, vienne à disparaître ? C'est en tout cas la crainte du plaignant qui rappelle avec force que « chaque année compte car les témoins vieillissent et nous n'aimerions pas que la vérité parte au fond d'une tombe ». Jouer le temps pour éviter que cette affaire qui avait fait grand bruit en raison des faits eux-mêmes, puisqu'un opposant a disparu en plein centre de la capitale française et de l'envergure de la victime suffisamment forte pour menacer le régime marocain. Une affaire de gros bras et de barbouzes, dit-on, souvent sans jamais identifier quelque partie que ce soit jusqu'à l'année 2007 où un juge décide de quitter les pages du roman noir pour appeler les choses par leur nom et sortir sa liste. Avec des noms et pas n'importe lesquels. Et voilà que la machine se grippe. Même mort, Ben Barka marque avec force les relations entre la France et le Maroc, et la vérité que réclament sa famille et ses nombreux partisans fait peur visiblement.