En 2013, il n'existe pas d'autre projet dans le vide créé par l'omni-présidence et l'encerclement de l'expression démocratique. Le locataire du palais d'El Mouradia avait — poussé par les événements majeurs en région arabe en 2011 — annoncé l'amendement de la Constitution. Cela faisait partie d'un «package» présenté alors comme des «réformes politiques». Il s'agissait en fait de revoir des textes de loi (partis, associations, élections, etc.). Toutes les lois ont été revues, sauf une : celle relative à la libération du champ audiovisuel. Bientôt deux ans de retard, sans qu'une explication valable ne soit présentée à l'opinion publique. Autre retard, tout aussi manifeste, la révision de la Loi fondamentale. Et là, c'est une véritable course contre la montre qui va s'engager pour respecter ce qui parait être «un engagement» présidentiel. Après l'été 2013, la pré-campagne pour la présidentielle 2014 va commencer. Il serait difficile, voire risqué, de «placer» le débat sur la révision de la Constitution durant cette période. Période durant laquelle tous les coups seront permis. Car il s'agit aussi de faire le bilan critique de quinze ans de règne de Abdelaziz Bouteflika. En 2008, Bouteflika avait ordonné la révision de la Constitution pour un seul objectif : ouvrir les mandats présidentiels. Sans cela, il ne se serait pas représenté pour un troisième mandat en 2009. Donc l'ancien ministre des Affaires étrangères de Houari Boumediène avait tout simplement neutralisé la seule véritable évolution démocratique dans l'histoire politique contemporaine de l'Algérie, à savoir la limitation des mandats présidentiels et la consécration implicite de l'alternance au pouvoir. Aussi, la prochaine révision constitutionnelle ne sera-t-elle intéressante que si elle revient à l'interdiction légale du maintien sans limite au pouvoir. Même si le paysage politique algérien ressemble à une forêt après le passage d'un cyclone, ce débat est nécessaire, voire inévitable. La position des militaires La chute des dictatures dans les pays arabes et la lutte continue des peuples tunisien, égyptien, yéménite, irakien, libyen et syrien pour leurs libertés et pour leurs droits politiques ne peuvent pas être ignorées par les experts qui seront chargés de présenter la mouture de la nouvelle révision constitutionnelle. Les responsables militaires algériens peuvent-ils être contre le retour à la limitation des mandats présidentiels ? Des observateurs rappellent que la décision de mettre fin à la présidence à vie avait été prise par le général Liamine Zeroual lors de la révision constitutionnelle de 1996. Le général Zeroual, le seul chef d'Etat algérien à avoir démissionné de son poste depuis l'indépendance de l'Algérie, avait le soutien de ses pairs pour cette décision. Concrètement, le contenu de la prochaine révision constitutionnelle peut dépendre de la volonté du président Bouteflika de rester au pouvoir ou de prendre sa retraite. Dans le premier cas, le chef de l'Etat aura tendance à renforcer davantage ses prérogatives, même si l'actuelle Constitution lui attribue déjà de larges pouvoirs pour compenser son affaiblissement physique et gérer, un tant soit peu, l'héritage de trois mandats. Un héritage bien contestable sur tous les plans. Bouteflika, qui appartient à autre âge politique, n'a aucune volonté de doter l'Algérie d'un véritable pouvoir parlementaire, d'une justice indépendante et de mécanismes efficaces de contrôle populaire. Il n'a aucune volonté aussi de renforcer l'action démocratique, de «révolutionner» le rapport entre les pouvoirs et de casser les tabous militaro-politico-sécuritaires. Pendant plus de dix ans, il a critiqué la Constitution lui trouvant toutes les failles possibles. Fera-t-il mieux que ses prédécesseurs en proposant un projet parfait ? Rien n'est sûr lorsqu'on reste éloigné de la logique démocratique du partage, de l'échange, de la transparence et de la décentralisation. A supposer que Bouteflika abandonne l'intention qui lui est prêtée de se présenter pour un quatrième mandat, la révision de la Constitution perd de l'intérêt. Sauf que le président de la République actuel semble saisi par une forte intention de «rentrer dans l'histoire». Comment faire alors ? Proposer aux Algériens une Constitution impeccable consacrant les ouvertures, les libertés et les droits et mettant fin aux archaïsmes institutionnels, aux blocages surfaits et aux zones de non-droit. Une Constitution qui sera mieux que celle de 1989. Plus tard, on pourra toujours dire que c'est «la Constitution Bouteflika». Ce n'est là qu'une simple supposition. Bouteflika a choisi, ces dernières années, de ne rien partager avec la population algérienne, de parler peu, de se déplacer rarement à l'intérieur du pays et de prendre tout son temps dans les décisions en dépit des urgences. Une gouvernance au ralenti qui enchaîne l'Algérie et qui lui fait perdre beaucoup d'occasions de rebondir. Jusqu'à quand ? Pas de réponse pour l'instant.