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« Le chômage des jeunes reste très élevé en Algérie »
Amor Tahari (Directeur adjoint au département Moyen-Orient et Asie centrale du FMI)
Publié dans El Watan le 14 - 10 - 2009

Pour cet expert du Fonds monétaire international, si l'Algérie n'est pas directement affectée par la crise financière en raison de la faible dépendance du système financier algérien par rapport aux marchés financiers internationaux, il n'en demeure pas moins que notre pays n'est pas à l'abri de la crise. M. Tahari explique cependant que « la récession mondiale et la baisse de la demande pour les produits énergétiques ont entraîné une baisse importante des prix des hydrocarbures, qui a directement affecté l'Algérie ». Conséquence directe : « Les excédents extérieurs et budgétaires se sont nettement amenuisés et la baisse du volume des exportations d'hydrocarbures va peser sur la croissance algérienne globale », explique-t-il. Dans un autre registre, le directeur du département Moyen-Orient indique que le chômage reste très élevé en Algérie.
A l'instar de nombreux pays, l'Algérie a aussi été secouée par la crise financière internationale qui s'est muée en récession mondiale. Dans quelles proportions notre économie est-elle atteinte ?
Grâce à une gestion macroéconomique prudente ces dernières années, l'Algérie a accumulé des réserves extérieures et budgétaires importantes tout en réduisant de façon significative l'endettement public et l'endettement extérieur. Elle a pu ainsi faire face aux effets de la crise internationale à partir d'une position macroéconomique et financière solide, après plusieurs années d'expansion économique soutenue, avec un fort taux de croissance hors secteur des hydrocarbures et un faible taux d'inflation. L'Algérie n'a pas été touchée par une contagion financière directe, étant donné la faible dépendance du système financier Algérien par rapport aux marchés financiers internationaux, la confiance dans le secteur bancaire dominé par les banques publiques qui ont régulièrement bénéficié du soutien financier du gouvernement et l'absence de besoin d'emprunts extérieurs compte tenu de la position financière solide. Cependant, la récession mondiale et la baisse de la demande pour les produits énergétiques ont entraîné une baisse importante des prix des hydrocarbures qui a directement affecté l'Algérie. Ainsi, les excédents extérieurs et budgétaires se sont nettement amenuisés et la baisse du volume des exportations d'hydrocarbures va peser sur la croissance algérienne globale. D'un autre côté, la poursuite du programme d'investissement public (PIP) et les nouveaux investissements de Sonatrach continueront de soutenir la croissance dans le secteur hors hydrocarbures, qui continue à progresser à un taux élevé. L'inflation devrait rester modérée et le niveau de réserves extérieures demeurera élevé.
Comment peut-on quantifier les « déséquilibres » occasionnés à notre économie ?
La récession mondiale et la baisse des prix des hydrocarbures ont remis en lumière, si besoin est, la très forte dépendance de l'économie algérienne par rapport au secteur des hydrocarbures, tant pour les exportations que les recettes budgétaires ou la croissance globale. Cela souligne l'urgente nécessité d'accélérer les réformes structurelles afin de diversifier l'économie et d'assurer une croissance hors hydrocarbures soutenue et soutenable sur le long terme. Cela est essentiel afin de pouvoir créer suffisamment d'emplois et lutter contre le chômage des jeunes qui reste très élevé. L'accélération des réformes structurelles permettrait de réduire le retard accusé par le pays par rapport à ses partenaires commerciaux sur le plan de la productivité et du climat des affaires.
A l'heure actuelle, le pays semble poursuivre son effort d'investissement public qui engage un important budget. Dans le même temps, l'inflation s'échappe pour se situer au-dessus de 5%. Il y a un malaise au plan social. Dans ce contexte, est-il possible de mobiliser 150 milliards de dollars sur cinq ans ?
Comme mentionné précédemment, l'Etat algérien a accumulé une épargne considérable dans le Fonds de régulation des recettes (FRR). Cette épargne, combinée aux futures recettes pétrolières, permettra de couvrir entièrement la poursuite de l'exécution de l'ambitieux programme d'investissement public lancé en 2005. Au-delà de ce plan, l'effort d'investissement pourra être poursuivi, mais il conviendra d'en réévaluer le montant périodiquement au vu de la situation financière de l'Etat, qui dépendra en partie de l'évolution des prix internationaux des hydrocarbures. Sur le plan de l'inflation, les prix des produits alimentaires ont augmenté ces derniers mois, mais la croissance des prix hors denrées alimentaires est restée modérée, en dessous de 5%. La poursuite d'une politique monétaire prudente et la baisse des cours mondiaux alimentaires devraient permettre de maintenir un taux d'inflation bas.
L'une des retombées de la crise financière sur l'Algérie a été de voir le gouvernement supprimer, dans le cadre de la loi de finances complémentaire 2009, le crédit à la consommation. Pensez-vous que la mesure s'impose ?
A l'instar d'une majorité de pays touchés par les retombées de la crise financière, les autorités algériennes ont adopté des mesures de relance économique, notamment de relâchement de la politique monétaire. Nous avons noté que dans le cadre de la loi de finances complémentaire 2009 adoptée en juillet dernier, de nouvelles mesures ont été introduites. Les autorités nous fourniront sans doute de plus amples informations à ce sujet dans le cadre de la prochaine mission des services du FMI au titre des consultations de l'article IV pour l'année 2009.
On a relevé dernièrement un glissement de la valeur de la monnaie nationale par rapport au dollar. Quel est votre commentaire ?
La politique de change poursuivie par la Banque d'Algérie est compatible avec la stabilité externe. Les services du FMI considèrent que le taux de change du dinar est globalement en ligne avec les paramètres économiques fondamentaux de l'Algérie, tout en notant que cette évaluation est sensible à la volatilité des prix du pétrole. Les variations du dinar par rapport au dollar reflètent donc les évolutions de certains paramètres fondamentaux tels que le différentiel d'inflation et l'écart de gains de productivité avec les partenaires, ou encore les fluctuations des cours pétroliers.
L'Algérie est en train d'étudier la possibilité de prêter de l'argent au FMI. Où en est la question ?
Afin de permettre au FMI de jouer pleinement son rôle de soutien financier pour aider à résoudre la crise actuelle, le comité monétaire et financier international du FMI ainsi que le G20 ont soutenu l'idée de tripler les ressources financières du FMI jusqu'à 750 milliards de dollars. De nouveaux mécanismes de financement ont été établis pour offrir un menu plus large aux pays intéressés à apporter leur concours à l'augmentation des ressources du FMI. Plusieurs pays, aussi bien émergents que développés, ont déjà annoncé des promesses de financement et nous sommes en bonne voie pour atteindre l'objectif fixé. L'Algérie pourrait également apporter son concours à ces efforts. Cela pourrait par exemple se faire dans le cadre de la stratégie de diversification des réserves de change du pays, avec le placement d'une petite partie de ces réserves au FMI, où elles seraient rémunérées au taux de marché, comme l'ont fait d'autres pays.
Bientôt la communauté internationale se mettra au chevet de l'économie mondiale à l'effet de corriger les errements du passé et ne plus permettre une autre crise financière. Y aura-t-il une place pour les économies en développement ?
L'étendue des défis de l'après-crise demande un engagement fort des pays en développement. Un aspect fondamental pour renouer avec une croissance soutenue et équilibrée est que certains pays devront épargner davantage et que d'autres devront mener des politiques et des réformes structurelles de nature à alimenter la croissance de leur demande intérieure. Ce rééquilibrage ne peut se faire sans la participation des pays en développement, qui ont désormais un poids plus important dans l'économie mondiale après des années de croissance soutenue. L'augmentation du poids relatif des pays émergents et en développement dans l'économie mondiale appelle aussi à ce qu'ils jouent un rôle plus important dans le cadre des réformes des institutions de gouvernance globale. Le G20, qui inclut de grands pays émergents, est une structure adéquate pour affronter les défis économiques actuels et futurs. Mais il faudrait continuer à impliquer tous les autres pays non membres du G20. De même, la réforme de la structure de gouvernance du FMI, qui donnera un poids relatif plus important aux pays émergents et en développement, permettra de renforcer la légitimité du Fonds ainsi que son efficacité pour faire face aux défis de demain.


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