Il est un lieu commun de dire que les non-voyants vivent dans la précarité. Cependant, leurs conditions de vie ne font que s'aggraver de jour le jour. Enfermés déjà dans un handicap qui fait de leur quotidien une suite de « ténèbres », les non-voyants subissent de plein fouet le sort indécent qui leur est réservé. « Nous sommes totalement oubliés », nous confie un non-voyant rencontré au siège de leur association, sise à la gare routière au niveau de la ville de Bouira. La déclaration est, certes, courte, mais lourde de sens. Le siège où l'association a été installée depuis janvier 2009, se trouve dans un état lamentable. Après des années d'errance à la recherche d'un bureau, l'association des non-voyants appelée « Volonté », a enfin trouvé une pièce seulement et qui sert de refuge à des dizaines, voire plus de non-voyants, où ils discutent quotidiennement de leur calvaire. Pour y accéder, ce n'est pas chose facile. L'insalubrité y est omniprésente. « Nous interpellons les pouvoirs publics afin d'améliorer nos conditions. Comme vous le voyez, nous n'avons que cette pièce pour toute l'association et même notre bureau national n'a pas de siège. Il active à partir de Bouira », souligne le président du bureau de wilaya. L'association nationale qui lutte pour la préservation des droits des non-voyants ne dispose d'aucun moyen. « Les journées du 14 mars et le 3 décembre, les responsables nous offrent des cannes comme cadeaux. Mais nous ne voulons pas de cela. On demande à être écoutés », s'indigne-t-on. Quant à la plate-forme de leurs revendications, il y a lieu de dire que les choses n'avancent pas. Le mal est profond. Il ne s'agit pas uniquement d'un seul point à revendiquer, mais tout est à revoir, d'après les responsables de l'association qui ne veulent pas lâcher prise de sitôt. Ainsi, ils soulèvent la question des nouvelles mesures qui ont été prises par le ministère de Djamel Ould Abbas concernant la carte du transport au profit des non-voyants. La fameuse carte délivrée par les services de l'Action sociale, renouvelable chaque trimestre, a été changée par un « bon de route » dont le non-voyant doit préciser l'itinéraire et les raisons du déplacement. Cette nouvelle mesure, mise en application depuis septembre dernier, a soulevé un tollé du fait que les non-voyants, premiers concernés par ce changement, n'ont pas été informés. Sur un autre registre, le président de l'association nationale a dénoncé le fait que d'autres personnes qui ne sont pas non-voyantes bénéficient d'une carte, et aussi d'une prime. « Comment se fait-il que n'importe qui peut avoir une carte de non-voyant ? On demande à ce que les autorités concernées revoient le fichier national des non-voyants, et ce afin de distinguer les vrais des faux aveugles », précise le président de l'association. Le chômage est le énième problème que vit l'ensemble des non-voyants. « Si on n'est pas considérés comme des handicapés, pourquoi n'accède-t-on pas aux postes de travail comme les autres ? A chaque fois, on nous refoule parce qu'on est handicapé », s'indigne une non-voyante. Après avoir décroché une licence en lettres arabes à l'ENS d'Alger, cette non-voyante n'a toujours pas décroché un poste de travail. « Je suis diplômée depuis 2002 et je me retrouve au chômage depuis 7 ans. Pourquoi dois-je passer un concours alors que des personnes sans aucun handicap y accèdent sans aucune épreuve ? », clame-t-elle. « Nous ne sommes jamais mis au courant quand il y a un concours. On voudrait bien que les associations des non-voyants soient informées à temps pour permettre aux concernés de participer. Nous ne pouvons pas accéder aux écoles spécialisées, la priorité est donnée aux gens normaux et ceux-là ne maîtrisent même pas le braille », regrette-t-elle. Par ailleurs, dans une lettre adressée récemment au président de la République, les non-voyants ont demandé que justice soit faite à leur égard. Augmentation de la prime à 12000 DA, le droit au logement, ainsi que l'application de la réglementation concernant leur cas. Enfin, ils regrettent que personne n'ait daigné répondre à leur cri de détresse.