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Le fondement des lois de finances 2O11-2013 en Algérie : logique économique ou rentière ?

Je rappelle qu'une loi de finances n'est qu'un document comptable statique. Or, faute d'objectifs précis, nous assistons en Algérie périodiquement à des lois de finances complémentaires, traduisant le manque de vision stratégique.
Le fondement des lois de finances 2011-2013
Les lois de finances 2011-2013 rentrent dans le cadre de la dépense publique qui a été programmée pour 200 milliards de dollars entre 2004-2009 (aucun bilan si le montant a été intégralement dépensé, un rapport de la banque mondiale remis au gouvernement algérien montrant des surcoûts entre 20 à 40%, notamment pour bon nombre de projets au niveau des infrastructures) et 286 milliards de dollars pour le programme 2010-2013, dont 130 milliards de dollars de restes à réaliser de projets non terminés durant la période précédente. Pour 2011, en référence à la loi de finances, le déficit budgétaire a été de 4.693 milliards DA (environ 63 milliards de dollars au cours de l'époque) soit 33,9% du PIB.
Pour la loi de finances 2012, les dépenses ont été de 7500 milliards de dinars, alors que les recettes avaient atteint 3456 milliards de dinars, soit un déficit de 4000 milliards de dinars. Sur la base d'un taux de change de 75 DA le dollar, il en a résulté un déficit de 54 milliards de dollars, environ 25% du produit intérieur brut, ramené à 28% dans la loi de finances complémentaire 2012. Pour la loi de finances 2013, le texte prévoit un recul de 10% des recettes budgétaires et une baisse de 11% des dépenses par rapport à 2012, soit un déficit budgétaire avoisinant les 19% du PIB. Il prévoit des recettes budgétaires de l'ordre de 3.820 milliards de DA (MDA), dont 2.204 MDA en ressources ordinaires et 1.615 MDA au titre de la fiscalité pétrolière. Le projet de budget pour 2013 comme les précédents est basé sur un baril du pétrole à 37 dollars pour le prix référentiel et à 90 dollars pour le prix du marché, un taux de change de 76 DA pour 1 dollar (74 DA en 2012). Il prévoit une croissance de 5% (4,7% en 2012) et de 5,3% hors hydrocarbures, un taux d'inflation à 4% comme en 2012, des exportations d'hydrocarbures à 61,3 milliards (mds) de dollars et des importations à 46 mds de dollars.
Mais cela n'inclut pas les services (surtout les bureaux d'études concernant le BTPH et les hydrocarbures-électricité) au niveau de la balance des paiements qui clôtureront à environ 12 milliards de dollars fin 2012. Cela donnerait une sortie de devises, si l'on maintient le même rythme en 2013 à 58 milliards de dollars, traduisant un paradoxe : sortie des cerveaux algériens – appel aux compétences étrangères. Le montant du fonds de régulation des recettes géré par le Trésor, différence entre le prix réel des hydrocarbures et le prix fixé par la loi de finances (37 dollars) à ne pas confondre avec les fonds souverains qui sont des fonds d'investissement (le gouvernement algérien ayant écarté le recours à cette procédure), est passé de 4280 milliards de DA, à fin décembre 2008, à 4316 milliards de dinars à fin décembre 2009 et a atteint 5500 milliards de dinars, le premier trimestre 2012, soit près de 75 milliards de dollars selon le directeur général de la prévision et des politiques au ministère des Finances.
Autre point inscrit dans la loi de finances 2013, la création de 52 672 postes dans la fonction publique, portant son effectif à près de 2 millions d'employés, posant la problématique de l'efficacité de l'administration, dominée par la bureaucratisation sclérosante au détriment des segments qui produisent de la richesse directement (secteur économique) et indirectement (éducation et santé) et donc des normes en comparaison de pays similaires. Car, rien ne sert de diminuer le taux de chômage avec des taux artificiels en favorisant les emplois rentes.
Quelles leçons tirer ?
Au préalable, il convient de relever un désaccord entre les prévisions du gouvernement et celles du FMI, où dans son rapport sur les perspectives économiques mondiales publié à l'occasion de la tenue de son assemblée annuelle prévue du 9 au 12 octobre à Tokyo (Japon), l'Algérie réaliserait, pour l'année 2012, une croissance économique de 2,6%, un taux révisé à la baisse, puisque cette même institution, dans un rapport du mois d'avril dernier, tablait sur une croissance du PIB de 3,1%. Qu'en sera-t-il en réalité pour 2013, où le FMI table sur un taux de croissance de 3,4% en 2013, rendant impossible la création des 3 millions d'emplois productifs prévus entre 2010-2013. Sans oublier que début 2012, le gouverneur de la banque d'Algérie avait mis en garde le gouvernement du fait que la dépense publique se situe à environ 70 dollars pour le budget de fonctionnement, et 40-45 dollars pour le budget d'équipement, soit 110-115 dollars et en cas d'un cours inférieur à 80 dollars, le fonds de régulation des recettes s'épuiserait dans trois à quatre ans.
Comme il convient de signaler que ce recul du déficit budgétaire s'explique par le fait que le budget de l'équipement enregistre un net recul par rapport au budget de fonctionnement. C'est que le fondement des différentes lois de finances repose ainsi essentiellement sur la rente des hydrocarbures. L'économie algériennes est une économie totalement rentière, avec 98% d'exportations d'hydrocarbures et important plus de 70% des besoins des ménages et des entreprises. Tout est irrigué par la rente des hydrocarbures, donnant ainsi des taux de croissance, des taux de chômage et des taux d'inflation fictifs. L'on peut démontrer qu'il existe une corrélation statistique entre le cours des hydrocarbures et la valeur du dinar algérien de plus de 70%. En 2012, sans hydrocarbures, le dinar flotterait avec un cours qui dépasserait 450 dinars un euro, soit une dévaluation de 300%. Le taux d'inflation non comprimé serait supérieur à 10% en référence au taux officiel, et plus de 20% sans subventions et le taux de chômage, incluse la sphère informelle, serait supérieur à 50/60% de la population active estimée à plus de 11 millions pour 2011.
Sur le plan diplomatique, l'Algérie jouerait, sans hydrocarbures, un rôle presque nul. Ainsi, la rente des hydrocarbures contribue à l'effacement artificiel tant de la dette extérieure qu'intérieure via les assainissements répétés des entreprises publiques et des services collectifs, des bonifications des taux d'intérêts et donc directement et indirectement à 80% du produit intérieur brut via le couple dépenses publiques/hydrocarbures. La société des hydrocarbures ne crée pas de richesses ou du moins très peu, transforme un stock physique en stock monétaire (champ de l'entreprise) ou contribue à avoir des réserves de change qui, du fait de la faiblesse de capacité d'absorption sont placées à l'étranger (86% des 193 milliards de dollars au 1er septembre 2012, y compris le quota au sein du FMI (environ 3 milliards de dollars en 2012) et les récents 5 milliards de dollars prêtés au FMI).
Comme les taux de change des banques centrales sont pour le dollar entre 0-0,25%, l'euro à 0,75%, le yen un taux proche à 0,1% et celui de la livre sterling de 0,5%, le taux d'intérêt des DTS a été de 0,08% au 15 septembre 2012, avec le taux d'inflation mondial qui avoisine 3%, (bien que la majeure partie selon le ministère des finances étant placée à moyen terme à un taux fixe de 3%), cela donne un rendement très faible, voire négatif.
Urgence d'une transition vers une économie hors hydrocarbures
De plus en plus d'observateurs nationaux se demandent alors pourquoi continuer à épuiser les réserves pour aller placer cet argent à l'étranger, accélérant l'épuisement des réserves. Ou alors, pourquoi ne pas les placer en fonds d'investissement soit à l'étranger ou au niveau local ? Les réserves se calculant par rapport au vecteur prix international, évolution des coûts et de la concurrence des énergies substituables, selon les revues internationales dans moins de 15 ans, en cas de non découvertes substantielles, surtout avec les nouvelles raffineries programmées, l'Algérie sera importateur net de pétrole (cela a été le cas de l'Indonésie) ayant 1% des réserves mondiales. Concernant le gaz algérien, le département d'Etat à l'Energie US, dans un rapport de mai 2011, estime que l'Algérie détient 2,37% des réserves mondiales prouvées de gaz naturel conventionnel estimées à 4502 milliards de mètres cubes.
Selon les extrapolations de l'organisme de régulation CREG, la consommation intérieure devrait passer de 35 à 50 milliards de mètres cubes gazeux à l'horizon 2017. Mais ce calcul ayant été fait avant que ne soit décidé, suite aux coupures d'électricité en 2012, le doublement des capacités électriques privilégiant les turbines à gaz et des centrales fonctionnant au gasoil dans le Sud, allant donc vers plus de 60/70 milliards de mètres cubes gazeux en cas de non-rationalisation des coûts de l'énergie, incompressible si l'on veut un réel développement intérieur. A cela s'ajoute le volume exportable extrapolé tant à travers les canalisations que pour le GNL, 85 milliards de mètres cubes gazeux, alors qu'elle peine actuellement à atteindre 55/60 milliards de mètres cubes gazeux, donc perdant des parts de marché selon les statistiques internationales de 2011 malgré les déclarations se voulant rassurantes des responsables de l'énergie.
Avec 4500 milliards de mètres cubes gaz, la durée de vie pour un prix de cession moyen, à coûts constants, – de 10 dollars le MBTU pour les canalisations et 13/14 dollars pour le GNL, serait moins de 25 ans. Face à ce constat, les récents amendements proposés pour la loi des hydrocarbures seront-elles suffisantes pour redynamiser le secteur ? Car, pour le calcul réel des réserves du pétrole-gaz, il y a lieu de tenir compte de la forte consommation intérieure, posant la problématique des subventions certes nécessaires mais non ciblées, entraînant un découragement de la production locale et un gaspillage des ressources rares au niveau intérieur et des fuites hors des frontières. Que sera alors l'Algérie, avec une population en 2012 de 37 millions, et horizon 2030 de 50 millions sans hydrocarbures ? Il faut éviter cette illusion de dépenser sans compter conduisant à un suicide collectif, tous les segments de la société voulant leur part de rente et immédiatement.
Les réformes structurelles difficiles sont constamment différées, car déplaçant les segments de pouvoir de la rente. Ces réformes impliquent un sacrifice partagé, alors que nous assistons à une concentration excessive du revenu national au profit d'une minorité rentière. Cela pose la problématique d'un Etat de droit et d'une gouvernance renouvelée se fondant sur le savoir et l'entreprise créatrice de richesses, condition du passage d'une économie rentière à une économie hors hydrocarbures, tenant compte des importants bouleversements géostratégiques du monde, loin de toute démarche bureaucratique autoritaire et des replâtrages conjoncturels. Le statu quo actuel est intenable. Conforté par une richesse artificielle ne provenant pas du travail, la facilité du gouvernement est une distribution passive de la rente pour assurer la paix sociale, sans logiques économiques. Cette tendance est confirmée par les lois de finances 2011/2013.
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