Il est fort regrettable de voir que le texte de la plateforme du Congrès de la Soummam a été touché. Des lecteurs ont attiré notre attention sur un passage du texte de la déclaration du Congrès du 20 Août 1956 publiée par le site de la présidence de la République dans la rubrique «symboles de l'Etat» et «textes fondateurs de la République algérienne», dans lequel un mot a été remplacé par un autre. Il s'agit du mot «féodalisme». Dans le texte originel publié par le n°1 du journal El Moudjahid en page 63, sous le chapitre «une organisation politique efficace» et dans l'avant-dernier paragraphe expliquant la nature de la lutte algérienne pour l'indépendance, il est écrit : «C'est une lutte nationale pour détruire le régime anarchique de la colonisation et non une guerre religieuse. C'est une marche en avant dans le sens historique de l'humanité et non un retour vers le féodalisme.» Il se trouve que dans la version publiée par le site de la présidence de la République, le mot «féodalisme» a été remplacé par «socialisme». Il est tout de même curieux de constater une telle modification d'un texte sacralisé pourtant par la République et élevé au rang des symboles de l'Etat que sont l'hymne national, les armoiries de la République, et l'emblème national. De plus, le choix du mot socialisme en lieu et place de féodalisme comme écrit par les auteurs de la plateforme de la Soummam laisse tout de même perplexe et pousse à des interrogations. Dans Le Petit Robert, le mot féodalisme, choisi par les congressistes de la Soummam, est expliqué comme suit : «Le régime féodal (on ferait mieux de dire : seigneurial) consiste essentiellement dans le morcellement de la souveraineté, laquelle échappe au pouvoir central et se disperse entre les mains d'un certain nombre de grands seigneurs, possesseurs de fiefs ou d'alleux importants.» Quant au mot socialisme, qui a été apposé à sa place dans la version du site internet de la Présidence, il signifie : «Doctrine d'organisation sociale qui entend faire prévaloir l'intérêt, le bien général, sur les intérêts particuliers, au moyen d'une organisation concertée.» Le sens que voulaient donner les auteurs de la déclaration de la Soummam issue du Congrès fondateur de la Révolution algérienne ne peut nullement cadrer avec la négation du socialisme. Si un tel changement a été fait sciemment, cela dénoterait d'une volonté réelle d'altérer, voire de corrompre le sens même des valeurs pour lesquelles des hommes et des femmes se sont sacrifiés et le peuple algérien tout entier s'est soulevé. Depuis quand le socialisme est-il donc banni et représente un mal à éviter ? Le féodalisme serait-il alors un exemple à suivre ? Le choix des signataires de la plateforme de la Soummam était pourtant clair : point de retour à l'état d'asservissement du peuple. Si le changement du mot féodalisme s'avère prémédité, l'on est tenté de s'interroger en quoi l'objectif d'en finir avec le féodalisme peut-il gêner. Et ce qui est encore plus curieux, c'est de lui substituer le mot «socialisme». Si, par contre, ce changement est une simple erreur, on ne peut toutefois que relever la gravité d'un tel laisser-aller. On ne peut livrer sur le site de la présidence de la République, première institution du pays, des textes historiques tronqués ou modifiés. Nous avons pris le soin de contacter le service presse de la présidence de la République afin de savoir s'il s'agit d'une erreur ou bien d'un choix voulu. Mme Farida Besaa, responsable de la communication, a tenu à nous dire qu'elle allait vérifier et nous rappeler dans la journée. Nous n'avons toutefois pas reçu d'appel. Notons que le même texte, avec la même erreur, est repris sur le site du RCD.