Depuis quelques semaines, il ne se passe pratiquement plus un jour sans que de nombreux titres de la presse écrite privée ne rendent compte d'affaires liées à la corruption. Des dossiers explosifs, présentés sous le label exclusif et qui impliquent très souvent de hauts responsables, sont ainsi servis chaque matin à une opinion effarée de découvrir à quel point certaines institutions de la République sont gangrenées par la corruption. C'est le cas par exemple du secteur des travaux publics qui est régulièrement cité comme étant l'un des principaux viviers de la corruption en Algérie. La raison ? Depuis la reprise des cours du pétrole, au début des années 2000, le secteur s'est vu confier des dizaines de milliards de dollars pour réaliser de très nombreuses infrastructures à travers le pays. L'un des plus grands projets confiés à ce ministère est la réalisation de l'autoroute Est-Ouest. Doté d'une enveloppe initiale de 3 milliards de dollars, ce projet d'autoroute, longue de 1216 km, a été réévalué une ou deux fois pour atteindre aujourd'hui les 11 milliards de dollars. La révision astronomique du coût de ce projet cher à Bouteflika, dont la construction est assurée par de nombreuses grandes firmes internationales, a fini par susciter l'intérêt de la presse et, surtout, les soupçons de nombreux services de sécurité. Surtout que la qualité des travaux réalisés est de plus en plus remise en cause dans certaines régions du pays. Les critiques formulées à l'encontre de la gestion globale du projet d'autoroute Est-Ouest ne concernent pas uniquement le département aujourd'hui géré par Amar Ghoul ; elles portent également sur de nombreux autres projets inscrits dans les agendas d'autres ministères qui bénéficient d'enveloppes aussi mirobolantes. A propos justement de l'actualité liée à la gestion du secteur des travaux publics, des sources citées par de nombreux journaux indiquent que les brigades économiques de certains services de sécurité ont commencé à entendre des responsables et à vérifier la régularité des marchés octroyés jusque-là. Cependant, à l'inverse des habitudes en usage dans certaines démocraties avancées, la justice ne paraît pas trop accorder d'intérêt aux dossiers de corruption et aux détournements présumés révélés par la presse. Pour le moment, aucun tribunal ni aucune cour d'ailleurs n'a indiqué s'être saisi d'une des affaires rapportées par les médias. Les autres organismes chargés de lutter contre la corruption n'ont également pas bougé le petit doigt. Pourtant, les scandales rapportés arrivent à tenir en haleine les lecteurs et paraissent ne pas manquer d'intérêt, comme ce fut le cas il y a deux ans, de l'affaire de la GCA qui avait mis en évidence le détournement, par un chapelet de responsables politiques, de dizaines de millions de dollars. Ce dossier qui explique avec l'art et la manière comment, des années durant, a été détourné l'argent censé ressusciter l'agriculture algérienne a cependant fini par tomber dans l'oubli. Aussi, si une partie de l'opinion croit que la médiatisation de « grosses affaires de corruption » correspond à une volonté de donner un grand coup de pied dans la fourmilière, une autre partie se dit persuadée, au contraire, que les révélations en série rapportées par les journaux et le soudain regain d'intérêt pour les affaires de détournement s'inscrivent dans une logique de règlements de comptes entre clans au pouvoir. Les partisans de cette lecture ne se gênent pas pour présenter comme arguments les tiraillements constatés actuellement au somment du pouvoir et les bras de fer qui opposent certains responsables d'institutions de la République. En ce sens, beaucoup d'observateurs interprètent les rumeurs évoquant un changement de gouvernement ou celles soutenant le contraire comme l'une des manifestations de la lutte pour le pouvoir qui a lieu en ce moment. L'enjeu consisterait, pour les acteurs engagés dans cette guerre, à sortir le plus d'« affaires pourries » pour neutraliser le camp adverse. Un peu comme dans l'affaire Clearstream dans laquelle Dominique de Villepin, l'ancien Premier ministre français, joue sa tête, le principe, dans cette partie qui se joue à balles réelles, consiste surtout à « flinguer » un concurrent de sorte qu'il soit discrédité durablement. Et cela peu importe les moyens.