Le projet de loi modifiant et complétant la loi n°84-11 du 9 juin 1984 portant code de la famille continue d'alimenter les surenchères et de nourrir les commentaires les plus contradictoires. Examiné l'été dernier en Conseil de gouvernement, le texte attend toujours d'être présenté en Conseil des ministres. Le projet, il faut le dire, a mis trop de temps dans le « circuit institutionnel » pour ne pas s'interroger sur les véritables mobiles d'un si long retard. Programmé à maintes reprises, son examen a toujours été biffé de l'ordre du jour du Conseil des ministres. L'Exécutif a-t-il succombé face aux récurrentes fatwas des partis islamo-conservateurs et leurs relais dans la société ? Probable, mais c'est compter sans la détermination du président de la République qui, à travers la révision du code de la famille, cherche à conforter son image et celle de l'Algérie à l'étranger. L'examen de ce projet par le Conseil de gouvernement, au mois d'août dernier, a été, on s'en souvient, à l'origine de la levée de boucliers des partis islamistes et des milieux conservateurs. Une folle rumeur avait circulé, depuis, au sujet du retrait de ce projet. Quelques jours plus tard, c'est le président de la République en personne qui, à l'occasion de l'ouverture de l'année judiciaire, donnera la réplique aux islamistes. Dans son allocution, il avait coupé court aux rumeurs qui présentaient le gouvernement sur le point de reculer sur la question. « La révision du code de la famille s'est avérée impérative si nous voulons garantir la stabilité et l'harmonie dans la société et assurer le respect de la charia qui reste valable en tout temps, conformément à la tradition des premiers exégètes », avait-il souligné. S'il est vrai que le point d'ordre du premier magistrat du pays a fait revenir l'enthousiasme et l'espoir parmi les courants progressistes, le retard mis dans son examen par le Conseil des ministres a fini par ébranler sérieusement leur aspiration de voir enfin se concrétiser un « égalitarisme » entre les Algériennes et les Algériens. Les atermoiements des institutions de l'Etat n'ont fait qu'enhardir la position des islamistes qui ont mis les bouchées doubles, multipliant déclarations et sorties sur le terrain. Pour tenter d'influer sur le cours des événements, les tenants du conservatisme, à leur tête le MRN de Abdallah Djaballah et le MSP de Bouguerra Soltani, mettent davantage de pression sur les centres de décision politique afin de retirer le projet. Ces derniers contestent particulièrement les articles se rapportant à la polygamie et au tutorat. Un terrain d'entente est-il, dès lors, possible entre les partisans de la révision du code de la famille et la branche islamo-conservatrice du régime ? Pour peu qu'on supprime les deux articles en question. Mais dans ce cas, le projet sera vidé de sa substance.