La prochaine rencontre entre le président de la République Abdelaziz Bouteflika et le roi du Maroc Mohammed VI suscite des débats même si, dans cette région de l'extrême ouest du pays, on a fatalement tendance à lier ce sommet entre les chefs d'Etat à une éventuelle réouverture des frontières terrestres « comme si les conflits qui opposent nos deux pays ne se résument qu'à ces barrières qui restent baissées depuis 1994, mais qui n'empêchent nullement le mouvement des foules des deux côtés », soulignent avec indignation des citoyens. « Nous comprenons que les autorités de Sa Majesté se focalisent avec obstination sur les frontières terrestres pour des raisons économiques, surtout lorsque l'on sait que le Maroc oriental (notamment les gouvernorats d'Oujda et de Nador) a été anesthésié économiquement. Cependant, ce serait une erreur de se laisser entraîner sur ce point au détriment d'un contentieux lourd. » La lourdeur des dossiers entre les deux voisins est telle que d'anciens investisseurs algériens au Maroc, réunis en association, revendiquent leurs biens spoliés par des associés ou des responsables marocains au lendemain de la fermeture des frontières. « Nous avons mis beaucoup d'argent dans des entreprises au Maroc parce que nous avons naïvement cru à l'embellie et à la fraternité. Mais sitôt passé l'effet des retrouvailles entre les peuples, le Maghreb des peuples, on a été inexorablement dépossédés de nos biens. Pour avoir crié à l'injustice devant leurs tribunaux, on a frôlé le lynchage avant d'être mis en prison comme de vulgaires bandits. Nous ne sommes contre aucune perspective politique, mais nous n'arrêterons pas de revendiquer nos droits. » Des éleveurs d'ovins, dans les localités frontalières, ne restent pas les bras croisés. « Des voleurs marocains ont fait main basse sur notre cheptel. Nous les avons poursuivis jusque sur leur territoire. Ils ont été dénoncés et interrogés. Mais à l'heure actuelle, nous n'avons pas encore vu l'ombre d'une tête ou, au moins, un dédommagement. » Des agriculteurs estiment, pour leur part, que « c'est bien de vouloir revenir à de meilleurs sentiments avec nos frères, mais il faut d'abord rétablir la justice : des terres arables algériennes sont exploitées par nos voisins en toute impunité ; notre nappe phréatique est pompée sans pitié de l'autre côté ; des déchets toxiques énormes provenant des tanneries d'Oujda sont quotidiennement déversés dans l'oued Mouillah et le barrage de Hammam Boughrara. Il faut tirer au clair tout cela avant d'envisager quoi que ce soit. En dépit de tout cela, nous sommes pour le raffermissement des relations avec nos frères marocains. »Des familles rappellent : « Nos enfants sont détenus dans leurs geôles, sans aucune information, pour des délits fallacieux, comme l'immigration clandestine. Des Algériens sont décédés au royaume dans des conditions suspectes. Nous voulons la vérité et la justice d'abord. » Si l'on excepte une frange de la population, une grande majorité ne plaide pas pour la réouverture des frontières sans condition. « Le plus honteux, c'est notre monnaie nationale bradée : 90 dirhams contre 1000 dinars algériens, ainsi que tout ce trafic qui ne profite qu'aux Chérifiens... Soyons dignes ! »