L'entrée dans le Kirghizistan est facilitée, formalités simples et rapides, mais le contact est rude : routes étroites, mal ou peu éclairées. Il est vrai que c'est le pays le plus pauvre de la région. 5 millions d'habitants, 95% de montagnes et des révolutions récurrentes, l'instabilité quoi ! C'est le soir que nous arrivons à Och, 300 000 habitants, pas d'éclairage public, pas de trottoirs, un seul hôtel tenu par des Russes, de qualité acceptable pour une nuit. Mais le restaurant du coin est une incongruité : limousines stationnées devant la porte, jardins luxurieux, carte élaborée, paiement en dollars ou euros accepté. Et la ville d'Och ? Moche vous l'avez compris. Quelques mosquées, peu d'édifices ou monuments significatifs, on est loin des merveilles ouzbèkes pourtant si proches. Il faut traverser le Kirghizistan pour aller d'Ouest en Est et rejoindre la ville de Naryn, pas très loin de la Chine. Jamais je n'avais imaginé que le cauchemar était si intimement lié à l'émerveillement. 380 km de route à travers les montagnes en 14heures ! Partis à 8h30 du matin, nous sommes arrivés à minuit 30. L'enfer ! Pratiquement pas de routes, des sentiers à flanc de montagnes, des cols qui atteignent jusqu'à 3000 m d'altitude, des glaciers (oui, oui, des glaciers !), des gués submergés, des blocs de pierre à déblayer à la main pour faire passer la voiture, des secousses qui éreintent les os, la poussière qui vous fait une deuxième peau, l'enfer vous dis-je. La fatigue, le stress, la peur certaines fois – de basculer dans le vide, de ne pas sortir vivant – cèdent le pas à l'étonnement, à la stupéfaction devant les paysages qui s'offrent à notre regard : des montagnes alignées comme dans un jeu de lego, des couleurs jamais vues, des yourtes de nomades posées aux sommets des collines, des précipices vertigineux, des ruisseaux en furie, des visages rencontrés, apaisés, souriants qui vous réconcilient avec la nature humaine. Un pays fabuleux qui n'arrive pas à transformer sa richesse en atout.