Il est à peine sept heures du matin. Un premier groupe d'enfants du petit village de Aïn Fodda (commune de Bir Edheb), transportant des jerricans, commence à se constituer autour de la fontaine publique. Avant de regagner l'école, ils approvisionnent leurs foyers en eau potable. Une tâche pénible, à laquelle ils sont pourtant habitués. La pénurie du liquide précieux dure depuis si longtemps ! C'est le calvaire qu'endurent les habitants de cette petite bourgade de 2000 âmes traversée par la RN 10, située à une dizaine de kilomètres du chef-lieu de commune. Si dans certaines maisons l'eau coule du robinet au moins une fois par mois, la plupart des autres ne sont même pas raccordées au réseau AEP. Mais ce n'est pas le seul problème. Ici, c'est l'asphyxie, la misère et la désolation ! L'oisiveté induite par le chômage est le lot quotidien des jeunes de cette région oubliée. Beaucoup d'entre eux passent leur temps à jouer aux cartes dans le seul petit café du village. D'autres, pour oublier leurs soucis, sombrent dans les «paradis artificiels» que leur procurent les stupéfiants. Yassine, diplômé universitaire, témoigne: «Avec mon master, j'ai frappé à toutes les portes, en vain ; je suis contraint d'aller à Tébessa pour travailler à la journée, chez les entreprises privées.» Le village, datant de l'époque coloniale, accuse d'énormes retards en matière de développement, d'infrastructures culturelles et sportives ; il est dépourvu de tout aménagement urbain : pas de trottoirs, de voirie…, à la moindre averse les ruelles, en piteux état, se transforment en bourbier impraticable. Le manque aberrant de boutiques et autres structures commerciales pousse les habitants à se déplacer vers les communes limitrophes pour faire leurs emplettes : un autre problème de taille qui ne fait qu'aggraver la situation de cette petite localité. «Il n'y a ni commerce, ni marché; pour acheter un petit bouquet de persil, ou même un briquet, on est obligés de se rendre à Hammamet, à 10 km. C'est lamentable ! » s'indigne un riverain. Pis encore, il n'y a pas de centre médical, même pas une petite salle de soins, et encore moins une officine. Pour un simple bobo, les malheureux habitants se déplacent à Tébessa-ville, et parfois même à Meskiana, dans la wilaya d'Oum El Bouaghi. L'hiver et ses pénuries de gaz butane «Raccorder ce patelin au gaz de ville est un rêve impossible à atteindre pour nous», dit un vieillard. «Nous craignons que les fortes intempéries de l'année précédente se renouvellent cette année; nous avons failli mourir sous des masses de neige. Le froid était impitoyable à cause de la pénurie de gaz butane. Nous avons été contraints de nous rabattre sur le bois», a-t-il rappelé. En cette période où il fait encore très chaud, le gaz butane est disponible, mais pas pour longtemps, si l'on se réfère aux hivers précédents. Les gens évoquent leurs difficultés à se procurer ce précieux produit, indispensable dans cette région particulièrement rude. «Les spéculateurs auront ainsi toujours l'occasion d'imposer leur diktat en vendant 6 000 DA la bonbonne de gaz », dénonce-t-on.Comme si toutes ces misères ne leur suffisaient pas, les 2000 habitants ont du mal à trouver du transport pour se déplacer. Un seul minibus de 25 places dessert cette bourgade vers la ville de Tébessa. La plupart d'entre eux sont obligés de faire de l'autostop pour se rendre aux communes limitrophes ou à leur travail. Certains recourent aux taxis clandestins, mais ils doivent dans ce cas débourser 500 DA. Cette situation dramatique a atteint son paroxysme l'année dernière quand une lycéenne a fait une chute mortelle en tentant de se frayer, dans la bousculade, une petite place à bord d'un bus de ramassage scolaire. Tous ces malheurs ne sont-ils pas assez édifiants pour que les autorités locales fassent quelque chose d'urgent pour les gens de Aïn Fodda ? Pour sa part, le P/APC de Bir Dheb, N. Gharbi, que nous avons contacté, a précisé que «le projet du raccordement au gaz de Aïn Fodda est déjà inscrit» et que «l'on n'attend plus que l'aval pour l'étude». Concernant la pénurie d'eau potable, notre interlocuteur dira que la bourgade est alimentée à partir d'un puits situé à Aïn Sid, mais dont le débit est en diminution. La mairie est, selon lui, à pied d'œuvre pour alimenter ce village à partir d'autres forages. Quant au problème du transport, il nous dira qu'il n'est pas dans ses prérogatives, mais de celles des services du transport.