De notre correspondant à Béjaïa Kamel Amghar La crise financière mondiale continue de faire des ravages sur les marchés internationaux. Après les vaines interventions des autorités financières, les gouvernements -notamment dans les pays dits industrialisés- multiplient les nationalisations de leurs systèmes bancaires et les initiatives de sauvetage pour limiter les dégâts collatéraux sur leurs économies réelles. Dans le reste du monde, chaque Etat tente de se prémunir contre les effets négatifs de ce choc boursier annonciateur d'une récession planétaire inéluctable. L'Algérie, à en croire les déclarations des premiers responsables du pays, serait à l'abri de cette crise même si elle avait naturellement une incidence «jugulable» sur certains secteurs d'activité, comme la baisse des cours du pétrole. Les assurances réitérées des membres du gouvernement se veulent comme un gage de confiance en direction des déposants, des entrepreneurs et des investisseurs. Le chef de l'exécutif, Ahmed Ouyahia, son ministre des Finances, Karim Djoudi, et son collègue du département de l'énergie et des mines, Chakib Khelil, ne ratent aucune occasion de souligner l'impact «minimum» de ce ralentissement sur le marché algérien. Dans son rapport de l'année 2008, le Fonds monétaire international dresse aussi de bonnes perspectives pour l'économie algérienne. En effet, le FMI prévoit des taux de croissance de 4,8% pour l'exercice en cours et 4,5% pour l'année 2009 avec à la clé une réduction sensible du taux d'inflation. Des prévisions positives que des experts indépendants ont reprises à leur compte. Même le recul de la consommation énergétique mondiale ne serait pas tellement dramatique, car «l'Algérie est en mesure d'équilibrer son budget avec un prix du baril au-dessus de 56 dollars», estime un haut fonctionnaire du FMI. En bref, tous les pronostics convergent à ce sujet. Mais qu'en pensent au juste les entrepreneurs et les investisseurs locaux ? Eprouvent-ils des difficultés à boucler leurs opérations ? Craignent-ils pour leurs affaires ? Après moult rencontres avec les membres de l'exécutif, les organisations patronales se disent confortées et comptent beaucoup sur les garanties promises. Le FCE, la CAP, la CIPA et la CNPA , entre autres, n'affichent aucun affolement particulier, mais soulignent la nécessité d'encourager la production locale pour réduire la dépendance du pays du seul secteur de l'énergie. Les patrons incitent, en revanche, les banques à faciliter l'accès aux crédits d'investissement et sollicitent un rôle plus actif de l'Etat dans cette perspective. Les différents programmes étatiques d'appui à la PME sont souvent jugés insuffisants pour l'émergence d'autres secteurs compétitifs. Cependant, tous les petits opérateurs interrogés à ce sujet ne craignent pas cette crise financière, tout en se disant attentifs à ses développements à travers les médias. «Pour moi, rien n'a changé. J'ai les mêmes rapports réguliers avec ma banque.» Je ne note aucun changement. Bien au contraire, les prix du rond à béton ont connu une baisse profitable au cours de ces derniers mois. De 8 000 DA, le quintal d'acier est passé à 5 000 DA. Est-ce un effet de la crise financière ? Je n'en sais rien», avoue Zahir qui dirige une entreprise privée de BTPH. Même son de cloche chez Adel, cadre financier dans une importante laiterie domiciliée à Béjaïa. «Mis à part le brusque bouleversement qui a touché les cours mondiaux de la poudre de lait tout au long de l'année de 2007, tout se passe normalement. Nos relations avec les institutions financières algériennes sont normales», tient-il à préciser sans omettre d'exprimer ses craintes concernant une éventuelle baisse de la production mondiale qui se traduirait par une autre hausse des prix de la poudre blanche sur les marchés internationaux. La baisse notable du taux de change de l'euro sur le marché parallèle est cependant accueillie comme une bénédiction par les importateurs qui recourent régulièrement au système D afin de boucler leurs opérations. Les cambistes n'y voient pas d'inconvénients, non plus, car leur volume d'échange s'est sensiblement raffermi. Seuls les retraités d'outre-mer, qui vendaient leurs «billets étoilés» sur la place, affichent une mine désolée. Ils croient, toutefois, que la monnaie européenne va remonter une fois la tempête passée. Certains parient même leurs dinars sur cette hypothèse pour revendre plus tard à un meilleur pourcentage. En somme, la crise financière internationale n'a, du moins pour le moment, aucune conséquence visible sur les entreprises locales. «Notre secteur bancaire n'est pas intégré dans le système financier international. De ce fait, il ne peut être directement affecté par la crise qui asphyxie en ce moment la quasi-totalité des places boursières à travers le monde. Les craintes exprimées çà et là sont d'ordre général, et concernent le recul de la croissance mondiale. Ce ralentissement peut se traduire par un renchérissement des prix alimentaires et agricoles. Une éventualité qui aura probablement un effet négatif pour l'économie algérienne, car on importe une bonne partie de nos besoins en la matière. Cependant, le système financier, proprement dit, ne risque pas grand-chose même dans ce cas de figure», explique Mohamed, un ancien directeur d'une agence bancaire.