Cette tendance était claire lors de l'Arise Magazine Fashion Week, une semaine de la mode qui a réuni en mars dernier, à Lagos, la capitale économique du Nigeria, des stylistes africains et étrangers venus de plusieurs continents. Sans pour autant négliger leurs racines, les créateurs d'Afrique ont depuis longtemps ouvert leur répertoire à des idées innovantes, mélangeant les genres et étendant leur influence. «Le designer africain et la mode africaine en général évoluent en s'ouvrant sur le monde», souligne Tsemaye Binitie, Nigérian établi en Grande-Bretagne qui a lancé, il y a deux ans, la marque portant son nom. «Nous faisons un travail plus contemporain (…) Nous évoluons de façon de plus en plus mondiale», estime-t-il. En fusionnant les styles, les coupes et les matières, notamment à la Fashion- Week, cela donne par exemple des combinaisons près du corps ou des jupes courtes et moulantes taillées dans du pagne, ce tissu coloré aux motifs souvent très vivants. Le pagne sert à la confection des tenues traditionnelles dans beaucoup de pays d'Afrique de l'Ouest, notamment. Pour les femmes, il s'agit souvent de longues jupes droites assorties d'un haut du même motif et d'un fichu. Pour sa collection Automne-Hiver 2011, Tsemaye Binitie s'était inspiré d'un voyage effectué par sa mère en France, dans les années 1980. «Elle allait se rendre à Paris et emballer des pièces dans lesquelles elles se sentirait clairement nigériane tout en lui permettant de se fondre facilement dans la société européenne», raconte-t-il. «Je me suis concentré sur mon héritage nigérian, m'inspirant de notre utilisation des couleurs éclatantes, du caractère et des motifs caractéristiques de nos vêtements», poursuit le créateur sur son site Internet. Les collections africaines, présentées lors de la Fashion-Week de Lagos, comptaient de nombreuses pièces mixant tradition et modernité, une approche qui a rencontré le succès sur le continent et aussi en dehors : robes de pagne ornées de perles ou de paillettes, costumes pour homme, élégants, aux cols imprimés d'animaux sauvages. «Les créateurs que nous avons choisis ont tous fabriqué des modèles à la fois contemporains, portables et créatifs, qui sont suffisamment commerciaux pour l'international», explique Penny Mc Donald, qui organise l'évènement annuel. Maureen Ikem Okogwu-Ikokwu, créatrice nigériane basée en Thaïlande, affirme que l'engouement est croissant pour les stylistes africains. «A Bangkok, les gens adorent ça parce que c'est différent, c'est nouveau, c'est éclatant», dit la jeune femme derrière la marque de prêt-à-porter Sunny Rose. «Nous sommes bien plus appréciés maintenant. Les gens se tournent vers nous, nous admirent», poursuit-elle. La styliste ivoirienne, Loza Maleombho, était l'une des seules à la Semaine de la mode à présenter une collection faite exclusivement à partir de tissus traditionnels africains, dont le très coloré kente ghanéen, mélange de soie et de coton.