Apparemment, aux yeux du réseau euro-africain Migreurop qui milite pour la défense des droits des migrants et des demandeurs d'asile dans le monde, les harraga algériens sont des migrants d'une autre espèce. Et pour cause, dans son premier rapport annuel 2009 sur les violations des droits humains aux frontières, pas un seul passage n'a été accordé à nos harraga, ni aux atteintes à leurs droits ni à la maltraitance dont ils sont souvent l'objet dans les centres de rétention administrative, ceux d'Italie en particulier. Dans ce volumineux document rendu public mercredi dernier, ce réseau, à la lecture de ses propos, a choisi de retenir quatre pôles emblématiques des méfaits de la politique menée par l'Union européenne en matière d'immigration et d'asile, à savoir déportations illégales à la frontière gréco-turque ; Oujda : zone-tampon entre Maroc et Algérie, sas vers l'Europe ; Calais et le nord de la France : zone d'errance, porte de l'Angleterre ; Lampedusa, île sentinelle de l'Europe. En revanche, tout en s'appuyant sur des déclarations d'un membre d'une association marocaine basée à Oujda – ville marocaine située à une quinzaine de kilomètres de la frontière algérienne – Migreurop pointe du doigt les autorités algériennes : « C'est du ping-pong permanent entre le Maroc et l'Algérie. » « Presque toute interpellation conduit la police ou la gendarmerie à ce genre d'opérations sur lesquelles les Algériens ferment les yeux. Les étrangers sont abandonnés dans la nature côté algérien. S'ils manifestent des velléités immédiates de retour au Maroc, quelques coups de feu sont tirés en l'air pour les en dissuader. À l'inverse, parfois, ce sont les militaires algériens qui tirent pour les repousser au Maroc au plus vite. De toute façon, les déportés y reviennent puisque c'est de là qu'ils cherchent à partir pour l'Europe », est-il écrit dans le rapport. Considérées comme stériles sur le plan de la répression de l'immigration irrégulière, écrit Migreurop, les expulsions des migrants, surtout subsahariens, sont par contre providentielles pour les pillards de tous bords des deux pays – civils, policiers ou militaires dépouillent les malheureux migrants des deux côtés de la frontière. Aussi, dans ledit rapport, le réseau euro-africain s'est limité à rapporter les propos de l'universitaire algérien Ali Bensaâd, qui a affirmé que « les migrations irrégulières concernent plus les Maghrébins, Algériens compris, que les Subsahariens, alors que la focalisation est faite sur ces derniers et que le discours officiel maghrébin y a trouvé un moyen d'occulter le drame culpabilisateur de ses propres migrants en le ''transférant'' sur le ''bouc émissaire'' subsaharien. La répression de ce "bouc émissaire" par les Etats du Maghreb vise à leur assurer une rente géographique de protection de l'Europe pour en tirer des dividendes politiques : à la Libye, la réintégration dans le jeu international et à l'Algérie et surtout au Maroc, des avantages économiques et financiers ». Néanmoins, Migreurop qui, faut-il le reconnaître, a toujours dénoncé les actes d'atteinte aux droits des migrants algériens, a omis de reproduire dans son rapport la position connue de cet universitaire à l'égard de la problématique des harraga algériens, qu'il considère otages des politiques aussi bien dans leur propre pays que dans les pays d'accueil.