Située au contrefort des Babors, à une soixantaine de kilomètres au nord-est du chef-lieu de la wilaya de Sétif, à quelques encablures de la daïra de Beni Aziz, dans une région fortement boisée et enclavée, cette petite commune de Aïn Sebt, comme tant d'autres localités en pays profond, a payé un lourd tribut face aux exactions répétées des hordes terroriste et ce, durant de nombreuses années. Ce qui n'a pas manqué d'avoir des répercussions souvent dramatiques sur la région, et surtout sur la population, vu la destruction des écoles ainsi que de nombreuses infrastructures de base, ponts, routes, poteaux électriques... en plus des assassinats, enlèvements de citoyens, viols de femmes, rackets... Un quotidien dramatique vécu durant ces longues et sombres années par une population qui est aujourd'hui traumatisée. Ainsi, cette commune qui était devenu, à un certain moment, une zone interdite, revendique aujourd'hui un légitime droit à la considération, à une vie décente et à la dignité, surtout pour les femmes et les enfants qui ont été les plus touchés par les actes barbares des terroristes. Après avoir abandonné, en majeure partie leur patelin, les gens y reviennent peu à peu pour tout recommencer. Sur place, c'est carrément l'envers du décor. Aïn Sebt continue de traîner les stigmates de ces années de braise. Laminée par l'isolement, celle-ci a tout perdu, notamment ses potentialités agricoles. Ici, les gens vivent dans la pauvreté et la misère, même si la peur n'est plus qu'un mauvais souvenir ; le calme s'est installé et l'on commence d'ores et déjà à penser à refaire sa vie. La première femme rencontrée sur les lieux, en ce début d'octobre, est une victime du terrorisme ; elle nous raconte qu'elle a perdu son époux et que sa fille a été enlevée et puis violée par les terroristes avant d'être décapitée. Traumatisée, elle est retournée à Aïn Sebt parce qu'elle ne savait pas où aller, nous dit-elle, les larmes aux yeux. Sa maison est encore debout mais elle doit être rénovée après toutes ces années d'abandon. Plus loin, ce sont deux fellahs qui tentent de reprendre le travail de la terre, même si celui-ci n'est plus gratifiant, nous dira avec amertume l'un deux. Leurs enfants sont restés à El Eulma. Sans travail, ils font dans la débrouille à « Dubaï ». Aïn Sebt, c'est aussi un ensemble de plusieurs douars et mechtas épars, dont la population s'accroche tant bien que mal à la vie, même si certains vivent aujourd'hui dans le dénuement total. Et comment peut-il en être autrement, lorsqu'on sait que cette région a été transformée durant des années en no man's land funèbre, nous confie un patriote sur cette route qui commence peu à peu à retrouver ses usagers, notamment les voyageurs devant se rendre à Jijel, venant de Sétif en passant par El Eulma et Beni Aziz. Cette route, toujours selon notre interlocuteur, « offre une grande perspective de développement car elle va( nous) sortir de notre isolement ». Aïn Sebt est une région à vocation surtout agricole qui souffre, hélas, du manque de moyens. L'arboriculture est un atout sur lequel comptent les jeunes fellahs pour refaire leur vie. Il y aussi l'apiculture en zone montagneuse qui commence d'ores et déjà à reprendre sa place. De nombreux fellahs s'investissent dans l'élevage, en attendant la mise en place de programmes de développement pour la région. La route, dans sa majorité, est carrossable, il ne reste que quelques endroits qui doivent être pris en charge pour donner un nouveau souffle à cette région. Le problème de l'eau ne se pose pas, néanmoins il doit quand même être valorisé par la commune au bénéfice de la population. Le plus difficile, c'est l'absence de travail pour les jeunes, qui préfèrent alors partir vers d'autres cieux plus cléments ; c'est toujours vers El Eulma qu'ils se dirigent en quête d'un hypothétique boulot. A l'arrivée, c'est la déception. En l'absence d'un travail stable, ce sont les petits boulots, vers lesquels on les oriente. Leur nombre s'accroît chaque jour davantage, mais pour combien de temps encore ?