Si Boris Vian était vivant et avait participé à un battle, la fameuse joute oratoire des rappeurs où c'est à qui mieux mieux dans la surenchère verbale, il aurait battu ses comparses de par une répartie anachronique est foncièrement créative et vertigineuse. Et pour cause ! Boris était le pionnier des lyricists, et des song-writers français. Il est écrivain, auteur de l'œuvre culte J'irai cracher sur vos tombes adaptée au cinéma, poète, parolier ayant signé entre autres le texte intitulé Le Déserteur, musicien de jazz, compositeur, chroniqueur ou encore critique. Eh bien, sa mémoire, son esprit, son héritage ont été soulignés, dimanche soir au Centre culturel français d'Alger à travers une belle performance baptisée « Lecture Jazz : Boris Vian, l'écume des mots » goupillée par le quartet emmené par Carine Bonnefoy, pianiste, Adrien Lajoumand au saxophone, et les diseurs de textes Simone Hérault et Alexandre Lachaux. Ainsi, dans une ambiance feutrée, tamisée et jazzy, le quatuor a su ressusciter et revisiter cette aura et l'esprit de Saint-Germain des Près, le Café de Flore, l'insouciance, les Existentialistes, les caves, les voûtes, Miles Davis, Jean-Paul Sartre, Raymond Queneau, Juliette Gréco… Et ce, à travers une lecture musicale, un récital poétique, une prestation lyrique et autres déclamations d'une théâtralité expressive, voire éloquente de Simone Hérault et Alexandre Lachaux montrant et démontrant la créativité, les trouvailles, les tournures et autres fulgurances de Boris Vian. Et puis, sa magie ! Un jongleur, un saltimbanque des mots. Celui qui influencera, pour exemple, Serge Gainsbourg , Jacques Dutronc, Alain Bashung... Aussi, sommes-nous transportés dans l'univers linguistique et espérantiste de Boris Vian. Le monde merveilleux de la poésie libre et affranchie, des mots bleus comme les notes du blues, du jazz, des consonnes et voyelles sonnantes et trébuchantes, dissonantes et suintantes, des allitérations, de la prosodie, des images allégoriques et subliminales. C'est qu'avec Boris Vian, les mots sont bigarrés, olfactifs, oniriques, déjantés, primesautiers, cyniques et truculents. Un flot pour ne pas dire un flow (le vers dans le jardon du rap) issu de ses œuvres majeures comme des extraits de son livre L'Ecume des jours, conversation avec un adjudant, La java des bombes atomiques, J'suis snob, Si les poètes étaient moins bêtes, Un de plus ou encore Lettre à Boris de Jacques Prévert. Le tout se posant sur des titres jazz comme But not for me de George Gershwin, Loveless love de W.C Handy, J'suis Snob (thème) de Jimmy Walter, La Strada de Nino Rota, Les Feuilles mortes de Joseph Kosma, Chloé...The Song of The Swamp de G.Khan et N.Moret et arrangé pour la circonstance par Carine Bonnefoy. Cette pianiste nous confiera que « le spectacle de nouvelle formation Lecture Jazz : Boris Vian a été étrenné à Alger et qu'elle a succombé au charme poétique de Boris Vian depuis sa prime enfance ». C'est sûr, Boris Vian, était le maître de cérémonie et le maître mot oulipo !