Après le mouvement de protestation qui l'a ébranlée il y a quelques jours à la suite de l'affichage d'une liste des bénéficiaires de 80 logements sociaux, vivement contestée par la population locale, la commune d'Echorfa a retrouvé une certaine accalmie. Mais, si rien n'était fait d'ici peu, les conditions de vie, des plus précaires, de ses 100 000 habitants pourraient générer d'autres soulèvements. Ainsi, cette localité à vocation agricole, étalée sur une superficie de 87 km2, est considérée comme l'une des plus pauvres communes d'Algérie. Même l'agriculture, qui faisait vivre des milliers de familles, se retrouve aujourd'hui, elle aussi, fragilisée. A ce propos, un des élus d'Echorfa dira : « La quasi-totalité des habitants de notre commune vivaient de l'agriculture. Une grande partie des exploitations agricoles était spécialisée dans la filière de la tomate industrielle. Le prix de cession imposé par les usines de transformation a ruiné les agriculteurs et les a contraints à abandonner cette culture qui employait des milliers de jeunes entre permanents et saisonnier ». En effet, celle-ci compte aujourd'hui, selon la même source, plus de 3 000 chômeurs dont 2 200 pères de famille. « Devant la précarité de la vie et le chômage sans cesse grandissant, les populations de notre commune ont jeté leur dévolu sur le dispositif du filet social pour bénéficier des quelque 3 000 DA pour subvenir aux besoins de leurs familles », a ajouté notre interlocuteur. D'autres vivent du rendement des terres agricoles, dont la surface est estimée à 7 644 ha, structurés en 72 exploitations agricoles collectives (EAC). Le reste de la population active exerce dans l'apiculture, l'élevage bovin et ovin avec, respectivement 7 785 et 5 080 têtes, la production laitière étant estimée à 4 984,420 l/an contre 3 800 kg/an en terme de production apicole. Un maigre budget communal Que peut-on faire avec un budget communal qui dépasse rarement les 12 millions de DA ? S'interroge un autre élu de l'APC. A ce propos, le jeune Samir Boughanem, la trentaine, assis sur un trottoir et sirotant un verre de thé lorsque nous l'avions abordé, dénonce sur un ton empreint de colère : « Nous sommes les éternels oubliés des pouvoirs publics. La pauvreté à Echorfa a atteint un point de non-retour. La délinquance, sous toutes ses formes, s'y est solidement installée. Certains pères de famille, et surtout les jeunes s'adonnent au vol de câbles électriques et téléphoniques pour faire vivre leurs familles. Nous n'arrivons plus, ajoute-il, à tenir face à pareilles conditions de vie. Le chômage, la misère, l'oisiveté constituent notre quotidien. Autant que mes copains, je passe toute la journée à longer la route. Je n'ai même pas de quoi acheter mes cigarettes. En été, je pouvais vivoter grâce au travail saisonnier de la cueillette de la tomate pour 2 000 DA. Aujourd'hui il n'en est rien car une grande partie des exploitants a dû abandonner cette culture pour je ne sais quelle raison. Plusieurs de mes amis croupissent dans les prisons car surpris en flagrant délit de vol de câbles téléphoniques. Que voulez-vous qu'on fasse ? Où est l'Etat ? Pourquoi nous laisse-t-on livrés à ce triste sort ? Où sont les milliards de pétrodollars ? Ne sommes-nous pas des Algériens, ne pouvons-nous prétendre à une vie décente ? » Par ailleurs, en matière d'habitat, la commune a difficilement réussi à bénéficier d'un quota de 80 logements sociaux. C'est d'ailleurs la distribution contestée de ce même quota qui a été à l'origine de la révolte d'il y a quelques jours de la population. Selon des sources locales, la commune a enregistré 350 demandes de logements participatifs dont la plupart sont déjà inscrits pour pouvoir bénéficier des 380 logements ruraux en voie d'être réceptionnés. « Dans les cités Azzizi, Sellami, et Labidi nous avons réussi à satisfaire les besoins en la matière. Cependant, le problème relatif au déficit de 400 logements au niveau d'Echorfa-centre demeure à ce jour posé. Nous sollicitons l'aide de l'Etat pour débloquer les fonds nécessaires à leur réalisation », indiquent les mêmes sources. Il faut dire que la commune a hérité d'un lourd passif de mauvaise gestion du collège communal d'il y a quelques années. Un des employés de la commune dira dans ce sens : « Pendant deux ans, toutes les affaires inhérentes à la gestion de la commune était bloquées à cause de l'incarcération du premier responsable en 2005. Ce n'est qu'à partir de 2006 que les choses ont été reprises en main. De 2002 à fin 2005, l'équipe qui était à la tête de notre commune s'occupait beaucoup plus de ses affaires personnelles que celles des 10 000 habitants ». Et de reconnaître, toutefois, que « le seul point positif dans tout ce décor sinistre est le taux de raccordement en gaz et en électricité avec respectivement 80 et 90 %».