C'est parce que peu d'écrits ont été consacrés jusque là à l'habit traditionnel de Bou Saâda, que l'auteure, Barkahoum Ferhati, a consacré un beau livre anthropologique et historique intitulé Le costume féminin de Bou Saâda, publié par les éditions Mille Feuilles. Architecte de formation, ancienne directrice du musée Etienne Dinet de Bou Saâda, Barkahoum Ferhati est également docteur en histoire et civilisations. Elle est actuellement maître de recherche au Cnrpah et professeur associée à l'Ecole supérieure des beaux-arts d'Alger. A travers Le costume féminin de Bou Saâda, Parure, ornementation et accessoires, inventaire analytique et évolutions, l'auteure livre, sur les étals des bonnes librairies, un ouvrage riche en informations et en images. « Ce livre, lit-on au niveau de la quatrième de couverture, qui s'inscrit dans une démarche anthropologique, est une plongée méthodique, dans l'intimité de la société algérienne contemporaine. D'abord parce qu'il nous parle de la femme, cet être invisible de l'espace musulman traditionnel... Il dévoile un univers à la fois familier et méconnu... Il démontre qu'une société n'est jamais plus authentique que si elle fonde sa spécificité sur l'interaction constante avec les univers mentaux, esthétiques et techniques des mondes extérieurs qu'elle côtoie et qu'elle s'y approprie, jusque dans les plus infimes détails ». Originaire de la ville de Bou Saâda, l'auteure a effectué un minutieux travail de recherches sur le terrain, axé sur des sources écrites et orales. Les 146 pages proposées balayent les différentes facettes du costume féminin traditionnel de Bou Saâda et ce, depuis l'époque coloniale jusqu'à nos jours. Les pratiques sociales et culturelles, en relation avec la vie quotidienne de la gent féminine de cette région, n'ont pas été omises puisque de larges paragraphes lui sont consacrés. Barkahoum Ferhati explique que son intérêt pour le costume féminin de Bou Saâda s'est imposé à elle alors qu'elle entamait un travail sur l'artiste peintre orientaliste Etienne Dinet. Ce dernier produisait des œuvres des femmes de la région, parées de leurs plus beaux bijoux : des œuvres constituant un gisement de renseignements sur le costume féminin de la fin de la colonisation française jusqu'à nos jours. Les cinq chapitres abordés, en l'occurrence le vêtement, les coiffures, les bijoux, soins et corps, les danses et instruments de musique renseignent un peu mieux sur les atouts de la région. Selon l'auteure, la première personne ayant décrit le costume de Bou Saâda est le premier maire d'Alger, M. Galland, qui en excursion en 1887, en avait donné une précision assez détaillée : « Elles sont vêtues d'une tunique flottante, rouge ou polychrome, serrée à la taille par un foulard ou une ceinture de cuir, ornée d'un épais fermoir en argent ». Le costume se compose de la « qmouja iham » (chemise de dessous), et le « siroual » (pantalon bouffant), et des vêtements du dessus : « malhfa » (toge ou tunique, « rouba » (robe), « ouga » (mante), « qanbouz » dit aussi malhfa ou « bou'aouina » ( le voile de sortie), « rihiyât » (chaussures) et d'autres accessoires tels que « mnacha » (éventail) et « mhazma » (ceinture). La femme dissimulait sa chevelure sous des foulards, selon la mode de coiffure en vogue qui a connu dans l'histoire une nette évolution. Selon le témoignage de certains voyageurs, du début du siècle, les femmes avaient une lourde coiffure, laissant apparaître de grosses tresses appelées « dhifayer », enroulées autour des oreilles et enveloppées sous plusieurs foulards formant le « guennour » : une coiffure qui restera en vogue jusqu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Elle sera remplacée par « aksa », consistant à envelopper la chevelure. En 1950, c'est la « chedda » qui fait son apparition. Cette dernière se décline sous la forme de cheveux en tresses, qui sont rejetés dans le dos et la tête est dissimulée sous le « mendil » (foulard léger). Le vêtement traditionnel bou saâdi est rehaussé, certes, d'une coiffure adéquate mais également de bijoux d'ornement dont entre autres le diadème, les pendentifs, les boucles d'oreilles, les colliers en Louis, les mains de Fatma (khamsa), les bracelets, les anneaux. Dans le registre des bijoux de soutien, citons les ceintures en argent, en laine, en broderie, en soie, en broche. Dans le chapitre réservé aux soins, l'auteur revient sur le rituel du bain et sur l'entretien journalier de certaines parties du corps, en l'occurrence de souligner les sourcils au « hargous » ou au khol, tonifier les gencives au « souak », se parfumer au « bkhour » ou encore se teindre les cheveux, les mains et les pieds au henné. En somme, Le costume féminin de Bou Saâda de Barkahoum Ferhati est un beau livre de référence pour les historiens, les cinéastes... et les stylistes de mode. Barkahoum Ferhati : Le costume féminin de Bou Saâda. 145 pages. Edition Mille feuilles.Septembre 2009. Prix public : 1500 DA.