Il y en aurait plus d'un qui refuserait cette lubie collective, mais le fait est que la tradition existe depuis des lustres et reste assez suivie chez les familles du ksar, gardiennes des us et coutumes de la région. En quoi consiste ce rituel ? Eh bien, tout simplement en une valise remplie de tenues d'apparat et de bijoux que la jeune mariée ramène avec elle chez ses parents trois jours avant le Ramadhan. La maman et les tantes de celles-ci ont d'ores et déjà préparé une chambre de mariée savamment décorée pour accueillir la belle et les préparatifs du Ramadhan incluent également la confection de divers gâteaux et friandises locales dont le s'fouf, de la semoule grillée et sucrée, parfumée à la klila, un fromage de brebis sec moulu et mélangé à toutes sortes de mets traditionnels dont justement le r'fiss, appelé takdort en Ouargli et qui est constitué de dattes écrasées, de céréales grillées et moulues et de smen traditionnel. La table de la mariée est également ornée de fèves grillées dans du sable blanc et toutes sortes de fruits secs. Dès le premier jour du mois sacré, la nouvelle mariée plonge dans un monde de festivités données par sa famille en son honneur, elle revêt chaque soir un de ses costumes traditionnels et reçoit sœurs, cousines, amies, belles-sœurs et voisines tout au long de la soirée ramadhanesque. Il y va ainsi de tout le Ramadhan jusqu'à Leïlet el Qadr, soit le 27e jour du mois, où le mari, replongé lui-même dans son giron familial, reprend son épouse après un grand repas donné en son honneur. La tradition est respectée par certains couples, tandis que d'autres préfèrent passer outre et tenter une première expérience de Ramadhan en solo. Les uns s'y prêtent avec humour et adorent donner l'occasion aux nouvelles mariées de se regrouper lors de grands banquets organisés par les oncles, les tantes et les amis, encore une tradition à Ouargla, où on aime inviter les nouvelles mariées et les enfants qui jeûnent pour la première fois. Les plus modernes trouvent obsolète de se conformer à un rituel dont ils ne connaissent même pas le sens. Outre le côté festif que l'on prête à l'événement, les anciens gardent jalousement le secret d'une tradition qui est loin d'être fortuite, à leur avis. Selon Hadja Rezka, on se mariait très jeune à l'époque et beaucoup de mariés connaissaient peu les règles de l'abstinence diurne durant le Ramadhan, aussi pour éviter toute équivoque, les parents reprenaient chacun de son côté le jeune marié de l'année, qui était entouré et accompagné. Pour Hadja Zohra, cette tradition était également synonyme de solidarité, puisque la famille de la mariée la prenait en charge durant ce mois où oncles et tantes participaient également aux frais de la prise en charge de celle-ci, une forme d'aide au mari qui se relevait à peine d'une période de grandes dépenses. C'est surtout l'aspect festif qui est apprécié de nos jours, en réalité le mois est souvent réduit à quelques jours où la jeune mariée reprend ses quartiers d'enfance pour les honneurs et les cadeaux avant de rejoindre son foyer.