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Bouteflika rétablit la limitation des mandats dans une révision en forme de flash-back : Timides retours vers les Constitutions de Zeroual et de Chadli
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 17 - 05 - 2014

Le projet de révision de la Constitution publié hier sur le site El-Mouradia.dz amorce un retour «en arrière» vers la limitation des mandats présidentiels.
Ce n'est pas la seule «nouveauté» prévue mais elle risque d'être perçue comme l'élément le plus marquant du projet de révision de la Constitution pour lequel les discussions vont être engagées sous la houlette d'Ahmed Ouyahia, ministre d'Etat, chef de cabinet du président. C'est un «progrès» décidé sous la présidence de Liamine Zeroual, supprimée en 2008 pour permettre à Abdelaziz Bouteflika de rempiler pour un troisième mandat, qui est rétabli au début d'un quatrième mandat. L'ancien président Liamine Zeroual, dans une lettre publiée avant l'élection présidentielle du 17 avril dernier avait vivement critiqué cette suppression de la limitation des mandats qui, selon lui, «a profondément altéré » la marche de l'Algérie sur « le chemin de la démocratie ». Zeroual y voyait un instrument permettant «l'alternance au pouvoir», de «consolider la solidarité intergénérationnelle et de conforter la cohésion nationale ».
LE RETOUR AU VERROU DE L'ARTICLE 74
L'article 74, ce verrou cassé en 2008, est ainsi rétabli et dispose que la durée du mandat présidentiel est de 5 ans et que «le président de la République est rééligible une seule fois». Dans ce retour vers Zeroual ou vers 1996, le projet apporte un petit ajout dans le préambule en soulignant que la Constitution «consacre l'alternance démocratique». En principe, cette alternance démocratique était déjà «consacrée», la volonté de la mettre par écrit semble relever de la forme pour répondre à ceux, nombreux, qui estiment qu'elle est totalement dans la pratique du pouvoir. La révision de la Constitution amorce également un demi-retour vers Chadli Bendjedid au sujet du rôle du Premier ministre. Chadli Bendjedid avait en effet fortement délégué ses pouvoirs au Chef du gouvernement. La chose avait été même accentuée avec la Constitution du 23 février 1989 où le Chef du gouvernement était responsable devant l'Assemblée nationale. Cela pouvait aller jusqu'à une possibilité d'une «cohabitation» entre un Chef de gouvernement issu d'une majorité parlementaire opposée au président. On est loin de ce retour qui fait de l'Assemblée nationale un vrai lieu du jeu politique, le projet de révision indique que le «Premier ministre peut recevoir du président de la République, dans les limites fixées par la Constitution, une délégation du pouvoir réglementaire».
LISSER LE FONCTIONNEMENT DE L'EXECUTIF ET NON LE REFORMER
Le Premier ministre peut ainsi disposer de la possibilité de signer les «décrets exécutifs par délégation du président de la République». L'amendement parait moins obéir à une volonté de changer la configuration du pouvoir, fortement centralisée par Bouteflika, qu'à permettre de lisser le fonctionnement de l'exécutif afin de tenir compte de la capacité amoindrie du président au travail. Même si c'est officiellement l'objectif, le Parlement ne sort pas vraiment renforcé par la révision projetée. Tant que le Premier ministre n'est pas l'émanation d'une force politique majoritaire mais commis par le président, on ne change pas de configuration. L'introduction d'un article 99 bis qui dispose que l'APN «consacre une séance par session au contrôle de l'action du Gouvernement en présence obligatoire du Premier ministre» reste vague, son application restant tributaire d'une future loi organique. Le projet semble vouloir donner du «poids» à l'opposition en imposant dans l'art 99 que «chaque chambre du Parlement consacre une séance mensuelle pour débattre de l'ordre du jour présenté par un groupe parlementaire de l'opposition».
FIN DE VAGABONDAGE DES DEPUTES
Le projet de révision satisfait une revendication de certains partis, notamment le PT de Louisa Hanoune, qui veulent mettre fin au phénomène de défection ou de vagabondage des députés. Un article 100 bis prévoit de déchoir de son mandat l'élu à l'APN ou au Conseil de la Nation «affilié à un parti politique, qui aura, durant son mandat, changé l'appartenance sous l'égide de laquelle il a été élu par les citoyens». L'autre nouveauté porte sur la constitutionnalisation de la lutte anticorruption. Le projet de révision dispose notamment que « tout bien, de quelque nature qu'il soit, acquis par suite de corruption est confisqué conformément à la loi». Il n'est pas évident que l'insertion de la thématique de la corruption dans la Constitution change quelque chose au problème. Les lois actuelles répriment lourdement le fait de corruption, c'est leur application qui pose problème. Cela renvoie à la question de l'indépendance de la justice, de la compétence des enquêteurs et surtout de la transparence des activités du gouvernement. On peut, au mieux, y voir une volonté de répondre à l'indignation provoquée par la succession de scandales, de l'autoroute Est-Ouest à la Sonatrach qui ont touché les proches du président. Mais sur le fond, le vrai problème est l'absence de confiance des Algériens sur l'engagement des responsables à respecter la Constitution et à s'astreindre à ses dispositions.


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