Le prochain tête-à-tête Bouteflika-Mohamed VI découle de l'autre tête-à-tête Bouteflika-Chirac. Longtemps objet de supputations et de rumeurs, la rencontre au sommet, entre le Président algérien Abdelaziz Bouteflika et le roi marocain, Mohamed VI, aura finalement lieu. C'est désormais une certitude, sauf revirement spectaculaire. L'annonce en a été faite, jeudi dernier, par le ministre des Affaires étrangères Abdelaziz Belkhadem, aussitôt arrivé à Rabat pour une visite de travail de deux jours. “Une rencontre devrait se tenir prochainement entre le Président Abdelaziz Bouteflika et le roi Mohamed VI” a, en effet, tranché le chef de la diplomatie algérienne devant un parterre de journalistes qui l'attendaient à l'aéroport de Rabat. Belkhadem n'a, cependant, précisé ni la date ni le lieu de ce sommet arguant que les contacts entre les deux dirigeants sont “en cours” à ce sujet. Mais cet accord de principe sur un tête-à-tête est en soi un événement éminemment politique en ce qu'il consacre, officiellement, une reprise de langue entre les deux chefs d'Etat et augure d'un réchauffement des relations entre les deux pays, trop marquées par le contentieux du Sahara occidental. Qu'est-ce qui a donc changé pour que, comme par enchantement, Mohamed VI et Bouteflika décident d‘enterrer la hache de guerre et consentent à se regarder les yeux dans les yeux ? Il est tout de même curieux de constater que l'annonce de ce sommet intervient alors que le président de la République se trouvait à Paris sur invitation de Jacques Chirac. Y a-t-il une relation de cause à effet ? Tout porte à le croire, d'autant plus qu'il n'y a, a priori, aucune question qui puisse justifier le déplacement de Bouteflika en France, quand bien même on fait, officiellement, valoir l'argument diplomatique de la crise irakienne. Mais il est difficile de ne pas voir “la main” de Jacques Chirac dans cette affaire. L'homme est réputé être un allié stratégique du royaume chérifien. Il semble aussi déterminé à “refonder” les relations entre la France et l'Algérie, d'où son intérêt de voir les “frères ennemies” sceller leurs retrouvailles via son coup de pouce. Il y a aussi la volonté de la France d'en finir avec un concurrent encombrant dans la région du Maghreb, les Etats-Unis en l'occurrence. Le secrétaire d'Etat américain aux Affaires étrangères, Colin Powell, ne s'est d'ailleurs pas privé, jeudi, d'étaler ses “soupçons” sur la médiation française dans le contentieux algéro-marocain. C'est que le pays de George Bush ne souhaite pas se faire distancer par la France dans cette région qui figure en pole position dans ses objectifs économiques. C'est dire que ce sommet entre Bouteflika et Mohamed VI est loin d'être un simple rendez-vous dans le calendrier des rencontres bilatérales. Pas plus que ne l'est la visite-surprise du président de la République en France, juste après celle de son Chef du gouvernement, Ali Benflis. L'affaire du Sahara occidental constitue assurément l'objet du tête-à-tête entre Bouteflika et Chirac dans la perspective du règlement de ce conflit par l'entremise de la France. L'hypothèse est d'autant plus plausible que des indiscrétions parlent d'une “imminente” solution de ce problème, et par-là même, du dégel effectif des relations entre Alger et Rabat, jusqu'ici minées par ce contentieux. Et le fait que Mohamed VI ait accepté le principe d'un sommet avec Bouteflika dénote que le terrain est d'ores et déjà préparé pour les négociations et que la pomme de discorde est en passe d'être dépassée. Et pour cause, Belkhadem estime que la réouverture des frontières, fermées depuis 1994, n'est “pas difficile pour peu qu'on se mette d'accord sur certains points”. De son côté, le roi Mohamed VI qui recevait, hier, dans son palais à Marrakech, le ministre algérien des Affaires étrangères, s'est déclaré en faveur de la “redynamisation des relations avec l'Algérie” tout en promettant d'œuvrer pour la concrétisation de sa rencontre avec Bouteflika. Autant dire qu'il n'y a pas de fumée sans feu et que, dans ce rapprochement entre Alger et Rabat, Chirac a été certainement pour quelque chose. Reste la grande inconnue : jusqu'où va le plan de Jacques Chirac ? H. M.