Historiquement, les relations entre la minorité ouzbèke (15 à 20% de la population du Kirghizistan) et les Kirghiz sont tendues. Des tensions ethniques entre Kirghiz et Ouzbeks motivées par l'accès à la terre, des différences culturelles profondes et le partage du pouvoir entre ces deux peuples d'Asie centrale sont à la racine des violences qui ensanglantent le Kirghizistan, estiment des experts. «L'effondrement du régime (de Kourmanbek Bakiev après un soulèvement populaire début avril, Ndlr) a ouvert la voie à des tensions qui existaient déjà», explique Ana Jelenkovic, analyste à l'Eurasia Group. «Maintenant, les deux parties se sont radicalisées, beaucoup de reproches fusent et la situation devient hors de contrôle», ajoute-t-elle. Les violences interethniques entre Kirghiz et la minorité ouzbèke ont fait au moins 170 morts et 1762 blessés depuis cinq jours dans le Sud de cette ancienne République soviétique d'Asie centrale. Plus de 100.000 personnes, dont une majorité de femmes d'origine ouzbèke, se sont réfugiées en Ouzbékistan, selon les autorités de ce pays qui a annoncé lundi la fermeture de sa frontière avec le Kirghizistan. Historiquement, les relations entre la minorité ouzbèke (15 à 20% de la population du Kirghizistan) et les Kirghiz sont tendues. Les modes de vie différents entre ces deux communautés qui ont partagé les steppes et les montagnes d'Asie centrale avec difficulté durant des siècles, sont au coeur des tensions. «Historiquement, les Ouzbeks étaient sédentaires et les Kirghiz nomades, et il y a une sérieuse différence entre leurs civilisations», relève Arnaud Dubien, directeur de recherche à l'Institut de Relations internationales et stratégiques à Paris. Bien qu'ils ne représentent que moins de la moitié de la population du Sud du Kirghizstan, les Ouzbeks ont dominé l'agriculture et le commerce local, favorisant l'émergence de ressentiments chez leurs voisins kirghiz, selon des experts. Mais d'un autre côté, les Ouzbeks se sont sentis sous-représentés au sein du gouvernement kirghiz, malgré l'importance de leur minorité. «Dans certains endroits du Sud du Kirghizistan, les Ouzbeks constituent la majorité de la population mais ils n'ont pas été représentés de manière équitable ou juste au sein du gouvernement, que ce soit à une échelle locale ou nationale», a indiqué Erica Marat, expert de l'Asie centrale à la fondation américaine Jamestown. Les récentes violences ont éclaté à environ deux semaines d'un référendum sur l'adoption d'une nouvelle Constitution prévu le 27 juin. Dans ce nouveau projet de Constitution, aucun compromis n'a été fait en faveur du développement de la langue ouzbèke mais le russe est préservé comme seconde langue officielle. Cependant, d'après les analystes, les tensions ethniques ne sont pas seules responsables des violences. Certains ont accusé des groupes criminels, soutenant le président déchu, Kourmanbek Bakiev, d'être à l'origine des troubles dans le but de déstabiliser le nouveau gouvernement provisoire. «Ce ne sont pas seulement des violences ethniques, cela a été provoqué par des forces extérieures», renchérit Erica Marat. «Il est important de souligner qu'au cours des 20 dernières années, il y a toujours eu des tensions liées au partage du pouvoir, au partage de l'eau et des terres, mais ces conflits étaient résolus avec succès par le biais des négociations», ajoute-t-elle. «Cela va demander un énorme effort (...) mais il sera possible de rétablir l'équilibre qui existait avant», juge Mme Marat. Les récentes violences entre Kirghiz et Ouzbeks sont les pires depuis celles des années 1990, qui avaient fait des centaines de morts dans la région d'Och, dans le Sud du Kirghizstan.