En Tunisie, les purges ont commencé parmi les partis politiques d'opposition et les personnalités en mesure de croiser le fer avec Zine El Abidine Ben Ali. En effet, et à quelques jours du double scrutin présidentiel et législatif du 25 octobre prochain, la main lourde du pouvoir s'abat sur ces empêcheurs de gouverner en rond. Dernière victime en date, le Parti démocratique progressiste (PDP). Ce parti d'opposition a annoncé hier avoir décidé de jeter l'éponge face au rejet « massif » de ses listes. Ce parti, qui a décidé de retirer toutes ses listes pour les élections législatives, y voit une volonté du pouvoir de « marginaliser l'opposition démocratique ». « Le comité central du Parti démocratique progressiste, réuni dans la nuit du samedi à dimanche, a pris la décision de boycotter les élections législatives du 25 octobre prochain », souligne un communiqué publié hier. Le PDP s'élève contre « l'invalidation massive et abusive de listes du parti dans 17 circonscriptions représentant 80% de l'électorat » et note que treize de ses dirigeants avaient été écartés « de manière indue et illégale ». Ce parti en veut pour preuve que même la liste conduite par sa secrétaire générale, Maya Jribi, a été refusée. Au Parti démocratique progressiste, on est convaincus qu'il s'agit d'une « manœuvre » du pouvoir visant à « marginaliser l'opposition démocratique et le PDP en particulier », ajoute le communiqué. « C'est une véritable atteinte aux règles du jeu politique et une infraction flagrante au Code électoral en vigueur », lit-on encore. « Démoc-tature » Et pour la symbolique, le PDP a fait coïncider l'annonce de son retrait du double scrutin avec le lancement de la campagne électorale pour la présidentielle et les législatives, qui se dérouleront le même jour. Mais pour le pouvoir de Ben Ali, c'est bien sûr un souci au moins de voir des candidats démocrates hors course et de s'assurer ainsi le jackpot sans coup férir. Le PDP de Maya Jribi, qui est une formation de centre gauche, sans siège au Parlement, a été déjà recalé pour la présidentielle. Le fondateur de ce parti, l'avocat Ahmed Nejib Chebbi, 60 ans, a vu sa candidature rejetée pour « non-conformité avec la loi électorale ». Une loi qui, pour cet avocat, est « taillée sur mesure pour fermer la voie à toute candidature libre et priver le peuple tunisien du libre choix de ses dirigeants ». Lors de la présidentielle de 2004, Nejib Chebbi avait également renoncé faute de pouvoir satisfaire aux conditions posées par la loi. Son retrait forcé s'ajoute à celui de Mustapha Ben Jaâfar, candidat du Forum démocratique pour le travail et les libertés (FDTL), déclaré lui aussi hors course. En éliminant ces personnalités qui auraient pu apporter la contradiction et servir de bons challengers à Ben Ali, le régime tunisien compte sur six petites formations politiques plus ou moins acquises au raïs pour vendre l'image d'une élection « ouverte et plurielle ». Mais les Tunisiens savent que seul le décor est pluriel et que le président qui sortira des urnes, lui, est unique : Ben Ali et pour la cinquième fois ! Pour cause, le maître du palais de Carthage, qui a trituré lui aussi la loi électorale pour briguer un cinquième mandat, s'offre des scores brejnéviens qui peuvent faire pâlir d'envie, y compris Robert Mugabe. En 2004, il s'était fait réélire avec un incroyable 94,4% des suffrages. Et c'est grâce à ce toilettage autour de lui et au sein de ses adversaires politiques qu'il a réussi à imposer une sorte de « douce » dictature mais terriblement efficace. Sa méthode ? Briser les reins à ses opposants par des lois scélérates ou carrément via des campagnes de répression politique et de violation des droits de l'homme. Le Comité pour le respect des libertés et des droits de l'homme en Tunisie (CRLDHT) dénonce régulièrement ces pratiques qui font de ce pays une sorte de « démoctature », où se mêlent libéralisme économique et glaciation politique. Le journal Ettarik Al Jadid saisi L'hebdomadaire Ettarik Al Jadid (la Nouvelle voie), organe du parti d'opposition Ettajdid, qui présente un candidat à la présidentielle du 25 octobre en Tunisie, a été saisi pour « violation du code électoral », a indiqué hier sa direction. Selon le directeur de cet hebdomadaire bilingue, le numéro saisi diffusait le programme électoral d'Ahmed Brahim, secrétaire général d'Ettajdid et son candidat à la présidentielle. Hatem Chaâbouni a indiqué que le ministère de l'Intérieur a saisi, samedi soir à l'imprimerie, toutes les copies du numéro 149 pour « infraction au code électoral » qui interdit la publication des manifestes électoraux avant le début de la campagne, dimanche (hier).