Dans une instruction relative à la révision des régimes indemnitaires des fonctionnaires et des agents contractuels, adressée à tous les membres du gouvernement, le Premier ministre Ahmed Ouyahia est revenu dans le détail sur les objectifs visés à travers la révision du statut général de la Fonction publique. Une opération qui s'inscrit, selon lui, dans le cadre d'une réforme en profondeur ayant notamment pour but l'adaptation des missions de l'administration au nouveau rôle de l'Etat ainsi que l'amélioration des compétences et des qualifications, conformément aux exigences d'une administration moderne et performante. Evoquant le chapitre ayant trait au statut particulier, M. Ouyahia a rappelé que plusieurs d'entre eux ont déjà été adoptés et d'autres sont en voie de l'être. Néanmoins, pour ne pas pénaliser les départements ministériels dont les statuts particuliers ont été publiés au Journal officiel, le Premier ministre a demandé à ces derniers d'entamer les travaux préparatoires en vue de la révision des régimes indemnitaires afférents aux différents corps de fonctionnaires concernés. En outre, l'instruction énumère les modalités de révision des régimes indemnitaires, le cadre normatif et celui de concertation. Dans ce contexte, il est mentionné que les propositions de primes et indemnités doivent être présentées sous la forme de projets de décret exécutif, accompagnés d'exposés des motifs ainsi que d'un état détaillé et précis de l'incidence financière globale qui en résulterait. Préalablement à leur transmission à la direction générale de la Fonction publique, les projets de textes doivent, bien sûr, faire l'objet d'une concertation avec les représentants des organisations syndicales. Par ailleurs, le volet qui a choqué, le plus décrié par les fonctionnaires de manière générale, est celui relatif à la date d'application des décrets en question. En effet, selon l'instruction, la date d'effet des décrets exécutifs portant régimes indemnitaires des différents corps de fonctionnaires, correspond à la date de leur publication au Journal officiel. Dans l'ensemble, les syndicats des différents corps ont qualifié l'instruction de « provocatrice ». « Avec sa circulaire, Ouyahia veut mettre le feu aux poudres, le statut particulier ainsi que la grille de salaire sont appliqués depuis janvier 2008, le régime indemnitaire doit normalement suivre la date d'application du statut et de la grille de salaire », a fulminé M. Mériane, porte-parole du Snapest, qui trouve qu'il est illogique et inadmissible de commencer l'application du régime indemnitaire à la date de sa parution au Journal officiel. Notre interlocuteur déduit deux hypothèses : soit le Premier ministre veut allumer le feu ou alors, à travers cette provocation, il aspire à en découdre avec les syndicats autonomes. M. Mériane ne comprend pas pourquoi les députés ont bénéficié de centaines de millions de rappels alors que les fonctionnaires n'auront que des miettes, même avec le rappel, si rappel il y a.Pour sa part, M. Kedad, responsable du syndicat des psychologues, s'est dit outré alors que M. Boudiba du Cnapest a remis sur le tapis les déclarations faites par le ministre du Travail afin de rassurer les syndicalistes : « M. Louh nous a tranquillisés en nous demandant de patienter et de ne pas nous inquiéter car je vous assure que les augmentations et le régime indemnités seront appliqués avec effet rétroactif. » Du côté du secteur de la santé, le docteur Merabet, responsable du Syndicat national des praticiens de la santé publique (SNPSP), qualifie l'instruction du Premier ministre de « grande intrigue » tant par son timing, son contenu que ses répercussions négatives sur le moral du fonctionnaire en général. L'instruction d'Ahmed Ouyahia, de l'avis de notre interlocuteur, est en totale contradiction avec l'esprit des réformes en cours dans des secteurs aussi sensibles que vitaux tels que l'éducation, l'université et la santé. M. Merabet rappelle que la décision, décriée déjà à l'époque, de mettre en application la nouvelle grille des salaires le 1er janvier 2008, était accompagnée de déclarations officielles à différents niveaux que les nouveaux statuts avec leurs régimes indemnitaires seront mis en application avec effet rétroactif au 1er janvier 2008, notamment pour expliquer la « malformation » dont souffre la fiche de paye du fonctionnaire. Celui-ci est rétribué sur la base d'un régime indemnitaire calculé sur un traitement de base qui n'existe plus depuis. En somme, pour le SNPSP, cette instruction est « un grave précédent qui consacre un 1désengagement des pouvoirs publics des promesses faites aux fonctionnaires que nous sommes ». Le docteur Merabet regrette qu'à ce jour le statut particulier du praticien de santé publique n'ait toujours pas été promulgué, et ce, en dépit des engagements pris par les pouvoirs publics, il y a de cela deux ans. Ce dossier n'arrive pas à aboutir dans sa forme négociée entre les parties concernées malgré les assurances données par le ministre de tutelle. Le problème, selon notre interlocuteur, reste posé au niveau de la classification des praticiens, chirurgiens dentistes et pharmaciens. Les ordres reçus d'« en haut » Les représentants du Conseil national autonome des professeurs de l'enseignement secondaire et technique (Cnapest) étaient invités à rencontrer, hier, les responsables du ministère de l'Education. Au menu de cette réunion, l'installation d'une commission mixte qui se penchera sur la question du régime indemnitaire et sur les modalités d'attribution de logements aux enseignants désirant s'installer dans le sud du pays. Le syndicat a affiché sa satisfaction en ce qui concerne l'amorce d'un dialogue entre les deux parties. Seulement hier, à leur arrivée à hauteur du siège du ministère, les représentants du syndicat ont été apostrophés par les forces de l'ordre qui leur intimé l'ordre de rebrousser chemin. Ne saisissant pas l'attitude des policiers, les syndicalistes ont brandi l'invitation, mais les policiers ne voulaient rien savoir. « Vous ne pouvez pas accéder au ministère. Nous avons reçu l'ordre d'en haut », a soufflé le policier. De quel ordre s'agit-il ? Les représentants du syndicat ont alors contacté le secrétaire général du ministre qui, une fois sur les lieux, s'est dit étonné car le ministère n'a nullement instruit les agents de l'ordre. Déçus, énervés, les syndicalistes ont rebroussé chemin en dépit de l'insistance du SG, qui leur a donné rendez-vous pour le 18 octobre prochain.Le Cnapest a, pour rappel, opté pour la grève à partir du mois de novembre. Par contre, le ministre de l'Education reçoit aujourd'hui les représentants du Snapest pour débattre du régime indemnitaire et de la formation des enseignants.