Le FMI a émis des obligations à l'intention des Etats et des institutions multilatérales. Quelles sont les motivations de cette opération ? Il faut tout d'abord souligner que les obligations du FMI comme les obligations conventionnelles sont des titres de dette. En effet, le conseil d'administration du Fonds monétaire international a statué en faveur d'une émission obligataire destinée aux Etats et aux institutions multilatérales comme souscripteurs afin de renflouer ses caisses pour venir en aide aux pays membres en difficulté. L'objectif principal de cette opération est donc d'augmenter la capacité d'intervention du FMI par la diversification de ses sources de financement : quote-parts des pays membres à son capital, l'or, Accords généraux d'emprunt (AGE) et Nouveaux accords d'emprunt (NAE). Cette émission obligataire du FMI constitue donc une partie d'un effort plus vaste que le FMI a engagé pour collecter plus de 500 milliards de dollars en nouveaux financements en faveur des pays touchés par la crise financière, de l'Islande au Pakistan. L'Algérie aurait été sollicitée pour l'achat d'une partie de ces titres et étudierait cette possibilité. Estimez-vous qu'il s'agit d'un bon investissement, notamment dans le contexte actuel où les incertitudes nées de la crise financière internationale n'ont pas été entièrement dissipées ? La situation financière de l'Algérie est-elle propice pour une telle opération ? Il faut d'abord souligner que l'émission obligataire est destinée aux 185 pays membres du FMI, mais concerne principalement les 54 pays membres ayant une position financière extérieure suffisamment solide. L'Algérie est parmi ces 54 pays. Elle est devenue aujourd'hui un pays à capacités de financement, avec des réserves de change estimées à 143,102 milliards de dollars à fin 2008. Pour rappel aussi, l'Algérie est un pays membre au FMI avec 1254,7 millions de DTS (représentant 0,58% d'un total équivalent à 317 milliards de dollars) et 12 797 droits de vote (représentant 0,58% du total). Avant de porter un jugement sur l'opportunité pour l'Algérie de souscrire à cette émission d'obligation du FMI, une revue des caractéristiques de l'émission semble s'imposer. Les obligations sont émises par l'institution au pair, c'est-à-dire à 100% de leur valeur nominale et portent sur une échéance maximale de 5 ans, avec des échéances intérimaires de 3 mois que le FMI peut prolonger. Elles sont libellées en monnaie de compte du FMI, à savoir les DTS (droits de tirage spéciaux). Ces titres portent un intérêt payé trimestriellement en DTS. Cet intérêt est calculé en se basant sur le taux d'intérêt moyen du DTS pendant le trimestre précédent. Enfin, ces obligations sont transférables au secteur officiel, c'est-à-dire tous les Etats membres du FMI ainsi que leurs organes financiers officiels. Saisir une opportunité d'investissement repose, qu'on soit dans le secteur privé ou dans le secteur public, sur trois facteurs qui sont le rendement, la sécurité et la liquidité. Pour les spécialistes de la gestion financière, de l'étude du couple rendement-risque liée au titre obligataire du FM, il ressort que le rendement des ces obligations (coupons trimestriels) est indexé à un taux à court terme (3 mois) moyen pondéré des principales devises constituant les DTS (Etats-Unis, Europe, Grands-Bretagne et Japon) estimé aujourd'hui à 0,25% annuel. Il est nettement supérieur au rendement des bons du Trésor américain sur la même échéance de 3 mois (0,07%) avec une qualité de signature équivalente (AAA). Le taux d'intérêt proposé par le FMI semble un bon compromis pour l'Algérie compte tenu de son degré d'aversion au risque. Dans ce cas pourquoi ne pas y souscrire ? Quels sont les gains que peut en tirer le pays ? Quant aux autres paramètres liés à la capacité de l'emprunteur à honorer ses engagements et à la liquidité de l'investissement, on peut dire que la signature du FMI dépend de la signature de ses 185 pays membres, il est donc quasiment insensé d'affirmer aujourd'hui qu'un engagement du FMI ne puisse être tenu. Quant à la liquidité des obligations émises par le FMI, les souscripteurs des obligations peuvent obtenir un remboursement anticipé d'une partie ou de la totalité de l'encours de leurs obligations, soit immédiatement (obligations de la série A) soit dans les 12 mois qui suivent (obligations de la série B), s'ils ont un besoin de financement de la balance des paiements. Cette disposition s'applique aussi aux pays membres qui acquièrent des obligations par transfert, s'ils étaient inclus dans le programme de transactions financières du FMI au moment du transfert. Un marché du DTS existe et a jusqu'à maintenant fonctionné sans le moindre écueil. Par ailleurs, le FMI a prévu un mécanisme, dénommé « mécanisme de désignation », qui permet d'assurer la liquidité du marché si la capacité des accords d'échange volontaires venait à être insuffisante. Considérant la qualité de l'émetteur ainsi que les caractéristiques du titre émis par le FMI, on pourrait conclure, sous réserves, que le risque et la rentabilité des obligations répondent aux exigences d'investissement de l'Algérie, à une bonne opportunité de placement pour l'Algérie. Mais la vraie question à se poser est : est-elle la seule opportunité d'investissement qui se présente aujourd'hui à l'Algérie, mais aussi est-elle la meilleure ? Enfin, il est opportun de distinguer les deux acteurs principaux à qui la décision d'investissement incombe ; l'Etat et la Banque centrale. L'Etat, s'étant engagé sur un vaste programme d'investissement sur les prochaines années, devrait suivre attentivement l'évolution de ses ressources en termes de recettes pétrolières avec la chute des prix du brut, fonds de régulation des recettes et réserves de change. La Banque centrale, étant le gestionnaire des réserves de change, dispose d'une politique de gestion de portefeuille de ses réserves qui définit ses risques et ses rendements sur un portefeuille donné. La politique de gestion des réserves de change de la Banque centrale est très conservatrice et il nous semble qu'un titre obligataire du FMI pourrait intégrer les actifs de prédilection à cette dernière. Par ailleurs, en participant à l'opération, l'Algérie deviendra pour la première fois un pays prêteur au FMI après avoir été un Etat emprunteur dans les années 1990. Le notionnel des obligations FMI étant libellé en DTS et non pas en dollars américains, ces obligations permettront à l'Algérie d'obtenir une diversification de la monnaie de placement de ses réserves de change. Le placement en DTS offrira aux pays souscripteurs la possibilité de contribuer autrement que les contributions ordinaires et résoudra le problème de redistribution des droits de vote, sujet de discorde en ce moment entre certains pays membres. L'Algérie ne risque-t-elle pas de se retrouver dans le même engrenage que celui créé par les bons du Trésor américain ? L'émission des bons du Trésor américain est une opération récurrente, qui ne vas pas s'arrêter même après la crise, alors que l'émission du FMI est une opération exceptionnelle, je crois la première dans l'histoire du FMI. Elle concerne la communauté internationale entière. On ne peut donc dresser de parallèle avec les bons du Trésor. L'Inde et le Brésil ont déjà annoncé leur intention d'acheter des obligations du FMI pour 10 milliards chacun. La Chine en a acheté pour 50 milliards de dollars, ce qui laisse penser que ces obligations sont des valeurs sûres. Est-ce vraiment le cas ? En effet, aujourd'hui, tout pays essaye de trouver la bonne combinaison de placements qui lui permettra de sauvegarder la valeur de ses réserves de change. Les dernières adjudications réalisées par le Trésor américain ont sérieusement conforté cette tendance. En effet, les adjudications se sont conclues à des taux de rendement dérisoires, avoisinant le zéro. Il y a ici un fort signal des investisseurs à vouloir sauvegarder la valeur de leur capital. L'Inde, le Brésil et la Chine ont exprimé leurs intentions de souscrire à des degrés différenciés aux obligations émises par le FMI. Cependant, on ne peut extrapoler la décision de souscription de ces pays à l'Algérie ; les tenants et les aboutissants de cette décision divergent d'un pays à un autre et les situations financières ainsi que la constitution du tissu économique de ces pays diffèrent sensiblement de celui de l'Algérie. Prenons le cas de l'Inde et de la Chine. Cette manière d'agir représente une velléité de sauvegarder les économies des pays faibles qui, par essence, recourent à la production et aux services chinois et indous ; c'est donc une sorte de financement accordé par la Chine et l'Inde à ces pays.