Saddek El Kébir, conteur fort émouvant, auteur et metteur en scène de talent, n'est pas revenu à Constantine les mains vides. De cette Allemagne lointaine où il réside depuis des années, il a pris le temps de bien garnir sa musette avant de venir revisiter, pour nous, l'enfance, toute l'enfance et rien que l'enfance. Et que de surprises alors, quand, sans crier gare, il nous sort ses projets empreints d'une originalité créative qui n'a d'égale que la seule fulgurance des gracieux rayons de soleil ! Depuis des semaines, il s'échine, en collaboration avec ses amis du TRC, à monter une pièce théâtrale Anis et Anissa et pour ce faire, il s'est entouré d'une ribambelle de jeunes et talentueux comédiens. Cependant, pour donner du sel à cette œuvre et en faire une création novatrice, outre le travail de formation sur lequel il insiste, il décide de nous ouvrir les yeux en intégrant et en composant, avec cette frange des oubliés : celle des handicapés moteurs et des non-voyants, et ceux injustement brimés dans une société en perte de repères. Au programme du canevas de notre conteur prodigue, des lectures de textes en braille par des jeunes non-voyants, en arabe, en français et même en tamazight. Et ce n'est pas tout, sa démarche est estampillée du cachet de l'inédit, tant il insiste pour faire rencontrer voyants et non-voyants « dans une obscurité totale » et n'est-ce pas encore la meilleure manière de nous ouvrir les yeux sur nos insoutenables douleurs, notre incapacité à cerner clairement le réel ? Par le truchement du ludique et du sensible, Saddek El Kébir se fait grand à promouvoir un théâtre d'intervention et de médiation, un théâtre qui se donne pour mission de transcender blocages et clivages, pour, dans un élan noble et infiniment humain, pointer du doigt nos travers et notre altérité suprême. Et Saddek dit vrai encore en organisant, pour les handicapés-moteurs, lundi 12 octobre à 10h 30, une visite au musée Cirta. Pourquoi une telle visite ? Les handicapés-moteurs ont-ils le droit de visiter un musée, et le peuvent-ils, quand on sait que nos tribunaux sont dotés d'accès pour handicapés, mais pas justement nos musées ? Soyez présents pour voir notre grand désarroi collectif.