Journaliste pour les Lettres françaises, écrivain, Yahia Belaskri est en Asie centrale (Ouzbékistan, Kazakhstan, Kirghizistan) pour participer au raid Brest-Pékin-Qingdao organisé par Salaün Holidays. Retrouvez chaque semaine dans El Watan Week-end son carnet de route. Nous traversons la vallée de la Ferghana, immense vallée verte où coule le Syr Daria, deuxième fleuve d'Ouzbékistan, impétueux et torrentiel. C'est une région où vivent des populations connues pour être tout à la fois hospitalières et guerrières. C'est dans la province d'Andijan qu'ont éclaté, il y a quelques années, des émeutes. C'est de là que sont partis nombre de combattants pour faire la guerre en Afghanistan. Nous nous arrêtons à Margilon pour visiter une usine de soie. Le temps s'est arrêté pour les ouvrières qui travaillent à l'ancienne, fabricant manuellement des étoffes exceptionnelles pour lesquelles les commerçants du monde entier traversaient les contrées les plus dangereuses à dos de chameau ou avec des diligences. C'est la route de la Soie. Elle attire toujours les touristes venant de toutes parts. Arrivés à la frontière, un cul-de-sac fortifié, grillagé, fermé, créant un malaise physique. C'est une agression à l'homme dont la liberté fondamentale est de circuler. Les yeux pleins d'émotion, la gorge nouée, nous quittons ce beau pays et ses habitants paisibles et attachants. L'Ouzbékistan ? Un pays splendide, peut-être pas le parangon de la démocratie, mais un peuple magnifique qui vit sa religion sans ostentation ni agressivité. C'est peut-être là, dans ce pays et dans cette Asie si lointaine, que s'invente l'islam sécularisé. Lorsqu'au bout de dix heures de route, nous sortons enfin des montagnes, nous nous arrêtons à Kazaman, un petit village dans la vallée. A l'épicerie, «salam aalikoum !» Je parle en arabe, on me répond «hamdoulillah». Juste quelques bouteilles d'eau et de bière et un peu de pain rond et la route continue. Naryn s'ouvre à nous, sans charme, et l'hôtel, l'unique, est un taudis à peine supportable. Nous sommes éreintés, cela fera l'affaire pour une nuit. Le lendemain, il faut vite quitter cette ville où rien ne se passe. La route est meilleure, même si elle se transforme, en partie, en piste. Au bout de 100 km, un barrage de police fixe. Il faut payer pour pénétrer dans cette zone déclarée réserve biosphère. Nous arrivons au Lac d'Issyk Kül, un lac de haute montagne, le deuxième après celui de Titicaca, au Mexique. Issyk veut dire chaud et Kül, lac. Un lac d'eau chaude, immense, où baignent des poissons. Direction hôtel Carven, en fait d'hôtel c'est une résidence où s'alignent des cottages luxueux, avec spa, piscine, terrain de golf, de tennis, un immense bar-restaurant avec des fauteuils moelleux où se vautrent les touristes, superbes femmes habillées à la mode occidentale, et hommes riches, jeunes et moins jeunes, des familles aussi, kazakhs, russes et que sais-je encore. Pas de Kirghizes, même le guide qui nous accompagne est Russe. Hallucinant ! Voir tant de pauvreté et rencontrer l'opulence absolue.