C'est à une promenade imaginaire dans l'histoire à venir de l'Algérie et de l'humanité qu'Azzedine Mihoubi, poète et homme politique, nous invite dans son dernier roman Les Confessions d'Assekrem. Sur 587 pages, nous foulons des contrées faites, à la fois, d'imagination et de réalité puisque nous sommes au Hoggar et un peu partout dans le monde. Si le passé récent s'encastre impeccablement dans le présent, le futur, lui, est à deux pas de nous, grâce à des rebondissements qui se révèlent heureux même s'ils sont quelque peu violents. Nous sommes en 2040, dans la ville de Tamanrasset, devenue entre-temps une espèce de métropole. Un homme du Nord et du Sud, une synthèse du nouvel Algérien, dresse l'état des lieux et s'autorise à raconter la vie de l'iceberg humain, du moins ce qui apparaît de ce dernier. Dès l'ouverture de ce roman, on se sent en présence d'une espèce de force centrifuge qui éloigne tout ce qui remue dans ses environs directs et qui, en même temps, engloutit, tel un trou noir dans le cosmos, les différents corps célestes s'aventurant dans son sillage. Notre guide, ou si vous voulez, notre griot, n'est autre que Salah Ould Nasa, Salah le feu, Salah le pompier, à l'affut de tout ce qui touche à la vie de l'être humain aussi bien en Algérie que dans le monde. Rien donc ne lui échappe de la vie sociopolitique qui va du début du troisième millénaire et même avant, jusqu'aux alentours de 2040 : les retombées atomiques néfastes de la bombe de Reggane et des autres dans le Sahara algérien, du temps du colonialisme français ; Charles de Foucault et son assassinat dans son monastère à Assekrem, en 1916 ; le ballet des mouvements politiques et de libération ; les gouvernants ; les terroristes de tous bords ; les trafiquants ; les deux tours de New-York, volatilisées en 2001 ainsi qu'une foule d'informations qu'on ne pourrait rendre au complet ici. Salah, issu d'un mariage entre un homme du Nord et une targuie, se sent comme investi d'une mission divine : celle de sauver ses semblables où qu'ils se trouvent. Tout est dit dès le départ comme dans un film classique américain. La terreur le tétanise, à l'instar de tous les autres humains, à l'approche d'un météore devant percuter la terre et mettre fin à la vie. Fort heureusement, rien de tel n'arrive et c'est l'occasion pour lui de montrer plus de diligence et de faire le va-et-vient dans l'histoire récente, celle qui a vu naître une nouvelle humanité prête à se détruire à tout moment. Ce roman, d'une lecture attrayante, est venu à point nommé pour bousculer chez nous les choses de l'écriture, en ce sens que son auteur exécute une cabriole avec une superbe agilité. Il y a une originalité indiscutable dans ce récit qui brode une histoire aux dimensions de l'Algérien, tel qu'il est en train de se configurer, avec un romancier du Nord qui se déplace, par le truchement de l'imagination et de la raison, au sud du pays. Cette démarche est assez rare dans notre littérature et l'auteur a su en tirer un parti qui mérite l'attention des lecteurs et des critiques.Avec Les confessions d'Assekrem, la partition est écrite dans une nouvelle tonalité qui nécessiterait, peut-être, un nouvel apprentissage de l'écoute, tant la richesse de la phrase musicale et de l'harmonie sont d'une nouveauté exceptionnelle dans le monde de la création artistique, algérienne. Certes oui, ce n'est pas l'anecdote vraie ou fausse de la pomme de Newton mais Azzedine Mihoubi a eu quand même le courage de faire un petit saut dans l'histoire à venir de notre pays et de celle de l'humanité, avec la ferme détermination d'en renverser certaines normes.