Le livre La régente de Carthage, co-écrit par Nicolas Beau et Catherine Graciet, tous deux journalistes au sein du site français, internet « Bakchich.com », a toutes les chances de mettre de mauvaise humeur le président tunisien Ben Ali et son épouse Leïla Trabelsi, parce qu'il dit tout haut ce que pensent les Tunisiens tout bas. Paris de notre correspondant Le brûlot, riche en révélations, lève un épais voile sur les pratiques dictatoriales du couple présidentiel tunisien, qualifié de « parvenus et d'incultes » et raconte comment l'ancienne « coiffeuse de Tunis » s'est subrepticement emparée du pouvoir pour piller, avec l'aide de sa famille, le pays, en usant de menaces physiques, d'instrumentalisation de la justice, de mensonges d'Etat et parfois d'assassinats. « Leïla Ben Ali dispose de plus de pouvoir réel que le premier ministre. Elle peut faire et défaire le gouvernement, nommer ou limoger un ministre, un ambassadeur quand bon lui semble. Elle peut enrichir, appauvrir, faire libérer ou emprisonner qui elle veut et quand elle veut », peut-on découvrir au fur et à mesure de la lecture du livre. Rien n'échappe à Leïla Ben Ali et aux membres de sa famille. Tourisme, éducation, téléphonie mobile, transport, construction…tous les secteurs sont sous la coupe réglée des deux clans, les Ben Ali et les Trabelsi. Ces derniers ont fait de la Tunisie une « propriété privée ». Imed Trabelsi, frère de la femme du président, a volé trois yachts de luxe stationnés sur les ports de la Côte d'Azur. Le procès est ouvert en France mais sans la présence de Imed. La justice française a fini par abandonner les charges qui pesaient sur lui. A sa place, il y a deux autres Tunisiens et un ressortissant français. Même sur le plan politique, alors que les Américains ont fait savoir au locataire du palais de Carthage qu'ils ne souhaitaient pas le voir se représenter encore une fois, son épouse veut croire que l'heure de la prise du pouvoir par un membre de sa famille a bien sonné. Qui pourrait d'ailleurs contredire ses desseins ? Ni la police ni l'armée, encore moins la justice et la classe politique et économique du pays qui, avec le temps, ont tous fait allégeance à la première dame du pays de jasmin. Tapie dans l'ombre, Leïla Ben Ali prépare la Tunisie de demain et gère la succession. Dans les coulisses, on parle de Abdelwahab Abdallah, l'omniprésent ministre des Affaires étrangères, de Abdelaziz Ben Dhia, le conseiller du président Ben Ali, de Hédi Jilani, patron des patrons et allié indéfectible de Leïla Ben Ali, de Kamal Morjane, ministre de la Défense qui possède de bons contacts aux Etats-Unis et enfin du jeune Sakhr Materi, présenté par tout le monde comme étant le plus probable successeur parmi tous. De toute façon, à l'image de Wassila Ben Ammar, l'influente épouse de feu Bourguiba, c'est Leïla Ben Ali qui aura le dernier mot. Elle choisira celui qui préservera les intérêts financiers et économiques des clans au pouvoir et qui matera, s'il le faut, toute velléité de démocratisation du régime ou de sa remise en cause. Car, en privé, Leïla Ben Ali craint de finir comme la première dame de la Roumanie, Elena Ceausescu.