Introduction Déjà vingt-deux ans depuis la promulgation de la législation de travail de 1990, conçue pour mettre en exergue la nouvelle philosophie et conception des règles devant régir le monde du travail. Pour ce faire, elle a réhabilité les contrats de travail, octroyé de larges pouvoirs réglementaires à l'employeur, d'où le rétablissement du pouvoir managérial du fait de la soumission de l'entreprise au droit privé conformément aux règles du code de commerce ; et soumet la quasi-totalité des conditions de travail et d'emploi à la négociation, à l'exception du salaire minimum garanti (SNMG) qui reste une prérogative du gouvernement. En outre, pour les tâches supérieures, elle a mis en œuvre un décret régissant le régime spécifique des cadres dirigeants, que nous allons traiter tenant compte d'une certaine expérience et cela en abordant les principes généraux et les points à améliorer ; avant cela, nous aborderons l'évolution de la législation algérienne de travail. I. Evolution de la législation du travail En droite ligne de l'évolution de l'entreprise publique avec ses différentes étapes : – étape 1 (1962-1971) : recherche d'un modèle (EPA, EPIC, société nationale) ; – étape 2 (1971-1988) : mise en œuvre du nouveau modèle en la forme de l'entreprise socialiste ; – étape 3 (de 1988 à nos jours) : période de passage de l'entreprise socialiste à l' EPE et sa soumission aux règles du droit privé.
La législation du travail a connu des étapes qui se résument comme suit : • La période post-indépendance a vu principalement la mise en place de la loi n°62-57 du 31 décembre 1962 qui a reconduit la législation antérieure (française). Ensuite, l'élaboration de la législation sociale, avec les spécificités propres aux différentes étapes de développement national s'est effectuée progressivement. La législation algérienne s'est intéressée en premier lieu et avec prudence au secteur privé. En ce qui concerne le secteur public, chaque entreprise concevait son propre statut particulier ou sa convention d'entreprise. • Au début des années 70, l'œuvre législative proprement dite qui touche à l'ensemble des activités professionnelles a commencé avec l'ordonnance n° 71-74 du 16 novembre 1971 relative à la gestion socialiste des entreprises (GSE). Par la suite, un arsenal juridique composé de lois, d'ordonnances et de décrets a été élaboré. Il est à souligner que l'ordonnance n° 73-29 du 5 juillet 1973 a abrogé la loi n° 62-57 du 31 décembre 1962 (mise en place au début de l'indépendance). • A la fin des années 70, le statut général du travailleur (SGT) demeure sans aucun doute le texte juridique le plus important concernant le monde du travail. En effet, la loi n° 78-12 du 05 août 1978 relative au SGT passe en revue presque tous les aspects de la vie professionnelle. Ce texte juridique, qui a été dans les détails en matière de droit et obligation des travailleurs, innove dans le domaine du salaire et la définition de ses différents éléments. En ce sens, il met fin à la pratique antérieure qui consistait à donner aux organismes employeurs la prérogative de fixer le salaire. Désormais, la fixation de la rémunération entre dans les attributions du gouvernement. Son champ d'application s'applique au secteur public et au secteur privé, d'où une tendance à une uniformisation de l'ensemble des activités professionnelles. La relation de travail est en règle générale à durée indéterminée, sauf pour trois cas distincts – besoin de main-d'œuvre, remplacement et travail saisonnier – la durée du travail temporaire va de trois à six mois au maximum, dans tous les cas il est préconisé la sécurité et la stabilité de l'emploi. • Les années 80 ont vu un bouleversement dans l'économie mondiale, en conséquence… le changement de la législation et la réglementation du travail en Algérie est devenu un impératif. • Le début des années 90 a vu la mise en place d'une nouvelle législation de travail, la loi n°90.11 du 21 avril 1990 qui, il faut le dire et bien le souligner, a abrogé l'ensemble de la réglementation qui avait cours mais aussi et surtout elle a mis en exergue la nouvelle philosophie et conception des règles devant régir le monde du travail. Un document a été conçu et mis en place «droit du travail» regroupant l'ensemble des textes législatifs et réglementaires. Cette nouvelle loi a pour fondement : • La contractualisation libre des relations de travail ; • la liberté d'initiative laissée aux gestionnaires ; • le principe de négociation ; • une meilleure approche de la réalité des activités professionnelles ; • la flexibilité de l'emploi. II. L'assise législative et réglementaire liée au régime spécifique des relations de travail concernant les cadres dirigeants Tenant compte de ces fondements qui apportent une rupture radicale avec les principes antérieurs régissant le monde du travail, nous allons nous intéresser à un contrat spécifique lié aux cadres dirigeants. Un décret exécutif N° 90-290 du 29 septembre 1990, conformément à l'article 4 de la loi n°90 -11 du 21 avril 1990 relative aux relations de travail, est venu asseoir une assise législative et réglementaire liée au régime spécifique des relations de travail concernant les cadres dirigeants que nous abordons en traitant les points ci-dessous : II.1 Principes de base de la relation de travail liée au régime spécifique des dirigeants d'Entreprises Délégation de pouvoir Trois organes de «pouvoir et d'administration» existent permettant la mise en œuvre d'une délégation de pouvoir qui est un acte légal, ayant un fondement juridique, constaté par écrit, déterminant des domaines d'intervention, des périodes ou échéances, des conséquences et des sanctions (positive ou négative) : -1. première délégation de pouvoir : l'assemblée générale confie un pouvoir d'administration de l'entreprise à un conseil d'administration (CA) qui, -2. deuxième délégation de pouvoir : le CA confie la gestion de la société à un Directeur général qui, -3. troisième délégation de pouvoir : le directeur général confie certaines de ses prérogatives à des cadres assistants de direction. Cette chaîne constituant la délégation de pouvoir va exiger la matérialisation d'un principe fondamental qui est : la négociation. Elément pivot dans la nouvelle approche de la relation de travail, la négociation est un moment privilégié dans ce lien contractuel, qui va porter sur les points essentiels : – les objectifs à atteindre dans le cadre d'une action d'ensemble ; – les obligations mutuelles, les pouvoirs et, – la rémunération. La négociation va faire appel aux : contractants Selon le décret 90-290 , les partenaires au contrat sont : – le contrat du gestionnaire principal (Directeur général) : c'est le conseil d'administration qui est le cocontractant, qui va lui définir et lui fixer les pouvoirs (font l'objet d'une publication légale) et pour que le contrat entre en vigueur, il doit être agréé par l'assemblée générale des actionnaires et après consultation du commissaire aux comptes. – Le contrat qui lie le cadre de direction au Directeur général : l'article 5 du décret autorise le Directeur général à procéder à un recrutement de cadres pour l'assister. Les cadres et les fonctions concernés par la contractualisation sont désignés et font l'objet d'une liste établie d'un commun accord entre l'organe d'administration (CA) et l'organe de gestion (DG), ensuite la négociation (sur les objectifs à atteindre et la rémunération) va s'établir entre les cadres de direction et le directeur général et non pas avec le conseil d'administration. Base essentielle de la relation contractuelle On retiendra de l'article 4 de la loi n 90.11 et de l'article n° 1 du décret exécutif n 90-290 que : en règle générale, les dispositions de la législation et de la réglementation du travail et en particulier ceux de la loi n°90-11 s'appliqueront dans leur ensemble à la relation de travail de cadre dirigeant, sauf dispositions différentes portées par ce décret exécutif. En conséquence, toute élaboration des clauses des contrats de des dirigeants d'entreprises devra prendre en considération à la fois le droit commun de travail et le régime spécifique qui s'applique à leurs relations de travail ; ceci est conforté par l'article n° 6 du décret exécutif selon lequel le dirigeant d'entreprise «a les mêmes droits et les mêmes obligations que ceux reconnus aux travailleurs salariés par la législation en vigueur, sauf dispositions particulières liées au régime spécifique de sa relation de travail». En outre, l'article 63 de la loi 90-11 cite le principe d'une modification du contrat négocié entre les parties… Selon le Code civil : dans son article 54 «le contrat est une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s'obligent envers une ou plusieurs autres à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose» et dans son article 55 «le contrat est synallagmatique ou bilatéral lorsque les contractants s'obligent réciproquement les uns envers les autres». Dans son article 57, «Il est commutatif lorsque chacune des parties s'engage à donner ou à faire une chose qui est regardée comme l'équivalent de ce qu'on lui donne ou de ce qu'on fait pour elle». Selon le décret 90-290, les cadres dirigeants ne sont pas assujettis au règlement intérieur et à la convention collective. De plus, la validité du contrat de droit commun est subordonnée à trois conditions : • Consentement des parties (L.90-11 – A9) , le contrat de travail est établi selon les formes qu'ils convient aux parties contractantes d'adopter ; • Capacités des parties (L.90-11 – A15), âge requis ; • Clauses licites (L.90.11- A17), principe de non-discrimination. En outre, le contrat de dirigeant doit nécessairement être basé sur deux principes, l'emploi proposé pour le statut de cadre dirigeant par le gestionnaire principal doit être approuvé par le conseil d'administration et l'appellation « cadre dirigeant» doit prévaloir au niveau du contrat. Obligations mutuelles Le décret 90-290 cite «les obligations de résultats» (article 8 al 6), à cette notion d'obligation de résultat on appose la notion d'obligation de moyens, consistant pour la personne qui est soumise à mettre en œuvre l'ensemble des moyens pour atteindre les objectifs assignés (en cas de non-atteinte des objectifs faute de moyens, la personne incriminée ne subira aucun dommage ni sanction). L'obligation de résultat concerne aussi les cadres de direction (voir article 10 du décret 90-290). II.2 Pistes d'amélioration de la relation de travail liée au régime spécifique des dirigeants d'entreprises Le choix des cadres dirigeants est primordial, il doit s'appuyer sur des fondements connus de tous, la compétence et l'intégrité doivent prévaloir. Le désengagement mutuel ou unilatéral (rupture du contrat) Le décret 90-290 consacre 6 articles (article 10 à l'article 15) à la rupture de la relation de travail par l'une ou l'autre partie et qui survient «suite aux manquements des termes de contrat par l'une des parties, notamment ceux relatifs aux objectifs et obligations de résultats». Il est aussi spécifié dans l'article 14, à une réparation civile lors d'une rupture abusive par l'une ou l'autre partie du contrat. Dans la pratique, il existe un problème concernant la fonction de Directeur général, puisqu'il lui est fait application du droit commercial (voir code commerce, mandat spécifié par Ord 75-59 art 639) et du droit de travail (art 2 du décret 90-290), et généralement c'est le mandat qui prime mais la législation du travail, dans son essence est venu pour la protection du travailleur, d'où l'existence de difficultés à mettre en œuvre la situation de rupture concernant «le gestionnaire principal». Une autre difficulté est posée par le contrat des cadres dirigeants des cadres de direction assistant du directeur général, pour ceux possédant un contrat de travail de droit commun, ils bénéficient toujours de certaines clauses du contrat initial de droit commun, entre autres la réintégration systématique à la convention collective en cas de rupture du contrat de dirigeant pour non-atteinte des objectifs (C.S., dossier n° 334042 arrêt du 07 juillet 2006, R.C.S., P 279), la nécessité pour eux aussi d'atteindre des objectifs dans des échéances rationnelles (des contrats de travail de dirigeants de deux mois, de quatre mois et six mois ne doivent pas exister). La rédaction du contrat de cadre dirigeant C'est une opération délicate qui demande l'apport de spécialistes en droit social et qui exige un principe fondamental matérialisé par un équilibre à dégager, créant une situation où personne ne sera lésé. L'audit des contrats de cadres dirigeants : les pouvoirs publics, propriétaires des entreprises économiques, doivent procéder régulièrement à des audits de ces contrats de cadres dirigeants pour éliminer tout non-respect de la réglementation régissant ce régime spécifique. CONCLUSION La mise en place du nouveau gouvernement piloté par M. Sellal est une occasion idoine pour se pencher sérieusement sur la situation des cadres dirigeants ; un sérieux changement dans le secteur industriel permettant une amélioration durable passe en priorité par la maîtrise de la gestion des ressources humaines et mettre au cœur du management du secteur public l'être humain, les cadres dirigeants sont avant tout des potentiels humains à préserver. N.- E. L. et F. A.