Peur sur les libertés, menace sur les droits de l'homme. L'interdiction qui s'est abattue sur la Ligue algérienne de défense des droits de l'homme est révélatrice à plus d'un titre sur une volonté ferme des pouvoirs publics de barricader les espaces d'expression. Interdire la tenue d'une conférence sur l'abolition de la peine de mort est non seulement un acte de censure, mais aussi un signe de panique d'une administration aux ordres qui voit comme une menace toute initiative émanant de la société civile. En quoi débattre de l'abolition de la peine capitale est-il un facteur de déstabilisation du système, si ce n'est le fait de voir que le débat sort du contrôle du pouvoir central. Qu'importe le sujet lorsqu'il y va de la suprême détermination à vouloir orienter, diriger et contenir le moindre acte ou démarche de la société. C'est l'image même d'un corps affaibli qui a peur de la moindre brise, dans le cas de l'Algérie, il s'agit d'un système aux assurances vacillantes, qui a peur du moindre souffle de liberté, fusse-t-il le plus court. Depuis l'instauration de l'état d'urgence le 29 février 1992, il semble que cet état d'urgence est un prétexte pour arrêter tout mouvement aux relents de libre pensée. Les interdits se succèdent et ne se ressemblent pas et touchent exclusivement les partis de l'opposition, les syndicats autonomes, les défenseurs des droits de l'homme, les élites n'obéissant pas au moule officiel et tous les citoyens qui revendiquent et n'applaudissent pas. Rassemblements, marches, manifestations et conférences sont de l'ordre exclusif de l'appareil du pouvoir. Nul autre parrainage n'est autorisé ou même toléré. En l'espace d'une semaine seulement, les autorités ont empêché conférences, marches et rassemblements. La première semaine d'octobre, un mois qui rappelle les contractions de la révolution de Novembre 1954, a dévoilé un visage bien triste d'une Algérie où l'expression est étouffée et réprimée par la matraque. Des manifestants ont été empêchés de célébrer une date symbole qu'est le 5 octobre 1988, des citoyens ont été aussi contraints de forcer l'interdiction de marcher pour soutenir Jérusalem sacrifié ou Ghaza bombardée, et la Ligue des droits de l'homme a été interdite de tenir une rencontre-débat. Pour ne citer que ce lot de répression qui s'est abattu sur de téméraires militants toujours à la quête des libertés en plein état d'urgence qui n'en finit pas. 17 années d'état d'urgence déjà. Que dire de ces syndicalistes bastonnés à longueur d'année pour avoir revendiqué un salaire décent ou un statut. Que dire de ces partis politiques n'arrivant pas à organiser ne serait-ce qu'un meeting et réduits à ne point quitter leur siège. Que dire de ces jeunes malmenés pour avoir brûlé un pneu en signe de colère contre une situation sociale des plus pénibles. Que dire encore de ces familles des disparus ou des victimes du terrorisme qui sont sommées d'oublier le passé et de ne même plus en parler. Que dire enfin de la presse qui se voit malmenée par la justice à chaque « écart de conduite » envers la nomenklatura. L'état d'urgence s'exprime en muselant, en réprimant, en interdisant et en barricadant pour ne rien laisser filer des filets du système. La menace sur les libertés a depuis longtemps été mise à exécution, reste aujourd'hui à savoir où et quand et comment elle s'arrêtera. Heureuse dans ce cas la pensée échappe aux lois liberticides et conserve son entière liberté pour pouvoir croire et se battre pour la quête des droits et libertés.