L'élection présidentielle prévue en octobre prochain en Tunisie se veut plus ouverte. Zine Al Abidine Ben Ali, qui entend succéder à lui-même, a consenti à plus de compétiteurs. Sa “magnanimité” s'arrête là. Pas d'ouverture dans les médias. Lors d'une conférence de presse, Ahmed Brahim d'Ettajdid, une formation de l'opposition légale et de personnalités indépendantes, a tiré la sonnette d'alarme contre l'ostracisme dont il se dit victime de la part des médias publics. Le numéro un de l'ex-parti communiste de Tunisie est candidat à la présidentielle de l'automne prochain. Son grief est partagé par tous les prétendants en compétition contre le président Zine Al Abidine qui rebelote. Ils exigent un traitement sur un pied d'égalité avec le chef de l'Etat. Ce n'est pas une nouveauté : en Tunisie, comme dans les autres pays à régime autoritariste, y compris dans les démocraties de façade, les prétendants hors système sont systématiquement exclus de la télévision, qui reste monopolisée de façon quasi absolue par le ticket gagnant, l'ex-président qui se représente ou le candidat désigné pour lui succéder. Ahmed Brahim va jusqu'à préconiser une réforme radicale de l'ensemble du système de l'information tunisien et la mise en place d'un “observatoire national de la liberté de la presse et d'expression”. “Il n'est pas normal que le secteur de l'information reste dans l'état où il est, un état d'arriération, de verrouillage, de monopole total, soumis entièrement au pouvoir exécutif. Jusqu'à quand va-t-on continuer à avoir une information aussi fermée, aussi médiocre, aussi unilatérale ?”, a déploré cet universitaire de 62 ans. Un autre pavé dans la mare de Zine Al Abidine, régulièrement malmené par les ONG de journalistes et des droits de l'homme. Dialogue de sourds. Pour le régime tunisien, ce sont des allégations sans fondement, “l'Etat ne cesse de prendre des mesures visant à consacrer davantage les fondements d'un véritable pluralisme médiatique et politique”. Zine Al Abidine peut toujours se targuer que la plupart des journaux tunisiens sont édités par le secteur privé, mais comme ailleurs dans les pays à système identique, la marge de manœuvre de ces médias reste très étroite. La censure n'est plus directe comme au bon vieux temps des partis uniques. En réalité et pour revenir à la prochaine présidentielle, d'aucuns se demandent que pourra faire l'opposition face à un président qui va concourir pour un cinquième mandat ? Comme ses pairs arabes et africains, le président tunisien, âgé de 71 ans, a déclaré, à l'annonce de sa candidature, être honoré par les appels des organisations qui l'ont invité à se mettre en quête d'un cinquième mandat. Ses partisans invoquent la stabilité économique et la croissance que le pays a obtenues sous sa gouvernance, qui avait débuté par un coup d'Etat sans effusion de sang le 7 novembre 1987. Le système éducatif s'est amélioré, les femmes ont franchi des pas importants dans la jouissance de leurs droits, et aucun mouvement islamique viable n'a pris racine dans le pays, disent-ils, et c'est vrai. Ettajdid, le Parti démocratique progressiste (PDP), le Forum démocratique pour le travail et les libertés (FDTL) et d'autres mouvements d'opposition disent, toutefois, que l'initiative prise par Zine Al Abidine réinstaure la présidence à vie. La Constitution a été amendée en 2002 afin d'ouvrir le nombre des mandats présidentiels. Et Zine Al Abidine n'aura fait que copier Bourguiba qui avait fait approuver en 1975 la présidence à vie mais qu'il s'est vu écourter par le coup d'Etat fomenté par Zine Al Abidine. Zine Al Abidine V a promis la clarification de l'atmosphère politique tunisienne en rendant la liberté à des prisonniers politiques, en augmentant les libertés. Bref, rejeter toute forme d'exagération, d'extrémisme et d'intolérance. Promesses ? Il reste qu'il a encore amendé la Constitution pour permettre à l'opposition légale de concourir contre lui. Ce qui va probablement changer, c'est peut- être le taux de sa victoire annoncée. Il ne fera pas les 94% de 2004 puisqu'il doit concéder quelques points à ses rivaux pour faire bonne figure.