Ils étaient douze auteurs algériens présents à cette 40e édition du festival d'Angoulême. Ryad Assari, alias Red One, né en 1952 à Alger, fait ici figure de doyen, représentant la génération des pionniers, celle de l'épopée du journal M'Quidech et des premiers festivals de Bordj El Kiffan. Son trait fin et précis a fait sensation ici et son album, L'Enigme du mystérieux dessinateur oublié (Dalimen, 2010), cosigné avec Omar Zelig, s'est littéralement arraché, de même que sa dernière BD, La Planète du Chomorkoul. Toujours aussi affable et gentleman, il n'a pas bougé de son siège, se livrant avec attention au rite des dédicaces dessinées. L'inénarrable Gyps a, lui aussi, attiré les visiteurs. Ses albums, Fis end love (1996) et Algé-Rien (1998), qu'il avait eu le courage de publier à compte d'auteur en s'endettant lors de son installation en France, n'ont pas pris une ride et ont fait aussi l'unanimité. Aussi à l'aise dans le dessin que l'interprétation, il prépare actuellement un one-man-show qui sera représenté à la mi-mars à Paris. Lounis Dahmani, né à Rouen en 1970, avait forgé sa réputation en Algérie en collaborant à divers journaux dans les années 1990, dont El Manchar, le fameux journal satirique. Rentré en France, la mort dans l'âme, il y a publié Ciel mon maquis !, L'humour au temps du terrorisme et La Coupe du monde en BD. Ses albums ont eu le même succès que ceux de Gyps par leur témoignage sur la plus sombre période de l'Algérie. Ceci, sans négliger leurs qualités humoristiques et créatives. Parmi ses aînés, Djillali Beskri, producteur de Dynamic Art Vision, est présent aussi à travers ses deux films projetés en boucle : l'un consacré à Slim, et l'autre au FIBDA depuis sa création à ce jour. Du fait de sa solide formation universitaire, il produit et réalise des documentaires scientifiques. Homme d'art, il est l'auteur de BD et de films d'animation. L'an dernier, il a reçu l'une des plus hautes distinctions mondiales, à savoir le Pharaon Blanc, décerné par l'Association internationale du film d'animation qui regroupe les plus grands studios du genre. Les nouveaux auteurs constituaient l'essentiel de la «délégation», soulignant la volonté manifeste des organisateurs de mettre en valeur l'émergence d'une génération de bédéistes. Youcef, dit L'Andalou, est connu notamment à travers El Watan Week-end» où paraissent ses strips, moins frileux que lui, qui est allergique au froid ! Il dessine régulièrement dans la revue Bendir. Ses caricatures ont été primées dans plusieurs festivals dans le monde. Il est directeur artistique du studio d'animation Real Dream Art de Tizi-Ouzou, créé par son ami et complice Ifaz Matoub. L'Andalou a été membre du jury international du dernier FIBDA et la publication de son premier album est attendue par tous ses admirateurs. Le cadet du groupe, le gentil Sofiane Belaskri, a attiré aussi l'attention. Ce mangaka de 20 ans a déjà créé plusieurs BD, dont El Moudjahid et Le Vent de la Liberté (Ed. Z-Link). Lauréat en 2011 du 2e Prix du jeune Talent au Fibda, il a fait partie des collectifs «Monstres» et «Waratha» initiés par le festival. Dans l'album collectif de ce dernier groupe, il s'est signalé par une belle œuvre, J'avais un rêve laquelle, sur sa thématique de prédilection, la guerre de Libération nationale, montre des qualités scénaristiques et artistiques prometteuses. Nawel Louerrad, née en 1981, a eu du mal à concilier son immense humilité avec le succès de son premier album, Les vêpres algériennes (Dalimen, 2012), que nous avions qualifié de conte philosophique en BD. Portant sur les rapports des Algériens avec la mémoire de la guerre d'indépendance, puis de la décennie noire, l'originalité et la profondeur de ce travail créatif n'a pas échappé aux connaisseurs dont la densité au mètre carré est élevée à Angoulême. Nawel, qui a étudié l'architecture à Alger, puis la scénographie et le théâtre en France, vit et travaille à Alger. Elle a fait partie du collectif «Monstres». Sa démarche apporte à l'expression du 9e art en Algérie une indéniable nouveauté. Mahmoud Banameur, 25 ans, a étonné également avec son album Broderies pour un hold-up (Dalimen 2012), révélant des qualités artistiques fortes et un sens aigu de la construction narrative. Autodidacte à ses débuts, il est entré par la suite à l'Ecole nationale supérieure des beaux-arts d'Alger pour y développer son talent. Ses premières apparitions artistiques se sont traduites par l'illustration de livres pour enfants. Avec la formation reçue en 2011 dans le collectif «Monstres», il s'affirme de manière très prometteuse et enchaîne avec une première percée dans l'animation. Issu de la mouvance DZ-manga, Amir Cheriti, né en 1980 à Sétif et vivant à Jijel, est une des découvertes de la revue Laabstore où il a publié plusieurs bandes dessinées. Lauréat du Prix du scénario au Fibda 2008, cette récompense l'a encouragé à poursuivre son travail créatif. Il est déjà l'auteur d'un album, Roda, paru aux éditions Z-Link et qui a attiré de nombreux visiteurs. Les sœurs Ouareski ont également suscité la curiosité par leur gémellité qui troublait les repères, mais aussi parce que, portant le voile, elles ont montré, sans le vouloir, qu'il n'était pas forcément synonyme de tristesse et de fermeture d'esprit. Soumeya, étudiante à l'Ecole nationale supérieure des beaux-arts d'Alger, a fait partie du collectif «Monstres» en tant que dessinatrice et scénariste. Elle a aussi fait état, à travers un album historique des éditions Rive Sud d'Alger, d'un talent de coloriste, métier indispensable à l'édition de BD. Safia, versée dans ses études d'anglais, est plutôt rédactrice et scénariste. Elles ont entamé leur collaboration à travers une première œuvre parue l'an dernier dans l'album Waratha et elles comptent poursuivre cette voie de création sororale. Last but not least, Ifaz Matoub, né en 1980 à Alger, est venu à Angoulême pour signaler la nouvelle génération de créateurs de films d'animation. Ingénieur en informatique, il a développé en autodidacte sa passion du dessin, se versant dans l'animation 3D et obtenant avec Zim et Zam, co-réalisé en 2006, le prix d'encouragement du festival du cinéma amazigh avant de décrocher l'Olivier d'Or de cette même manifestation en 2009 avec le court métrage Trésors d'une autre planète». Après un séjour en Tunisie où son talent a «explosé», il a décidé de rentrer au pays où il a créé la société Real Deam Art, basée à Tizi Ouzou. Il est plus connu dans le monde qu'en Algérie, notamment pour ses réalisations au profit de Walt Disney Corp. (Bali) ou de France Télévisions (série Garfield). Depuis son retour, il compte se rattraper auprès des siens. En dehors des auteurs, on comptait dans l'organisation Saâdi Chikhi, chargé de la librairie, Kenza Bourenane-Rebbah, chargée des aménagements intérieurs et Imène Allal, chargée des relations médias. D'autres Algériens ont participé, d'une manière ou d'une autre, à l'animation. Ainsi, le dessinateur Fawzi Baghdadli, ancien de M'Quidech, qui vit et travaille à Angoulême et qui a retrouvé ses pairs compatriotes, ne cachait pas sa joie devant cette démonstration du 9e art algérien. Ainsi, Fazia Bekkat, ancienne membre de l'association Chrysalide, actuellement angoumoisine. Enfin, Nazim Mekbel, chargé des relations avec la BD africaine au Fibda, est monté à Angoulême pour participer au programme mais aussi faire humblement office de chauffeur, honorant par son dévouement la mémoire de son père, Saïd, créateur des revues satiriques El Manchar et Baroud. P.S : Menacé des pires caricatures par les auteurs algériens, je me dois ici de rendre hommage à notre logeuse, le Dr Agnès Riché et ses enfants, dont la maison, et notamment la cheminée, a été un refuge contre le froid, un havre d'hospitalité et un bouillon de culture.